L'Infirmière Libérale Magazine n° 245 du 01/02/2009

 

PROFESSION

Actualité

RENCONTRE > C'est une femme, Dominique Le Boeuf, 47 ans, qui vient d'être élue à la tête de l'ordre avec 38 voix sur 48. Au lendemain de son élection, elle fait le point avec notre journaliste sur son parcours et sur les chantiers à relever. Morceaux choisis.

Ce mandat de présidente de l'ordre va-t-il vous amener à réorganiser votre emploi du temps ? D'autant que vous avez deux autres mandats aux niveaux départemental et régional*. Mes différents mandats ne posent pas de problème, au contraire [...]. Je fais partie de ceux qui se sont battus pour qu'on ait des départements, je crois beaucoup à la force du local. On est 500 000 infirmières. Pour pouvoir les fédérer, pour pouvoir aller au plus près d'elles, il faut forcément avoir une dimension locale. Et puis, Paris n'est pas la France, loin de là ! [...]

Pour quelqu'un qui a fait toute sa carrière dans le public, vous vous êtes beaucoup intéressée aux libéraux... Oui, j'ai eu cette opportunité. Je pense que c'est ce qui a fédéré sur ma candidature. Mon expérience professionnelle m'a permis d'approcher tous les secteurs d'activités où exercent les infirmiers, public, privé, mais aussi ambulatoire, en entreprise, etc.

Était-il important pour vous que la présidente de l'ordre soit une femme ? Je n'en ai pas fait une affaire de principe. Mais je pense que c'est important. On est 85 % de femmes, mais, pour moi, ce n'était pas obligatoirement un critère ultra sélectif. La profession se masculinise assez, et on ne va pas les rejeter, quand même !?

Concernant le fonctionnement de l'ordre, la date de la prochaine réunion du conseil est-elle fixée ? Non, elle n'est pas fixée, mais ce sera début février. Mon souhait pour la première réunion, c'est de réunir tous les suppléants et tous les titulaires. C'est une demande forte des élus nationaux [...]. L'élection au Conseil national a permis la représentation d'une grande diversité des exercices. On a des infirmières scolaires, des infirmières de centres de lutte contre le cancer, des infirmières de santé publique et je trouve que ce conseil représente assez bien la population infirmière. C'était très important pour moi à la fois que tous les secteurs géographiques soient représentés (neuf intersecteurs) ainsi que tous les secteurs d'activité. L'objetif étant qu'on puisse se reconnaître comme une profession et non plus comme un emploi.

Le tirage au sort des élus pour deux ans et des élus pour quatre ans ainsi que l'appel à à cotisation auront-ils lieu lors de cette prochaine réunion ? Le tirage au sort, oui. Pour ce qui est de l'appel à cotisation, ce sera lors d'une assemblée pendant laquelle je réunirai tous les départements et les régions. En tout cas, c'est mon souhait. Je le soumettrai au Conseil national pour avis. L'assemblée de départements permettra de déterminer ce qu'est, pour les départements, une cotisation raisonnable et acceptable : raisonnable pour que l'ordre puisse fonctionner et que nous ayons notre indépendance ; acceptable pour que toutes les infirmières s'y retrouvent. [...]

Quels sont pour vous les chantiers prioritaires ? Réunir mon conseil et tout de suite commencer le Code de déontologie. C'est ce qui fonde notre identité ordinale. Il faut que tous les départements y participent, comme l'ont fait les autres ordres. Après, commencer tout de suite à parler du fonctionnement de l'ordre, comment on va le monter au niveau du fonctionnement interne et très vite s'organiser pour communiquer. Parce que là, s'il ne se passe rien dans cinq mois et qu'on demande des cotisations, cela va être un peu compliqué à expliquer. Il va aussi falloir nous compter, nous recenser, savoir très précisément qui fait quoi pour mieux nous connaître. L'une des mes priorités en tant que présidente est de me déplacer [...]. Je pense qu'il faut que les territoires puissent voir une présidente qui n'est ni virtuelle ni enfermée dans sa tour d'ivoire et qui est capable de se confronter au terrain.

Que pouvez-vous dire pour rassurer les infirmières quant au rôle de sanction de l'ordre qui peut aller jusqu'au retrait du diplôme ? Pour l'instant, l'ordre n'a pas de mission de sanction au niveau du service public hospitalier. En ce qui concerne les libérales, c'est juste une mise en place d'un décret qui n'avait jamais été mis en place jusqu'à maintenant. Je reste assez confiante, je suis persuadée qu'il n'y a pas tant d'infirmières qui travaillent mal. Cela se saurait ! [...] Cela peut permettre aussi de faire remonter certaines difficultés. Et puis, quand même, ce qui peut les rassurer, c'est qu'elles vont pouvoir enfin être jugées par leurs pairs. Actuellement, ce sont quand même les médecins qui les jugent !

Qu'est-ce que cela vous fait de devenir la première présidente de l'ordre des infirmières de France ? Le sentiment d'une lourde responsabilité, vraiment. Un très beau challenge : celui de convaincre un maximum d'infirmières. Cela va se jouer sur la capacité de l'ordre à pouvoir leur ressembler, à être au plus près de leurs préoccupations, à faire évoluer la profession et surtout à anticiper. Très clairement, l'ordre va travailler pour les générations futures et pour nos patients futurs.

* Elle est déjà secrétaire générale du Conseil départemental de l'ordre des Yvelines et vice-présidente du Conseil régional de l'ordre d'Île-de-France.

Une infirmière qui connait son terrain

Dominique Le Boeuf confie avoir « toujours voulu être infirmière, c'était mon projet et je suis une infirmière heureuse ». Diplômée en 1982, elle entre aussitôt à l'hôpital de Versailles auquel elle est toujours rattachée. D'abord en médecine interne, en réanimation respiratoire puis en soins intensifs de cardiologie. En 1989, elle est reçue à l'école des cadres. Devenue cadre en neurologie, elle monte l'activité d'hématologie clinique à l'hôpital de Versailles. Interessée par le développement de la démarche qualité à l'hôpital, elle suit un premier DESS en alternance à Aix-Marseille en 1998. Son mémoire porte sur les critères d'émergence des réseaux de soins. « Ce sujet m'a incitée à sortir de mon hôpital. J'ai rencontré des acteurs de l'ambulatoire et goûté à une certaine forme de pluridisciplinarité qui m'allait bien. » Un an après, retour à l'hôpital de Versailles pour très vite se réinscrire en DEA de sociologie chez Michel Crozier, connu pour son travail sur les stratégies d'acteurs à l'hôpital. Son sujet : l'hôpital local, les professionnels de santé et le territoire. Elle suit pendant deux mois des médecins généralistes et des infirmières en long séjour et en maison de retraite, une activité « essentielle à la prévention des complications du grand âge ». C'est ce travail d'enquête qui l'amènera aussi à découvrir les activités des infirmières libérales.

POUR INFO

Outre la présidente de l'ordre, huit autres membres ont été élus le 14 janvier pour constituer le bureau du Conseil national de l'ordre infirmier (CNOI). Les trois collèges - public, privé et libéral - y sont représentés, avec respectivement quatre, un et quatre élus. Du côté des libéraux, on notera la présence aux postes-clé de Myriam Petit (secrétaire générale), Bruno Le Du (secrétaire adjoint) et Corinne Boursaud-Laporte (trésorière).

Les 52 élus titulaires du Conseil national avaient été convoqués à l'élection du bureau par lettre recommandée datée du 17 décembre et expédiée par le ministère de la Santé. Sur 52 élus, on comptait 48 présents le 14 janvier .