Géraldine Mothes, diététicienne à Toulouse (Haute-Garonne)
La vie des autres
Glucides, protides et lipides n'ont aucun secret pour Géraldine Mothes. Entre interventions auprès d'adultes et d'enfants, travail en réseau contre l'obésité et consultations individuelles, elle distille avec un insatiable appétit ses conseils nutritionnels.
Glycémie, gras poly-insaturés, protéines, dépenses énergétiques, équilibre et rythme alimentaire : le quotidien de Géraldine Mothes la conduit à emmener chaque personne qui la consulte sur une partie du terrain nutritionnel. Diététicienne diplômée depuis 2000, elle s'est installée en libéral depuis deux ans. Elle complète cette activité par des interventions en milieu scolaire, auprès d'associations ou dans des écoles paramédicales. Une formule certes assez classique pour les diététiciens qui débutent. Mais la forme des interventions d'éducation nutritionnelle de Géraldine Mothes, en revanche, n'a rien de conventionnel : les ateliers cuisine ou les jeux qu'elle anime lui permettent de diffuser ses conseils avec bonne humeur. « J'essaie d'être le moins théorique possible pour que les participants puissent appliquer les principes à la maison », explique-t-elle.
Sa participation au réseau pour la prévention et la prise en charge de l'obésité en pédiatrie (Répop, ) l'amène aussi à intervenir régulièrement auprès d'enfants en surpoids. Intégrés au réseau par les médecins généralistes du Répop, ces enfants bénéficient en ville d'un suivi pluridisciplinaire, y compris sur le plan diététique. Ateliers cuisine, rencontres avec d'autres enfants, épreuves d'effort et consultations rythment la prise en charge. « C'est très intéressant car, souvent, c'est toute la famille qui doit apprendre à modifier ses habitudes, apprécie la diététicienne. Parfois, lorsqu'ils ont du mal à intégrer mes messages, il m'arrive de proposer aux parents de me rendre à domicile. » Le frigo est alors décortiqué et les placards passés au peigne fin et analysés sous l'angle nutritionnel : sucres cachés, gras, sel... « Une fois, se rappelle Géraldine Mothes, j'ai même demandé à assister au repas familial », histoire de comprendre les mécanismes à l'oeuvre et l'ambiance des repas qui, selon elle, « révèle beaucoup de choses ».
À côté, elle consulte en libéral, quasiment à mi-temps. Parmi les personnes qu'elle reçoit, certaines souffrent de troubles du métabolisme, de la nutrition, d'hypertension, de problèmes cardiaques, tandis que d'autres ont subi une intervention de chirurgie digestive et recherchent des conseils nutritionnels adaptés. Géraldine Mothes est généralement en relation avec les médecins traitants : « Je reçois les diabétiques en début de traitement car ils ont besoin d'être formés sur le plan nutritionnel. Je les revois plusieurs fois ensuite, pour trouver le bon schéma, mais aussi si le diabète s'équilibre mal ou lorsque leur traitement est modifié par leur médecin. » En revanche, elle reçoit peu de patientes anorexiques ou boulimiques. « Parfois, des parents viennent, inquiets, avec leur ado qui a perdu beaucoup de poids - souvent un départ de régime qui dérape. Mais si ce n'est pas l'ado qui fait la démarche, il n'est pas forcément ouvert à la discussion, remarque la diététicienne. J'essaie alors de le voir seul et de lui expliquer les risques ; mais si je sens que mon soutien ne sera pas suffisant, je l'oriente vers un médecin spécialiste. » Les ressorts psychologiques ou psychiatriques, à l'oeuvre dans ces pathologies, dépassent en effet largement le bagage de formation proposé aux diététiciens. « La grosse difficulté de notre activité, c'est que notre formation n'aborde pas l'approche psychologique du patient », regrette Géraldine.
La grande majorité de sa clientèle se compose donc plutôt de personnes qui souhaitent perdre du poids et viennent, pour la plupart, de manière spontanée. Après les premiers échanges de rigueur, Géraldine passe en revue les habitudes alimentaires du patient, son rythme de vie, ses goûts et ses dégoûts, le nombre de prises alimentaires, les régimes éventuellement déjà suivis... « Je ne travaille pas systématiquement par menus, explique la diététicienne. J'essaie de donner un cadre alimentaire avec des repas réguliers et un maximum d'équilibre nutritionnel. On obtient beaucoup plus de résultats, et meilleurs à long terme, si l'on reste souple sur les écarts possibles. Il faut savoir qu'on peut aussi se faire plaisir ! »
À condition de conserver une bonne hygiène de vie par ailleurs. « La moitié du résultat obtenu l'est grâce au sport », assure Géraldine Mothes. Le recours à un coach sportif, même sur un petit nombre de séances, en a aussi aidé plus d'un. « J'essaie de travailler sur les goûts, les envies, mais aussi sur les moyens de détourner la compulsion, d'assouvir une envie à un moment de stress ou d'ennui par le sport ou parfois par la sophrologie. » Ici également la dimension psychologique reste prégnante : 50 % des consultations relèvent d'après elle d'un besoin de soutien et d'encouragement dans la perte de poids. Alors notre diététicienne n'hésite pas de temps en temps à prendre des nouvelles des uns ou des autres par téléphone ou par mail... Un coup de pouce qui peut jouer.
« J'ai des contacts avec des infirmières libérales au travers de formations dans lesquelles j'interviens. Elles sont très demandeuses d'informations nutritionnelles pour donner des conseils à leurs patients, diabétiques par exemple. Si cela ne suffit pas, elles peuvent avoir recours à une spécialiste de la diététique. Je pense qu'elles interviennent souvent auprès de gens qui auraient besoin de conseils nutritionnels. Dans mon activité libérale, je suis davantage en contact avec des médecins car ils prescrivent les consultations diététiques. Depuis que je suis installée, j'ai donc plutôt commencé à démarcher les médecins généralistes, les gynécologues et les kinés, mais ce serait intéressant de travailler avec des infirmières libérales. En allant à leur rencontre, un partenariat pourrait se mettre en place. »
Plus courte que dans les autres pays européens, la formation des diététiciens, en BTS ou DUT, se déroule depuis 1951 en deux ans. Les détenteurs de ces diplômes ont été reconnus professionnels de santé par la loi du 30 janvier 2007. Une mesure qui clarifie les compétences des diététiciens en matière de prévention et de traitement nutritionnels et laisse aussi espérer une prise en charge de certaines consultations de diététique par la Sécurité sociale. La loi évoque un diplôme d'État dont la mise en place fait encore l'objet de réflexions. La réforme des études de diététicien, demandée de longue date par l'Association des diététiciens de langue française, doit s'intégrer dans le processus plus large de réforme des études sur le schéma LMD. Un diplôme à bac+3 avec une possibilité de deux ans de spécialisation enrichirait la formation et renforcerait le métier.