ORGANISATION
Votre cabinet
Conduire les grands à l'école, être présent auprès des petits pour le câlin du soir, voir ses enfants grandir, préserver des moments avec son compagnon ou pour soi : articuler vie de famille et soins en libéral exige une bonne dose d'organisation.
Qu'il soit paramédical ou médical, le sacerdoce du soin appartient au passé. Pour les infirmières libérales aussi, il y a une vie à côté des tournées, des soins, des travaux administratifs. La législation, en matière de maternité, a heureusement évolué et les libérales rivalisent d'ingéniosité pour préserver leur vie de famille.
Pas toujours facile de décrocher du boulot certains jours. « On n'a pas la même responsabilité qu'à l'hôpital, où tout se fait en équipe, souligne Pascale. Lorsque l'on est en repos, on bascule le téléphone sur la collègue qui travaille. Avant notre reprise de la clientèle, les patients étaient habitués à joindre les infirmières directement chez elles... Nous avons dû expliquer aux patients qu'ils devaient désormais téléphoner sur le numéro du cabinet » auquel répond toujours l'une des trois infirmières. Le basculement automatique des numéros, largement facilité par l'évolution technologique, est aujourd'hui très répandu. Sandra et sa collègue, quant à elles, se passent le téléphone portable le dimanche soir, lors des transmissions.
Sandra s'est fixé un objectif : le lundi matin où elle ne travaille pas (une semaine sur deux), elle finit les tâches administratives. « Je mets un point d'honneur pour que tout soit fait à midi », souligne-t-elle, histoire d'être vraiment disponible le reste du temps.
Comme le confrère de Bérangère souhaitait aussi passer du temps avec sa famille, ils ont modifié l'organisation de leur planning. « Jusqu'à présent, on travaillait une semaine sur deux, mais les semaines où l'on travaillait étaient longues pour les enfants, explique-t-elle. Désormais, on alterne : pendant une semaine, je travaille le lundi soir et le mardi toute la journée, je suis en repos le mercredi et le jeudi et je travaille vendredi, samedi, dimanche et lundi matin. La semaine suivante, c'est l'inverse. On a donc un mercredi sur deux et un week-end sur deux. Au niveau de la fatigue, c'est mieux et on peut plus facilement s'arranger en cas de besoin. »
Sandra travaille une semaine sur deux, pendant sept jours, de 6 h 30 à 12 h 30, puis de 16 h 30 à 19 h environ. Les semaines où elle travaille, c'est son compagnon qui s'occupe de leur fille de 6 ans le matin et à la sortie de l'école, car ses horaires sont souples. Mais lorsqu'il est en déplacement, l'enfant dort chez ses grands-parents certains soirs.
« J'avais prévu de me lancer en libéral mais à une condition : avoir quelqu'un à la maison pour s'occuper des enfants », déclare Pascale, maman de trois enfants (9 ans, 7 ans et 18 mois). Une organisation qu'elle juge idéale. Les semaines où elle travaille le matin, elle rentre à 16 h 30. La semaine où elle travaille le soir, c'est la nounou qui fait faire les devoirs aux grands et donne le bain au petit. Les week-ends où elle travaille, son conjoint s'occupe des enfants, et il lui arrive alors de ne pas les voir du tout...
Mais comme l'employée de maison, qui arrive à 7 h 30, fait aussi le ménage et le repassage, Pascale est « complètement disponible » lorsqu'elle rentre, pour ses enfants et son conjoint. « Je ne suis pas sûre qu'une maman qui a des horaires de bureau, qui doit faire les courses et à manger le soir, soit plus disponible... », souligne Pascale. Certes, une telle formule a un coût mais Pascale reverra la formule quand le plus jeune aura grandi et que seul l'accueil périscolaire sera nécessaire.
Bérangère, qui a donné naissance à son deuxième enfant début novembre, a expérimenté le congé maternité des libérales nouvelle formule. Elle s'est arrêtée un mois avant la naissance et deux mois après. « J'aurais pu reprendre le travail un mois plus tard mais ma remplaçante, une amie, avait d'autres engagements », confie-t-elle, évoquant par ailleurs ces infirmières qui ne prennent quasiment pas de congés maternité. Financièrement, « on n'est pas du tout rémunérées, ajoute-t-elle. On reçoit juste de la Sécurité sociale une indemnité forfaitaire de réduction d'activité sous forme de prime dont la moitié est versée au septième mois de naissance et l'autre à la naissance du bébé. Et des indemnités journalières également, comme tout le monde, mais elles sont très inférieures à ce que je touche d'habitude et couvrent juste mes charges. »
Bérangère s'est donc organisée : elle a mis de l'argent de côté, fixé les dates de son remplacement et cherché une assistante maternelle. « J'ai deux nounous, une pour le grand et une pour le bébé car je ne voulais pas que mon compagnon sorte quatre fois par jour pour aller conduire et chercher le plus grand à l'école », explique Bérangère. Les jours où elle travaille (trois jours par semaine maximum puisque le week-end, les enfants sont à la maison), son compagnon les conduit chez les assistantes maternelles entre 7 h 30 et 7 h 45 et elle les récupère vers 14 h. Lorsqu'elle repart vers 16 h 30-17 h, il prend de nouveau le relais.
Sandra s'interroge sur la possibilité d'avoir un deuxième enfant. Mais la disponibilité qu'exige l'exercice libéral pèse lourd dans la balance au moment du choix. « Quand je travaille, je peux être appelée la nuit. Comment ferais-je si mon conjoint est absent une semaine, comme cela arrive ? », s'interroge-t-elle. Et puis, même si la législation a amélioré les conditions du congé maternité, « je fais 150 km par jour en voiture, rien qu'en tournées ! Ça va si la grossesse se passe bien, mais sinon ? ».
À part quand elles ont la chance de travailler suivant un horaire fixe, les infirmières qui exercent à l'hôpital rencontrent également des difficultés pour concilier travail et vie de famille, notamment celles qui ne savent que quinze jours avant, au mieux, si elles seront du matin, de l'après-midi ou de nuit. Ce qui fait dire à Bérangère, Pascale ou Sandra que l'exercice en libéral permet de mieux s'organiser, finalement.
Seules 4 % des mères dans la population générale ont pris un congé maternité de moins de 16 semaines et 84 % souhaiteraient que ce congé légal dure plus longtemps(1)... Les infirmières libérales se sont longtemps battues pour disposer d'un peu de temps pour finir leur grossesse en bonne santé et passer du temps avec leur bébé. Depuis le décret du 1er juin 2006, la durée du congé maternité des libérales est aligné sur celui des salariés(2). Il est donc de 16 semaines (six avant la naissance et dix après) pour le premier ou le deuxième enfant, 26 pour les suivants, 34 en cas de naissance gémellaire et 46 pour des triplés ou plus. Il ouvre droit à une allocation forfaitaire de repos maternel (2859 euros au 1er janvier 2009) versée en deux fois et, si les infirmières libérales cessent toute activité, à des indemnités journalières (47,65 euros). Les infirmiers libéraux, eux, ont droit au congé paternité(2) de 11 jours (18 pour des naissances multiples) maximum et, s'ils arrêtent toute activité, à des indemnités journalières de 47,65 euros maximum.
(1) Source : Études et résultats «Le congé de maternité», Drees (ministère de la Santé), octobre 2006.
(2) Plus de renseignements sur .
- Si l'articulation entre travail et vie de famille suscite les mêmes questions chez toutes les femmes actives, le métier d'infirmière libérale exige encore plus d'organisation et d'astuce pour disposer de temps de qualité.
- Les libérales ont obtenu de meilleures conditions pour leurs congés maternité, même si, financièrement, elles sont encore loin d'être idéales.
- Lorsqu'elles reprennent le travail, elles jonglent entre conjoint, grands-parents et nounous pour garder les enfants. Leur credo : s'organiser, anticiper !