L'Infirmière Libérale Magazine n° 245 du 01/02/2009

 

Cahier de formation

Savoir faire

Madame B. confie que son mari, ne prend pas soin de sa colostomie. Il refuse d'aborder le sujet et s'enferme dans la salle de bain pour prendre sa douche. Il ne sort plus de chez lui depuis six mois...

Il est difficile de prendre en charge quelqu'un qui ne le souhaite pas, mais vous lui suggérez d'aborder ce problème avec la stomathérapeute de l'établissement qui a opéré son mari. Elle peut aussi appeler l'association des stomisés et en parler à son médecin traitant pour une éventuelle prise en charge psychothérapique.

RÉACTIONS DES PATIENTS STOMISÉS

Un traumatisme

→ Une stomie est toujours un traumatisme psychique, d'autant plus grave parfois qu'elle est réalisée dans l'urgence.

→ L'acquisition de la continence signe l'ouverture vers la vie sociale chez l'enfant. Perdre cette continence est un signe de régression qui renvoie au «pipi-caca»... La personne ressent cela comme une mutilation (perte de l'intégrité physique). L'estime de soi est altérée, la blessure narcissique est indéniable.

Remarque : la culpabilité et la honte peuvent se rencontrer.

Le deuil

→ La stomie fait bien souvent suite à une maladie plus ou moins grave. Être malade, c'est faire de nombreux deuils : celui de son immortalité et de sa toute-puissance comme de son bien-être. C'est également renoncer à certains projets de vie, voire à sa place sociale ou même familiale.

→ Toute perte passe par différentes phases allant et venant au rythme de chacun : le choc, le déni, la révolte, le marchandage, la tristesse et l'acceptation.

→ On dit que le deuil est fait lorsqu'il y a acceptation d'une réalité permettant de se reconstruire et d'envisager un avenir.

Les stratégies d'adaptation

→ Chaque patient réagit selon sa propre histoire et les stratégies d'adaptation psychologique aux mauvaises nouvelles (maladie et stomie) varient. Ce qui complique l'attitude des soignants.

→ Ces stratégies d'adaptation ou «coping» vont de la révolte à la revendication agressive, au besoin de maîtrise à la combativité du renoncement à la sublimation. Ces processus conscients relèvent de processus inconscients de mécanismes de défense.

Les étapes «sensibles»

Schématiquement, il existe des moments particulièrement sensibles pour le patient stomisé :

→ l'annonce de la maladie et de la stomie,

→ l'apprentissage des soins et l'apprivoisement de la stomie,

→ le retour à la maison,

→ la rechute éventuelle de la maladie,

→ autres : rétablissement de la continuité d'une stomie provisoire ; certaines périodes et événement de la vie (retraite, adolescence, perte d'un proche, chômage...).

LE RÔLE DU SOIGNANT

Si le patient a été pris en charge correctement par une équipe avec une stomathérapeute, le rôle de l'infirmière librale est de parfaire l'éducation du patient. Le but : autonomiser le patient, sans le forcer, à son rythme et selon ses capacités.

Écouter

L'écoute est le premier pas pour aider le malade à traverser ces épreuves. Si possible, répondre à ses demandes d'information. Dans un même temps, prendre du temps pour réaliser les soins et les valoriser. La qualité des soins est une part importante de l'acceptation de vivre avec sa stomie.

Éviter les pièges

→ Pas de mensonge, ni de fausse réassurance comme : « Vous verrez, dans 2 mois on vous referme la stomie. »

→ Ne banalisez pas la stomie en disant : « J'en fais souvent, des soins de stomie, c'est rien ! »

→ Pas de jargon hermétique pour faire fuir le patient.

→ Pas de fuite en avant. Éviter « ce type de stomie, c'est rarement provisoire » ou « ce cancer a un taux de rechute très important ». Pas d'information sans tenir compte de la demande du malade et de ses ressources psychiques dans l'instant.

Réagir à l'agressivité

Un patient agressif l'est rarement contre le soignant. Cette expression d'une souffrance est plus souvent dirigée vers la maladie et la mutilation. Soyez dans l'empathie en montrant que vous l'entendez et le comprenez en disant : « Je comprends que c'est difficile pour vous. Vous êtes en colère. Voulez-vous en parler ? »

Bannir l'héroïsme

Inciter le patient à réagir, c'est bien, mais à condition qu'il le puisse ! Essayer de faire comprendre au patient qu'il peut jouer un rôle dans la prise en charge des soins et dans la lutte contre sa maladie (en cas de cure de chimiothérapie...). Évitez cependant d'en faire un bon soldat avec un héroïsme dépassant ses capacités. Il risque alors de culpabiliser s'il n'a pas la force de se battre. Un patient a le droit d'avoir peur, de régresser, d'avoir des moments d'abattement. À vous d'adapter votre attitude.

Informer

Informer simplement en vous adaptant aux attentes du malade. Informer n'est pas former. Dans un souci d'autonomisation, faites suivre les mots des gestes. Montrez, puis faites-les exécuter par le patient lui-même. Et rassurez-le : il faut du temps pour apprendre.

Accompagner

Lors des soins, ne jamais forcer le patient à regarder la stomie. Au fil du temps, en lui demandant son aide pour vous passer tel ou tel matériel, vous l'inciterez peut-être à apprivoiser sa stomie et à la regarder. Ce regard est un signal positif pour commencer l'éducation. Informer de l'existence d'association de patients (cf. partie Savoir Plus).

*Partie réalisée grâce au livret «Aide à la prise en charge psychologique du patient stomisé» du Laboratoire ConvaTec et du groupe Performance Club de stomathérapeutes.

Point de vue

« Je pensais à ma mort »

Joël Brunet, 59 ans, colostomisé, président de Provence stomies contact (Vaucluse)

« J'ai été opéré une première fois d'un cancer du rectum en 2004. Je ne savais pas ce qu'était une stomie. Je suis allé rencontrer un patient stomisé qui a accepté de me recevoir. Je savais que j'allais être opéré une seconde fois et que j'aurais une colostomie définitive. Cet homme m'a parlé, mais je n'ai pas tout «capté». En effet, j'avais la tête pleine de problèmes familiaux : je pensais à ma mort, à ce que deviendrait ma famille si je mourais. Les informations sur les stomies sont le cadet de vos soucis quand vous apprenez que vous avez un cancer. »