Les malades,
Le débat
Censés avoir pris une place importante dans le système de santé depuis la loi Kouchner de 2002, les représentants des usagers du système de santé s'estiment trop peu écoutés, trop souvent oubliés.
Assistant de service social
Initiateur de l'appel «Ensemble pour une santé solidaire»(1), lancé le 16 mai 2008
Depuis la loi sur le droit des malades de 2002, écoute-t-on véritablement plus qu'avant les usagers ou bien n'est-ce qu'un discours de façade ?
C'est évidemment une façade. On convoque de temps en temps les associations pour leur demander leur avis. Mais on n'écoute pas pour autant les suggestions qui sont faites. Alors que Nicolas Sarkozy disait lui-même en septembre dernier qu'il attendait que les usagers fassent leurs propositions, on ne tient pas compte de nous. Aujourd'hui, 39 % des Français renoncent à des soins, pour des raisons économiques. Entend-on ce qu'ils disent ?
Le rôle des associations est-il aujourd'hui d'accompagner les réformes pour y imprégner leurs idées ou de se mettre en retrait et le cas échéant, de critiquer ?
Qu'un président d'association comme Christian Saout donne l'impression de cautionner un projet comme HPST(2), c'est du jamais vu. Notre rôle est de travailler avec les professionnels de santé, avec les économistes, que sais-je, pour trouver ensemble des arguments à présenter au gouvernement. Concernant le projet de loi Hôpital, patients, santé et territoires, on a demandé à rencontrer tout le monde, les différentes représentations politiques à l'Assemblée. Mais là encore, on n'a aucune réponse.
Quel regard portez-vous plus généralement sur l'évolution du système de santé ?
Quand il y a deux infirmières pour soigner quarante malades, je me dis que la qualité des soins et la qualité relationnelle sont mises à mal. Il n'est pas étonnant qu'il se passe des drames. Mais à qui doit-on en vouloir ? Aux infirmières ou à ceux qui décident des moyens alloués au système de santé ? Ce système qui était le plus juste au monde s'écroule. On est dans un climat de culpabilisation des malades et des professionnels de santé qui est déplorable. Qui écoute les infirmières qui disent qu'elles sont en difficulté, qu'elles n'ont pas les moyens de travailler correctement ?
Président du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss)
Président de la Conférence nationale de santé
Depuis la loi sur le droit des malades de 2002, écoute-t-on véritablement plus qu'avant les usagers ou bien n'est-ce qu'un discours de façade ?
À la vérité, je pense que cette loi a été efficace. En même temps, l'écoute des malades dépend des ministres en place. Par exemple, en 2004, Philippe DousteBlazy [alors ministre de la Santé, ndlr] a concocté sa réforme de l'Assurance maladie et sa loi de santé publique sans se soucier de ce que pouvaient penser les associations de malades. En revanche, sur le terrain, de plus en plus d'usagers ont un siège dans les conseils d'administration des hôpitaux. C'est une grande avancée. Mais se posent deux problèmes : ces personnes ne sont ni formées pour cela, ni indemnisées.
Chemin faisant, les associations investissent les institutions et le champ politique ; doivent-elles jouer des coudes pour cela ou bien les institutionnels viennent-ils à vous naturellement ?
On a tendance à nous oublier. Il y a encore quelques grandes agences qui n'ont pas de représentants d'usagers. Sur le fond, je pense qu'il vaudrait mieux que nous investissions les conseils d'orientation ou de surveillance plutôt que les conseils d'administration. La gestion, ce n'est pas forcément notre rôle.
Le rôle des associations est-il aujourd'hui d'accompagner les réformes pour y imprégner leurs idées ou de se mettre en retrait et, le cas échéant, de critiquer ?
Dans un pays anglo-saxon, on serait dans une logique «d'insiders». En France, les associations sont plutôt dans une posture «d'outsiders». La logique du Ciss, dans le cadre de la loi HPST par exemple, c'est de se poser en soutien critique. On marche sur deux jambes : une jambe de proposition et une jambe de protestation. Je sais que ma présence aux côtés de la ministre de la Santé n'a pas été comprise.
Quel regard portez-vous plus généralement sur l'évolution du système de santé ?
Les choses se sont dégradées ces cinq dernières années. Il y a aujourd'hui de réels problèmes d'accès aux soins et pas uniquement dus à la désertification médicale. Des usagers ne peuvent tout simplement plus s'offrir de couverture complémentaire. Quant à la gestion du système, personne n'est capable de dire où va l'argent investi dans le système de santé.
(1) .
(2) Le 22 octobre dernier, à l'issue de la présentation à la presse du projet de loi HPST, Christian Saout s'est vu fortement reproché son soutien à Roselyne Bachelot.