ÉVALUER LE SOIN «TOILETTE» - L'Infirmière Libérale Magazine n° 248 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 248 du 01/05/2009

 

Cahier de formation

Savoir faire

Madame P., 68 ans, a du mal à faire sa toilette du dos en raison d'une limitation articulaire. Par ailleurs, c'est une personne valide qui fait ses courses et vaque à ses nombreuses occupations sans problème particulier. Son médecin traitant prescrit une démarche de soins infirmiers et souhaite que vous passiez aider Madame P. lors de sa toilette.

Vous établissez une démarche de soins à l'aide du formulaire de DSI. Vos observations de la patiente et l'étude de son environnement, de ses capacités d'autonomie et l'analyse de ses besoins vous conduisent à proposer une «aide à la toilette», du ressort d'une auxiliaire de vie. La patiente ne relève pas d'une toilette sanitaire. Vous lui proposez de la mettre en contact avec une association d'aide à domicile pour monter un dossier APA (allocation personnalisée d'autonomie).

LES INTERVENANTS DE LA TOILETTE

Les Ssiad

Définition

Les Services de soins infirmiers à domicile sont des services sociaux et médico-sociaux gérés par des organismes publics (un tiers, dont des établissements d'hospitalisation publics, des CCAS...) ou privés (associations à but non lucratif). Ils assurent sur prescription médicale les soins infirmiers et d'hygiène générale ainsi que les concours à l'accomplissement des actes essentiels de la vie aux personnes âgées de 60 ans et plus, malades ou dépendants, et aux adultes de moins de 60 ans présentant un handicap et/ou atteints de maladies chroniques.

Le personnel

Il y a des aides-soignantes, salariées, qui assurent les soins d'hygiène et des infirmières pour les soins techniques. Les infirmières sont soit salariées du Ssiad, soit des libérales conventionnées avec les Ssiad qui les rémunèrent. À la tête du Ssiad, on trouve une infirmière coordinatrice.

La répartition des tâches

Une étude de la Drees(1) indique que la plupart des actes effectués par les Ssiad sont des soins de nursing : toilette, shampoings, entretien des ongles, prévention des escarres, aides aux transferts, à l'alimentation et à l'élimination effectués par des aides-soignantes qui comptent pour 80 % des effectifs du personnel soignant et assurent plus de 80 % des visites aux patients. Les infirmières libérales assurent 13 % des visites, le plus souvent pour des AMI.

La législation

Les aides-soignantes travaillent en collaboration avec l'infirmier qui « peut élaborer, avec des membres de l'équipe soignante, des protocoles de soins infirmiers relevant de son initiative » (article R.4311-3 du Code de Santé publique, « actes professionnels infirmiers »).

Les services d'aide et d'accompagnement à domicile(2)

Ces services sont aussi appelés services d'aide aux personnes à domicile ou Sapad.

Les missions

Intervenant auprès du même public que les Ssiad, ils concourent :

→ au soutien à domicile ;

→ à la préservation ou à la restauration de l'autonomie dans l'exercice des activités de la vie quotidienne ;

→ au maintien ou au développement des activités sociales et des liens avec l'entourage.

Les services d'aide et d'accompagnement à domicile assurent au domicile, ou à partir du domicile des bénéficiaires, des prestations de services ménagers et des prestations d'aide à la personne pour les activités de la vie et les actes essentiels lorsque ceux-ci sont assimilés à des actes de la vie quotidienne, hors ceux réalisés sur prescription médicale...

Ces prestations s'inscrivent dans un projet individualisé d'aide et d'accompagnement élaboré à partir d'une évaluation globale des besoins d'une personne.

Les structures

De statut privé ou public, les structures impliquées dans l'aide à domicile peuvent soit offrir leurs services, soit mettre en relation la personne ayant un besoin d'aide avec des personnes qualifiées :

→ les associations agréées du secteur associatif ou privé,

→ les CCAS ou CIAS (Centres communaux ou intercommunaux d'action sociale) établissements publics de prévention et de développement en lien avec les institutions privées et publiques,

→ les Clic (Centres locaux d'information et de coordination) gérontologiques qui offrent un pôle unique d'information et de coordination des services existants. Selon le type, certains peuvent même aller jusqu'à la mise en oeuvre de cette aide.

Les intervenants

Ces prestations sont réalisées par différents professionnels : les agents à domicile (sans qualification), des assistantes de vie aux familles (formation de six mois dans un groupement d'établissements publics locaux d'enseignement - Greta, niveau plus bas que les AVS mais elles interviennent plutôt sur les GIR 4, 5 et 6), des aides médico-psychologiques (diplômés d'État) et des auxiliaires de vie sociale diplômés d'État (DEAVS).

Les services polyvalents d'aide et de soins à domicile

Il s'agit des services assurant à la fois les missions d'un Ssiad et celles d'un service d'aide et d'accompagnement à domicile.

LE PERSONNEL SOCIAL DE L'AIDE À DOMICILE

Les auxiliaires de vie sociale (AVS)

Longtemps appelées «aides ménagères» ou «aides à domicile», les auxiliaires de vie sociale (AVS) ont désormais leur diplôme d'État (DE).

Leur formation

Le diplôme d'État d'auxiliaire de vie sociale (DEAVS) comprend 504 heures d'enseignement théorique et 560 heures de formation pratique (trois stages en structures collectives auprès d'un public dépendant ou pas et un stage au domicile ; exceptionnellement à l'hôpital car leurs fonctions relèvent du social et non du médical). L'enseignement comprend six domaines de formation. L'aide à la toilette fait partie du domaine de formation 2 (DF 2) « Accompagnement et aide aux personnes dans les actes essentiels de la vie quotidienne ». Dans ce DF 2, une part a trait à l'ergonomie et aux transferts. Les contours de l'activité «aide à la toilette» sont très clairs : il s'agit d'une « aide seule à la toilette lorsque celle-ci est assimilée à un acte de vie quotidienne et n'a pas fait l'objet de prescription médicale ». Cette aide doit se faire « en respectant la pudeur et l'intimité des personnes ».

Leurs rôles

Selon le décret du 14 mars 2007, le DEAVS « atteste des compétences nécessaires pour effectuer un accompagnement social et un soutien auprès des personnes âgées, des personnes handicapées, des personnes en difficultés sociales, des familles ou des enfants, dans leur vie quotidienne ». L'AVS participe à l'élaboration d'un projet personnalisé de vie pour la personne. Elle est capable d'être le lien entre la personne et son entourage familial et médico-social. Sa bonne connaissance du cadre de vie et de la personne (elle s'occupe de l'alimentation, des courses, de l'entretien du linge...) la distingue, entre autres, de l'aide-soignante.Toutes les tâches effectuées et les remarques sont consignées dans un cahier de liaison. Elle a une fonction de veille importante et fait le lien avec les auxiliaires médicaux.

Les limites de l'aide à la toilette

La Drass Paca a établi une fiche afin de préciser l'aide à la toilette dans les fonctions d'AVS.

Il n'a pas de prescription médicale d'aide à la toilette par un auxiliaire médical. L'AVS peut aider et accompagner à la toilette une personne, cette toilette étant assimilée à un acte de la vie quotidienne. L'AVS peut donc intervenir pour assurer l'hygiène corporelle de la personne aidée dans les cas suivants :

- aide à la toilette corporelle au lavabo, à la douche ou aux bains,

- aide à la toilette au lit de manière ponctuelle (par exemple avec une personne fatiguée).

Si l'état de la personne l'empêche totalement et de manière durable d'effectuer sa toilette, l'AVS doit expliquer ses limites de compétences et solliciter la prescription médicale.

Il y a une prescription médicale d'aide à la toilette par un auxiliaire médical. La toilette devient un soin. L'AVS peut intervenir en complément des auxiliaires médicaux : soit avec le professionnel de santé pour l'aider au moment de la toilette prescrite, soit seule, selon les conseils de l'infirmière, à un moment différent de la journée, pour aider à la toilette corporelle (y compris la toilette intime en cas de change, par exemple), à l'entretien des cheveux, à l'hygiène buccale.

Ce qui est interdit : se substituer à l'infirmière, assurer des soins d'escarres ou de plaies au moment de l'aide à la toilette ; intervenir dans la coupe des ongles.

Les techniciens de l'intervention sociale et familiale (TISF)

Formation

Sur 18 à 24 mois, ce diplôme d'État délivré par les Drass comprend 950 heures de formation et 33 semaines de stage. Au programme : conduite du projet d'aide, réalisation des actes de la vie quotidienne, accompagnement social vers l'insertion, transmission des savoirs nécessaires à l'autonomie des personnes dans la vie quotidienne, etc.

Activités

Anciennement «travailleuses familiales», elles interviennent ponctuellement auprès de personnes après un décès, une longue maladie, un handicap... Elles épaulent les familles en assumant le quotidien : entretien du logement, préparation des repas, aide aux devoirs... Si elles s'occupent de la toilette, c'est plutôt en tant qu'aide aux soins quotidiens auprès des enfants en Sessad (Service d'éducation et de soins à domicile).

EN PRATIQUE À DOMICILE

Le programme d'aide personnalisé

Dans le programme d'aide personnalisé (PAP) de la DSI, l'infirmière est le pivot : c'est elle qui accompagne, en lien avec les services sociaux de la Sécurité sociale et des collectivités locales, la recherche de solutions optimales pour son patient. Pendant ce laps de temps pouvant durer trois mois, elle peut continuer d'assurer la prise en charge. Elle veille ensuite au bon déroulement de l'adaptation du patient et peut, si l'état du patient évolue, établir une nouvelle DSI en accord avec le médecin traitant.

Mais en 2002, seules 2 % des DSI concernaient ces séances !

L'allocation personnalisée d'autonomie

L'aide à la toilette est prise en charge par les familles et/ou l'aide sociale, en particulier l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). L'attribution de l'APA repose sur une évaluation du degré de dépendance et des besoins d'aide de la personne âgée par une équipe médico-sociale (médecins, infirmiers, travailleurs sociaux). Elle permet d'estimer le nombre d'heures souhaitables pour subvenir aux besoins particuliers de la personne.

Pour qui ?

L'APA s'adresse aux personnes âgées de 60 ans ou plus résidant à domicile ou en établissement et confrontées à des situations de perte d'autonomie. Gérée par les départements, elle n'est pas soumise à conditions de ressources, mais son calcul tient compte des revenus des bénéficiaires. Elle permet la prise en charge d'aides et de services diversifiés. Seuls les quatre premiers groupes iso-ressources (GIR 1 à 4) de la grille nationale AGGIR ouvrent droit à l'APA.

Concrètement ?

Si l'infirmière juge que le patient requiert une aide à la toilette et non une toilette sanitaire, elle peut mettre en lien le patient et/ou sa famille avec une AVS via une association d'aide à domicile ou les diriger vers un Clic. Pour avoir les adresses de ces associations, aller sur le site : ou espaces/personnes-agees/, section «Grands dossiers» ;

Qui paye alors l'aide à la toilette ?

→ Le patient règle directement l'AVS avec un chèque emploi-service universel, le CESU (déduction de 50 % sur ses impôts). Une intervention est de l'ordre de 17 euros net pour le particulier.

→ Pour un GIR 1 à 4, en l'absence de prescription médicale, l'aide à la toilette peut être financée par l'APA. Si la personne a contacté une association d'aide à domicile, celle-ci peut «monter» un dossier APA si elle intervient en tant que prestataire. Sinon, il faut contacter le Conseil général qui viendra évaluer le GIR et montera le dossier (quelques semaines).

(1) «Les services de soins infirmiers à domicile et l'offre de soins infirmiers aux personnes âgées en 2002», Sophie Bressé, Études et Résultats, Drees, n°350, 2004.

(2) Décret n°2004-613 du 25 juin 2004.

(3) «Le personnel des services d'aide à domicile en 1999», Sophie Bressé, Études et résultats, Drees, n°297, mars 2004.

Point de vue...

« Les AVS ne sont ni des infirmières, ni des psychologues, mais des travailleurs sociaux »

Sabine Amoretti, psychomotricienne, responsable pédagogique du DEAVS à l'IMF (Institut méditerranéen de formation et de recherche en travail social) de Marseille (13)

« Une élève au DEAVS apprend comment aider une personne âgée à faire sa toilette dans la salle de bain ou au lit, au cas où elle se serait souillée. Les étapes du développement ainsi que les handicaps et déficiences, la maladie d'Alzheimer ou les auxiliaires de vie sociale (AVC) sont aussi étudiés. L'AVS travaille « en respectant et en stimulant l'autonomie ». Mais une AVS doit connaître les limites de son intervention : elle n'est ni une aide-soignante, ni une infirmière, ni une psychologue. Si la personne requiert une toilette sanitaire, l'AVS doit pouvoir signifier les limites de ses compétences et informer l'association d'aide à domicile qui l'emploie. Sa bonne connaissance de la personne et de son environnement lui confère un rôle de veille important et elle peut transmettre des informations importantes sur l'alimentation ou l'état cutané. Sur le terrain, le social et le médical ont du mal à communiquer. Parfois, il y a deux cahiers de liaison chez la personne : un pour les auxiliaires médicaux, l'autre pour les intervenants sociaux. C'est dommage... »

Question de patient

Ma mère n'arrive plus à se laver correctement, elle perd un peu la mémoire, que faire ?

Appelez le médecin qui va évaluer ses capacités et son état, puis une infirmière libérale qui fera une évaluation plus précise des actions à mener. En fonction de cette analyse, un plan d'aide personnalisée sera établi et l'ensemble des aides sera mis en place. Si une auxiliaire de vie est nécessaire, l'infirmière contactera une association qui vous aidera à trouver des aides.

Point de vue...

« Je prescris une DSI lorsque je constate des troubles cognitifs »

Monique Dura, médecin généraliste à Cabannes (Bouches-du-Rhône)

« Je prescris une DSI lorsque je constate des troubles cognitifs chez mes patients : des erreurs de prise médicamenteuse par exemple. Je préfère adresser les patients aux organismes d'aide à domicile (Aide à domicile en milieu rural - ADMR -, Alpage Coordination) quand les soins sont trop «lourds», les infirmiers étant le plus souvent débordés et préférant souvent les actes plus simples. Après ma prescription de DSI, je vérifie auprès du patient que les soins que j'ai recommandés sont effectués. Mais il est vrai que je contrôle peu dans les détails la DSI et les actions préconisées par les infirmiers. »

En chiffres

Les Ssiad en 2002(1)

- 1760 Ssiad financés par l'Assurance maladie ;

- 71 000 places ;

- parmi les usagers : plus des 2/3 ont 80 ans et plus ; 2/3 ont besoin d'aide pour la toilette et l'habillage ; 1/4 est confiné au fauteuil ; 45 % souffrent de dépendance psychique.

Le personnel des services d'aide à domicile(2)

- 7 000 services d'aide à domicile ;

-194 000 aides à domicile dont 48 % ne possédaient pas de diplôme, ni de formation et 9 % détenaient le Certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile (Cafad) remplacé depuis 2002 par le DE AVS.

L'APA(3)

Au 30 juin 2008 : 1 094 000 personnes bénéficient de l'APA dont 62 % vivent à domicile.

Bénéficiaires de l'APA à domicile selon le degré de dépendance :

- GIR 1 : 3 % (20 000) ;

- GIR 2 : 18 % (121 000) ;

- GIR 3 : 22 % (149 000) ;

- GIR 4 : 57 % (385 000).

Montant moyen de l'APA (à domicile) : 504 euros (dont 414 à la charge des conseils généraux).

(1) «Les services de soins infirmiers à domicile et l'offre de soins infirmiers aux personnes âgées en 2002», Sophie Bressé, Études et Résultats, Drees, n°350, 2004.

(2) «Le personnel des services d'aide à domicile en 1999», Sophie Bressé, Études et résultats, Drees, n°297, mars 2004.

(3) «L'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation de compensation du handicap», Études et résultats, Drees, n°666, octobre 2008.

Point de vue...

« Les aides-soignants suivent un stage en psychiatrie »

Laurette Mira, infirmière, enseignante à l'Ifas (Institut de formation d'aides-soignants) de Cavaillon (84), Vice-présidente du Groupe d'études de recherche et d'action pour la formation d'aides-soignants, Géracfas.

« Durant leur formation, les aides-soignants apprennent les gestes techniques de la toilette (et la mobilisation), l'utilisation des échelles de douleur. Ils sont capables d'apprécier l'état cutané et le comportement du patient car les élèves ont un mois de stage en psychiatrie. »