Les spondylarthropathies - L'Infirmière Libérale Magazine n° 247 du 01/04/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 247 du 01/04/2009

 

Une pathologie

Cahier de formation

Le point sur

Victimes d'un retard de diagnostic important, les spondylarthropathies doivent être mieux connues pour favoriser une prise en charge précoce d'autant plus importante que des traitements récents permettent aujourd'hui d'éviter les conséquences irréversibles de la maladie.

De la spondylarthrite aux spondylarthropathies

La spondylarthrite est une maladie rhumatismale connue sous sa forme «axiale» typique dite spondylarthrite ankylosante. Cette maladie inflammatoire touche la colonne vertébrale et les articulations sacro-iliaques et plutôt l'homme jeune. On s'est aperçu lors des dernières années,

qu'il existait des formes voisines mal prises en charge car ne répondant pas aux critères de la forme classique. Le concept de spondylarthropathie est donc né. Il comprend un ensemble de maladies ayant en commun certaines manifestations cliniques et un terrain génétique particulier. Les spondylarthropathies regroupent :

→ la spondylarthrite ankylosante classique ;

→ le rhumatisme psoriasique avec atteinte axiale ;

→ les arthrites réactionnelles à une entéro-colopathie aiguë (diarrhée à Salmonellae, Shigellae, Yersinia ...) ou à une urétrite (gonococcique, à Chlamydiae ou Mycoplasma) ;

→ les spondylarthrites ankylosantes associées aux entérocolopathies inflammatoires (rectocolite hémorragique et maladie de Crohn) ;

→ les spondylarthrites ankylosantes indifférenciées.

Caractéristiques cliniques

Toutes ces maladies ont en commun, sur le plan anatomopathologique, d'aboutir à une inflammation de l'enthèse (zone d'ancrage ou d'insertion d'un tendon, d'un ligament ou d'une capsule sur l'os). Sur le plan clinique, cette inflammation peut se manifester par des atteintes axiales (rachidiennes, dorso-lombaires), des atteintes des articulations sacro-iliaques (fesses) et des atteintes périphériques à type d'arthrites ou d'enthésites (inflammation du talon d'achille, par exemple). Elle se manifeste par des douleurs inflammatoires nocturnes typiques. Il existe également des symptômes indirects, extra-rhumatologiques, qui peuvent être très variés et qu'il est important de rechercher en présence de signes rhumatologiques insuffisants car ils participent à orienter et conforter le diagnostic. Sont particulièrement évocateurs :

une atteinte de l'oeil : une uvéite antérieure donne du poids en faveur du diagnostic de spondylarthropathie ;

un psoriasis : même limité, masqué ou passé (antécédent). Il constitue un critère annexe très important pour orienter vers un rhumatisme psoriasique ;

une maladie inflammatoire du côlon : l'existence d'une maladie de Crohn ou d'une rectocolite hémorragique associée à des douleurs inflammatoires nocturnes donne des arguments en faveur d'une spondylarthropathie ;

des symptômes pseudo-infectieux à type de diarrhées ou d'urétrite les semaines ou les jours précédant l'épisode d'arthrite abondent en faveur d'une spondylarthrite réactionnelle. Dans ce cas, le germe n'est pas retrouvé dans l'articulation comme c'est le cas dans les arthrites infectieuses. Il s'agit d'une réaction immunologique au niveau de l'articulation inadaptée et réactionnelle à un germe urétral ou colique.

Examens diagnostiques complémentaires

La radiographie est l'examen de première intention. Elle permet notamment d'objectiver clairement l'inflammation bilatérale de l'articulation sacro-iliaque, dans la spondylarthrite. Mais les signes radiologiques sont tardifs (en moyenne sept ans) et, en présence d'une radio normale, il est utile de recourir à d'autres examens pour confirmer une suspicion de spondylarthropathie. L'inflammation des enthèses peut être mise en évidence par deux examens très performants : l'échodoppler des enthèses et l'IRM ciblée sur les zones douloureuses. L'échodoppler permet de montrer de façon précoce une inflammation sur un tendon rotulien ou un tendon d'achille, par exemple. L'IRM présente l'intérêt d'objectiver l'inflammation des enthèses, notamment rachidiennes, trois ans avant que ces atteintes soient observées radiologiquement.

Améliorer le diagnostic précoce

La précocité du diagnostic des spondylarthropathies est capitale car le pronostic en dépend. Il s'agit en effet de maladies très douloureuses, dont les complications, lorsqu'elles ne sont pas prévenues par un traitement précoce approprié, sont lourdes de conséquences sur la qualité de vie, la vie professionnelle (nombreuses absences) et la vie sociale. Or le délai entre les premiers symptômes et le diagnostic est en moyenne de 7 ans pour les hommes et de 12 pour les femmes. Il est donc utile de savoir que les caractéristiques communes aux spondylarthropathies ont permis d'établir des grilles de critères diagnostiques* qui apportent un éclairage très pédagogique pour repérer les spondylarthropathies et favoriser la mise en place d'un traitement précoce. Celui-ci est d'autant plus favorable aux patients que des thérapeutiques très efficaces apparues en 2002 permettent aujourd'hui d'arrêter l'évolution clinique insuffisamment contrôlée par les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et de diminuer leurs conséquences irréversibles (érosions articulaires, ankylose rachidienne).

Traitements

Leur objectif est de soulager la douleur, de préserver la mobilité et la fonction articulaire et de lutter contre l'évolution et les complications de la maladie.

Les traitements médicamenteux

Ils reposent sur 3 types de médicaments : AINS, anti-TNF alpha et médicaments de fond (similaires à ceux de la polyarthrite rhumatoïde).

AINS : ils sont à la base du traitement et sont efficaces dans 70 % des cas sur les douleurs inflammatoires au début de la maladie. Ils sont administrés à la demande. Lorsqu'ils sont insuffisants (3 AINS différents doivent avoir été essayés l'un après l'autre), les patients souffrant de forme axiale et ne présentant aucune contre-indication peuvent avoir accès aux anti-TNF.

Anti-TNF alpha : ils améliorent la douleur et les symptômes en général (raideur matinale, gène fonctionnelle, fatigue) chez les patients ne répondant pas correctement aux AINS. Toutefois, ils n'apportent pas de bénéfice prouvé sur l'ankylose rachidienne, ce qui justifie d'associer systématiquement une prise en charge kinésithérapique. Trois médicaments ont l'AMM dans cette indication : étanercept (Enbrel®), infliximab (Rémicade®), adalimumab (Humira®). Dans les formes axiales, ces traitements peuvent être directement substitués aux AINS. En revanche, dans les formes périphériques, il est recommandé d'essayer au préalable un traitement de fond comme ceux utilisés dans la polyarthrite rhumatoïde (PR).

Traitement de fond : salazo sulfasalazine (Salazopyrine®), méthotrexate.

La kinésithérapie

Elle doit être prescrite d'emblée et mise en oeuvre systématiquement dans les périodes non douloureuses. Elle permet d'éviter l'enraidissement (colonne bambou radiologique) par l'entretien de la souplesse articulaire et rachidienne. Les spondylarthropathies sont des maladies potentiellement sévères, souvent diagnostiquées après de longues années d'errance diagnostique.

*Les critères de classification des spondylathropathies sont les critères d'Amor et les critères de l'European Spondylarthropathie Study Group (ESSG). Ces critères peuvent être respectivement consultés sur les sites Internet suivants : et .

Complications

La complication majeure des spondylarthropathies rachidiennes (axiales) est l'ankylose (ossification des articulations) irréductible. L'ostéoporose sous-jacente entraîne un risque de fracture important. Dans les formes périphériques, on peut observer des érosions, voire des destructions articulaires, en particulier dans la forme psoriasique, qui peuvent aboutir à la pose de prothèse. L'insuffisance aortique est exceptionnelle mais doit être connue. Les complications les plus fréquentes sont celles associées aux anti-inflammatoires : intolérance gastrique et colique, effets cardiovasculaires.