Retour à la normale - L'Infirmière Libérale Magazine n° 247 du 01/04/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 247 du 01/04/2009

 

GUADELOUPE

L'exercice au quotidien

Nicolas Julian est infirmier libéral au Moule, une commune de 20 000 habitants. Il raconte les difficultés auxquelles il a dû faire face pour soigner ses patients pendant les 44 jours de grève générale.

«La grande grève est terminée, même si, ici et là, il y a encore des mouvements sporadiques. Les magasins n'ont pas tous rouvert et les produits frais d'importation sont encore bloqués au port. Heureusement, les patients diabétiques ou qui doivent suivre un régime particulier ont pu profiter d'un climat d'entraide et des échanges de fruits et légumes entre voisins. Mais c'était valable dans la campagne, pas dans les grandes villes comme Pointe-à-Pitre où les maraîchers n'accédaient plus à cause des barrages.

Dans les pharmacies aussi, on rencontrait des problèmes de fourniture, de pansements. Mais maintenant, on assure à nouveau nos soins avec le matériel adapté ! Bien sûr, le climat de tension a eu aussi une grande incidence sur les personnes qui souffraient déjà de pathologies mentales. Il faut bien imaginer que tout tournait autour de la grève, des scènes de violence tournaient en boucle à la télé, à la radio, il y avait des barrages partout...

Pour nous, soignants libéraux, il était difficile d'assurer le soin et la bonne prise en charge du patient. Difficile aussi quand le souci principal est de trouver du carburant... Les patients se sont montrés compréhensifs quand on leur expliquait qu'on devait échanger la clientèle avec des collègues et établir des priorités.

L'autre grande difficulté, c'était de rester réactifs alors que les médecins étaient difficilement joignables. Ils rencontraient aussi des problèmes de carburant. Pour l'un de mes patients, en fin de vie et sous morphinique, j'ai dû me contenter de prescriptions téléphoniques avec le médecin : aucune trace écrite. Cela implique une grande confiance des uns et des autres. Les prescriptions ont bien sûr fini par suivre par fax chez le pharmacien qui m'avait fait l'amitié d'accepter cet arrangement.

La grève a aussi été préjudiciable pour le CHU de Pointe-à-Pitre, où les barrages routiers empêchaient jusqu'aux ambulanciers d'y accéder rapidement. Difficile aussi d'organiser des transferts.

J'ai eu de la chance : dans ma commune, tout le monde connaît tout le monde. Alors, souvent, j'ai pu passer les barrages. Mais mes collègues n'ont pas tous eu cette chance : j'en ai un qui a cassé sa voiture sur un barrage sauvage en pleine nuit...

« De la solidarité et de l'inventivité »

Marie-Françoise Pernin, cadre coordon-nateur du service HAD à la clinique Les nouvelles eaux marines (Le Moule)

« Quand on parle de soins, on pense toujours aux infirmiers et aux médecins. Pourtant, et surtout à domicile, la prise en charge se doit d'être globale. Les déplacements de nos auxiliaires de vie ont été difficiles à assurer, notamment parce qu'elles n'ont ni carte professionnelle, ni le caducée qui leur aurait permis d'obtenir de l'essence en priorité ou de passer certains barrages sauvages. Tout était bloqué dans l'île, jusqu'au traitement des bordereaux à la Sécurité sociale ! Nos équipes ont pourtant continué à assurer les toilettes et les soins. Les prestataires ne pouvaient plus livrer les bouteilles d'oxygène chez les patients, ce qui a bloqué certaines sorties d'hôpital. L'absence de couches et de poches pour les stomies compliquait aussi le quotidien. On a essayé d'agir au mieux, à la limite en termes de responsabilité, mais toujours pour le bien du patient. »