Colopathie fonctionnelle - L'Infirmière Libérale Magazine n° 248 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 248 du 01/05/2009

 

Une pathologie

Cahier de formation

Le point sur

Le traitement de cette affection fréquente reste difficile. La prise en charge des patients vise actuellement à mieux les informer sur leur pathologie et leur traitement, et à ne prescrire des examens complémentaires qu'en cas de nécessité.

Définition

La colopathie fonctionnelle - ou troubles fonctionnels intestinaux, TFI, ou encore syndrome de l'intestin irritable - est liée à différents désordres responsables de douleurs abdominales et de troubles du transit évoluant de façon chronique et récurrente, retentissant fortement sur la qualité de vie mais pas sur l'état général. Des périodes d'accalmie plus ou moins longues alternent avec des poussées plus ou moins sévères.

Prévalence

Les TFI sont fréquents, ils touchent 5 % de la population occidentale, à tous les âges, mais plus fréquemment entre 30 et 50 ans. Ils sont deux fois plus souvent diagnostiqués chez la femme.

Physiopathologie

Cette affection semble multifactorielle et associe à des degrés divers selon les patients :

→ des troubles de la motricité intestinale (augmentation ou diminution) ;

→ l'hypersensibilité digestive à la distension ;

→ des anomalies dans les mécanismes de contrôle de la douleur situés au niveau cérébral ou spinal ;

→ des phénomènes inflammatoires au niveau des muqueuses intestinales ;

→ les spécificités liées à la petite enfance ;

→ le stress ;

→ un terrain génétique.

Symptômes

De multiples signes digestifs rendent la vie difficile, mais sans retentissement sur l'état général (ni amaigrissement, ni fièvre).

Des douleurs abdominales parfois localisées ou diffuses. Elles sont brèves et spasmodiques ou continuelles et sourdes, parfois nocturnes (contraction, spasmes, brûlure...).

Un inconfort digestif (sensation de gêne persistante).

Une sensation de ballonnement.

Des troubles du transit qui peuvent être une constipation, une diarrhée, ou une alternance des deux.

Le diagnostic

Première étape

Le piège est de méconnaître une affection qui nécessite un traitement spécifique (intolérance au gluten, tumeurs coliques, maladies inflammatoires intestinales...). En effet, toutes les maladies digestives peuvent s'exprimer par des symptômes similaires. Elles seront évoquées en présence de signes, que l'on appelle les signes d'alarme, qui conduisent à la prescription d'examens complémentaires (examens sanguins, examens des selles, coloscopie, endoscopie haute). Ceux-ci sont normaux dans les TFI, ainsi que l'examen clinique, hormis une zone douloureuse lors de la palpation abdominale mais sans réaction pariétale.

Les signes d'alarme sont un amaigrissement, la présence de sang dans les selles, une diarrhée chronique et abondante, des antécédents familiaux au premier degré de cancer colique, des antécédents personnels de polypes, l'apparition de symptômes après 50 ans, un examen clinique évocateur.

Deuxième étape

L'absence de signes d'alarme évoque une colopathie fonctionnelle. On ne demande pas d'examen complémentaire en première intention et le suivi portera sur l'évolution sous traitement.

Traitement

Relation soignant-patient

L'information améliore le pronostic. Elle porte sur les mécanismes physiopathologiques élémentaires (troubles de la motricité intestinale, troubles de la sensibilité digestive, troubles dans les mécanismes de contrôle de la douleur), sur les symptômes et leur fréquence, et sur les objectifs du traitement qui sont une diminution des douleurs et une meilleure gestion des troubles du transit.

Règles hygiéno-diététiques

Aucun régime alimentaire n'a montré de particulière efficacité. Une alimentation normale, équilibrée, avec des repas pris à heure régulière est recommandée, un apport hydrique de 1 à 1,5 l/j, ainsi qu'une activité physique régulière.

Traitement de la douleur

Les antalgiques : les antalgiques de niveau 1 ou 2 sont inefficaces, et ceux de niveau 3 ne sont pas utilisés compte tenu de leurs effets sur le transit et du risque de dépendance dans cette pathologie chronique.

Les antispasmodiques sont le traitement de choix. Ils n'ont pas ou peu d'effets secondaires, en revanche on ne peut prédire quelle molécule sera efficace chez un patient. En cas d'inefficacité au bout de quatre à six semaines, un autre antispasmodique est proposé. En cas de succès, il sera prescrit à la demande au moment des crises.

Les antidépresseurs sont proposés dans les TFI car ils modulent les voies régulatrices de la douleur.

Les techniques de relaxation aident le patient à gérer le stress et sont proposées (relaxation musculaire, yoga, sophrologie...). En cas d'échec, l'hypnose est conseillée : elle permet le plus souvent une amélioration de la composante douloureuse.

Modificateurs du transit

Les laxatifs osmotiques agissent en augmentant l'hydratation des selles (Forlax®, Movicol®, Transipeg®, Duphalac®, Sorbitol Delalande®...) et ont peu d'effets secondaires, à l'exception de la diarrhée. On recherche la dose minimale efficace.

Les autres laxatifs : les laxatifs de lest (son, mucilages) favorisent l'apparition ou majorent la sensation de ballonnement et sont peu utilisés. D'autres laxatifs sont disponibles en pharmacie et en herboristerie, qui favorisent la sécrétion colique et sont irritants. Ils ne sont pas utilisés, ou sous contrôle médical.

Les ralentisseurs du transit : la dose minimale efficace permet de contrôler le trouble du transit (Immodium®, Diaretyl®...)

Alternance de périodes de diarrhée et de constipation : le traitement repose sur les laxatifs mucilages (Normacol®, Spagulax®...).

Les probiotiques : certains, non encore disponibles, seraient efficaces et sont à l'étude.

Point de vue...

« Quand pratiquer une coloscopie ? »

Professeur Benoît Coffin, chef de service d'hépato-gastroentérologie, hôpital Louis-Mourier, Colombes

« La question essentielle est de savoir quand réaliser une coloscopie chez des patients ayant des TFI. Il n'a jamais été montré que la réalisation d'une coloscopie systématique, normale par définition, était un facteur susceptible de rassurer le patient et d'améliorer le pronostic symptomatique. D'autre part, il ne s'agit pas d'un geste anodin avec une perforation pour 2 500-3 000 examens et un risque anesthésique. Elle est effectuée en cas de nécessité, c'est-à-dire en cas de signes d'alarme. »