LES SOINS D'HYGIÈNE - L'Infirmière Libérale Magazine n° 248 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 248 du 01/05/2009

 

Cahier de formation

Savoir

Les actes de soins d'hygiène appelés «nursing» ou «toilette» relèvent du rôle propre infirmier. «L'aide à la toilette» relève davantage du secteur social. La démarche de soins infirmiers est primordiale afin de planifier les soins et de déterminer la place de chacun des intervenants dans le maintien à domicile de personnes dépendantes.

LES SOINS D'HYGIÈNE

Un rôle propre

Les soins d'hygiène ou «toilette» sont-ils un soin infirmier ? Oui, si on s'en réfère au Code de la Santé publique. L'article R.4311-5 stipule : « Dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier ou l'infirmière accomplit ou dispense les soins suivants visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage : 1° Soins et procédés visant à assurer l'hygiène de sa personne et de son environnement... »

Toilette ou aide à la toilette ?

La toilette sanitaire

Le soin infirmier d'hygiène relève de la maladie. Comme l'indique le décret d'actes professionnels de la profession d'infirmier, les soins infirmiers sont de nature préventive, curative et palliative. Ils demandent une compétence spécifique.

Contrairement à la simple toilette qui se fait dans un souci de propreté, les soins infirmiers se pratiquent dans l'objectif médical de protéger, maintenir, restaurer et promouvoir l'autonomie des fonctions vitales, physiques et psychiques.

L'aide-soignant a sa place dans les soins d'hygiène. Le référentiel de formation des aides-soignants stipule : « L'aide-soignant exerce son activité sous la responsabilité de l'infirmier, dans le cadre du rôle propre dévolu à celui-ci conformément aux articles R.4311-3 à R.4311-5 du Code de la Santé publique. » L'aide-soignant travaille en collaboration et sous la responsabilité de l'infirmier, « dans les limites de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation ».

L'aide à la toilette

Lorsque les compétences infirmières - et celles des aides-soignants - ne sont pas requises lors des soins d'hygiène, le relais est pris par les auxiliaires de vie sociale via les associations d'aide à domicile, qui se chargent d'intervenir pour « une aide à la toilette ».

La distinction entre toilette sanitaire et aide à la toilette

Cette distinction se fait grâce à la démarche de soins infirmiers (DSI) prescrite par le médecin. L'infirmière évalue les besoins du patient sur la base des quatorze besoins fondamentaux de Virginia Henderson (voir Bibliographie page 46), fait un diagnostic infirmier de l'état cognitif et environnemental du patient : nutrition, douleur, risque d'escarre... La DSI permet de déterminer si la toilette requiert des compétences infirmières pour les soins d'hygiène d'un patient.

Le contexte du maintien à domicile(1)

La mise en oeuvre de soins d'hygiène et de confort se fait chez un patient dépendant dans le contexte du maintien à domicile.

Une intervention coordonnée

La prise en charge de la dépendance relève des soins médicaux, infirmiers et de rééducation, mais aussi d'une prise en charge médico-sociale, voire éducative avec des aides pour accomplir des actes de la vie quotidienne. Sont impliqués : les professionnels de santé libéraux, les structures d'hospitalisation à domicile (HAD), les réseaux de soins, les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), les services d'aide à domicile avec les auxiliaires de vie sociale (AVS), les centres locaux d'information et de coordination gérontologique (Clic).

La place de la DSI

La démarche de soins infirmiers prend place dans le dispositif destiné à favoriser le maintien à domicile de toute personne en situation de dépendance temporaire ou permanente, quel que soit son âge. Depuis sa création, le 15 février 2002, la DSI est envisagée comme un moyen de décloisonner le sanitaire et le social.

LE QUESTIONNEMENT SUR LA TOILETTE

Une appréciation variable de la toilette sanitaire

Si les soins infirmiers d'hygiène sont bel et bien une composante du rôle propre de l'infirmière, reste que se pose la question de la différence entre ces actes et l'aide à la toilette qui peut relever du travail d'une auxiliaire de vie.

L'enquête Credes-ECILAD(2) a montré que l'appréciation des libérales elles-mêmes variait beaucoup quant à dire si tel ou tel besoin relevait de leur rôle propre.

« La question fondamentale est donc bien celle de la frontière entre l'aide à la toilette et le soin infirmier d'hygiène ; ceci renvoie à la définition de la santé, elle-même très ouverte. Une distinction est posée par certains professionnels qui estiment que lorsque l'état de santé du patient est évolutif, l'infirmier doit intervenir dans un but de prévention tout autant que de soins curatifs, sinon, en cas d'état stabilisé sans nécessité de soins infirmiers, la toilette du malade relève de l'aide sociale. Cette position est cependant loin d'être partagée par l'ensemble de la profession. »(2)

Le corps à corps

Le toucher

Le toucher est une sensation indispensable à la construction de l'être : prise de conscience de ses limites corporelles, de son unité ainsi que de son identité.

Toucher le corps est nécessaire pour prodiguer les soins. Mais toucher le corps d'une personne que l'on ne connaît pas ne va pas de soi. Cela peut susciter de la gêne de part et d'autre, notamment si tout ce qui a trait au corporel est source de tabous. Le corps à corps peut même être perçu comme érotique, voire excitateur.

Décalage dans les conduites

Si « les conduites d'hygiène promues dans les sociétés occidentales sont marquées par la domination du modèle médical »(3), les difficultés sur le terrain sont réelles entre les pratiques professionnelles d'entretien du corps et celles du patient et de son entourage.

Certaines personnes - notamment les personnes âgées - peuvent vivre cette mécanique corporelle comme une «violation corporelle» et des actes imposés en contradiction avec leurs habitudes de vie.

Dans ce cas, l'infirmière doit alors composer avec le respect de la volonté du patient car « la négation ou négligence des habitudes d'hygiène porterait atteinte à leur fonction sécurisante »(4).

LA DÉMARCHE DE SOINS INFIRMIERS (DSI)

Objectifs de la DSI

La démarche de soins infirmiers offre aux patients en situation de dépendance un programme de soins personnalisés définis par l'infirmière libérale et réalisé en étroite collaboration avec le médecin traitant.

Elle peut alors consacrer certaines séances à la surveillance et/ou à la prévention.

Les soins infirmiers visent en tout premier lieu à préserver l'autonomie du patient.

→ Le médecin prescrit une DSI. L'infirmière fait un bilan des besoins du patient et de son environnement, puis élabore un programme de soins personnalisé : nature, fréquence et durée des soins à réaliser.

→ Lorsque le patient ne nécessite pas de soins infirmiers mais plutôt une aide à la vie quotidienne (comme la toilette, l'habillage...), l'infirmière accompagne le patient et l'entourage dans leur recherche d'une aide à domicile.

→ La DSI place le patient au coeur d'une organisation où chaque intervenant agit en fonction de ses compétences propres.

→ Une DSI est prescrite pour une durée maximale de trois mois. Au-delà, le médecin peut prescrire une nouvelle DSI jusqu'à cinq par an pour un patient.

Les prescriptions de la DSI

L'infirmière peut proposer différentes actions.

Des séances de soins infirmiers

C'est l'ensemble des actions de soins liées aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d'autonomie de la personne.

Ce sont des séances curatives et préventives visant notamment à restaurer les capacités d'autonomie du patient. Elles sont basées sur une approche relationnelle et éducative. Elles permettent d'inclure des soins d'hygiène.

Un programme d'aide personnalisé

Les séances dédiées à l'élaboration d'un programme d'aide personnalisé permettent d'assurer un relais avec l'entourage ou les intervenants sociaux si nécessaire. Elles visent à la mise en place d'un accompagnement ou d'une intervention à caractère social avec la participation active de l'entourage ou d'intervenants sociaux si l'infirmière le juge nécessaire.

→ Le programme est élaboré et mis en oeuvre par l'infirmière lors de l'absence de besoin de soins infirmiers.

→ L'infirmière en est le pivot.

→ Elle recherche une solution en lien avec les services sociaux.

→ Elle peut, si nécessaire, prévoir des séances de surveillance clinique et de prévention.

→ Elle peut établir une nouvelle DSI en cas de changement de l'état du patient.

→ Échéance du programme d'aide personnalisée et succession des séances : quinze jours renouvelables une fois.

Une surveillance clinique et prévention

Les séances de surveillance clinique et de prévention permettent d'assurer le suivi du patient par l'infirmière. Ces séances peuvent faire suite à des séances de soins infirmiers ou à un programme d'aide, mais ne sont pas cumulables avec elles.

« Cet acte comporte : le contrôle des principaux paramètres servant à la prévention et à la surveillance de l'état de santé du patient ; la vérification de l'observance du traitement et de sa planification ; le contrôle des conditions de confort et de sécurité du patient ; le contrôle de l'adaptation du programme éventuel d'aide personnalisée ; la tenue de la fiche de surveillance et la transmission d'informations au médecin traitant ; la tenue de la fiche de liaison et la transmission des informations à l'entourage ou à la tierce personne qui s'y substitue. »

LES SOINS D'HYGIÈNE

Un moment privilégié

«Soins d'hygiène et de confort» ou «soins d'entretien et de continuité de la vie», la toilette permet de déployer un ensemble d'actions relevant également du rôle propre infirmier. Entre autres :

→ le dépistage et l'évaluation des risques de maltraitance,

→ la surveillance de l'hygiène et de l'équilibre alimentaire : au cours de la toilette, on peut s'enquérir des repas et de leur contenu, on peut aussi évaluer la perte ou la prise de poids, l'état général, etc.

→ le lever du patient et l'aide à la marche ne faisant pas appel aux techniques de rééducation : cela permet de vérifier l'apparition de douleur ou tout changement dans la limitation des articulations.

Les soins d'hygiène permettent de maintenir la propreté, de recueillir un certain nombre de données, d'établir une relation privilégiée avec le malade à cette occasion ainsi que de mettre en place un certain nombre d'actions. Avec comme objectif en filigrane : conserver le plus longtemps possible l'autonomie du patient.

Éthique et confidentialité

Les soins d'hygiène doivent être pratiqués selon le Code de la Santé publique. Ainsi :

→ « Les infirmiers et infirmières sont soumis au respect des règles professionnelles et notamment du secret médical » (article R.4311-1) ;

→ les soins doivent se faire « dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologiques, psychologiques, économique, sociale et culturelle... ». De même, ces soins doivent participer « à la prévention, à l'évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes » (article R.4311-2).

Une technique personnalisée

Toilette au lit, au fauteuil, nombre de gants, parties du corps à laver dans un certain ordre... Il n'y a pas de grandes règles immuables dans la toilette. Il importe de procéder avec logique, de façon naturelle, avec méthode, sans être prisonnier d'une technique rigide.

Habituellement, la toilette enseignée se déroule en cinq temps :

1. visage et cou ;

2. thorax et membres supérieurs : si le patient peut s'asseoir, faire le dos. Bien sécher les plis et sous les seins. Mettre la chemise ou le pyjama ;

3. membres inférieurs : insister entre les orteils. Bien sécher. Prévention d'escarres au talon. Constater la souplesse des mollets.

Changer l'eau (si toilette au lit ou au fauteuil), puis continuer :

4. parties intimes : mettre des gants. Bien sécher ;

5. dos et fesses : laver le dos, rincer et sécher. Prévention des escarres au niveau occiput, omoplate, rachis et coudes. Laver les fesses (avec gants). Prévention d'escarres au niveau du sacrum. Mettre les sous-vêtements ou protections, puis les vêtements.

La toilette se termine par un brossage des dents ou un soin de bouche et par le coiffage (et le rasage chez les hommes).

On enseigne la technique avec deux gants : le gant n°1 pour les temps 1, 2 et 5 ; le gant n°2 pour le 3 et 4.

Les transmissions

Après chaque soin d'hygiène, noter sur le cahier de liaison :

→ où la toilette a été faite : lit, lavabo, salle de bains ;

→ quelle a été l'aide apportée : aide pour la toilette intime, le dos... ;

→ les produits particuliers utilisés ;

→ si un aidant a assuré une partie de la toilette ;

→ les différentes observations : état de la peau, comportement du malade (douleur, conscience...), le degré de participation, le degré d'autonomie, le vécu du soin (agréable, pudeur), autres...

*Ssiad : Service de soins infirmiers à domicile.

(1) Source : «Méthode d'élaboration d'une démarche de soins type à domicile pour une population définie de personnes en situation de dépendance », Anaes, Service des recommandations professionnelles, mai 2004.

(2) «L'infirmier libéral et la coordination avec les services d'aide au maintien à domicile», Laure Com-Ruelle, Paul Dourgnon, Fabienne Midy, Credes 2002, p.55. Cité dans l'étude de la Drees 2006 (voir bibliographie).

(3) La sociologie du corps, David Le Breton, Paris, PUF, 1994. Cité dans l'étude de la Drees 2006 (voir bibliographie).

(4) La toilette dévoilée. Analyse d'une réalité et perspectives soignantes, Marie-Annick Delomel, Paris, Seli Arslan, 1999 (voir bibliographie).

Point de vue...

« L'offre de soins détermine le choix de l'intervenant »

Marie-Claude Daydé, infirmière libérale en Haute-Garonne, auteur de nombreux ouvrages dont Regard sur la profession d'infirmière libérale, éditions Lamarre

« En réponse à un même besoin d'aide lié à une incapacité à se laver ou à effectuer ses soins d'hygiène de base, une personne peut avoir recours à l'aide-soignante du Ssiad, à l'infirmière libérale ou à l'auxiliaire de vie avec des coûts différents. Dans les deux premiers cas, le financement sera celui de l'Assurance maladie ; dans le dernier cas, l'intervention pourra être financée partiellement par l'APA, laissant une part à la charge du bénéficiaire. Actuellement, c'est davantage l'offre de soins qui semble déterminer le choix de l'intervenant (existence ou non de Ssiad, démographie infirmière...) que la notion de compétence adaptée. Cette notion mériterait pourtant que l'on s'y attarde pour permettre aux infirmières libérales d'intervenir en soins d'entretien et de continuité de la vie auprès des seules personnes nécessitant leurs compétences spécifiques. Cette clarification devrait alors s'inscrire dans une démarche de revalorisation de ces soins infirmiers. »

Je cote à la nomenclature

Ces soins sont indiqués dans la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) dans le chapitre I :

Art. 11. Soins infirmiers à domicile pour un patient, quel que soit son âge, en situation de dépendance temporaire ou permanente

« Mise en oeuvre de la démarche de soins infirmiers à domicile nécessaire à la réalisation de séances de soins infirmiers ou de séances de surveillance clinique infirmière et de prévention d'un patient dépendant ou à la mise en oeuvre d'un programme d'aide personnalisée en vue de favoriser son maintien, son insertion ou sa réinsertion dans son cadre de vie familial et social. »

Les actes de l'article 11 sont cotés avec la lettre clé AIS.

→ La première démarche de soins infirmiers est cotée DI 1,5, soit 15 euros.

→ Les démarches de soins suivantes, pour un même patient, sont cotées DI 1, soit 10 euros.

La cotation de la démarche de soins inclut :

a. la planification des soins : elle résulte de l'analyse de la situation du patient, de(s) diagnostic(s) infirmier(s), de la détermination des objectifs de soins et des délais pour les atteindre, des actions de soins infirmiers ou de surveillance clinique infirmière et de prévention à effectuer ou de la mise en place d'un programme d'aide personnalisée ;

b. la rédaction du résumé de la démarche de soins infirmiers. Elle comporte :

→ d'une part : les indications relatives à l'environnement humain et matériel du patient, à son état et à son comportement, l'énoncé du ou des diagnostic(s) infirmier(s) en rapport avec la non-satisfaction des besoins fondamentaux, les objectifs et les actions de soins mis en oeuvre pour chacun d'eux, les autres risques présentés par le patient et l'objectif global de soins ;

→ d'autre part, la prescription de : - Séances de soins infirmiers : AIS 3. Ce sont des séances d'une demi-heure avec un maximum de quatre dans la journée pour une durée maximale de trois mois. La séance de soins infirmiers est cumulable avec la cotation d'une perfusion ou d'un pansement lourd et complexe nécessitant des conditions d'asepsie rigoureuse. - Mise en oeuvre d'un programme d'aide personnalisé AIS 3,1. - Séance hebdomadaires de surveillance clinique infirmière et de prévention, par séance d'une demi-heure AIS 4. Elles se font par séance d'une demi-heure, une fois par semaine et pour une durée de trois mois maximum.

Chaque acte est différencié et certains peuvent se cumuler. Ainsi, on peut avoir AIS 3 ou AIS 3,1 puis AIS 4. Ou bien, AIS 3 puis AIS 4 ou AIS 3,1, puis AIS 4 ;

c. la transmission du résumé de la DSI au médecin.

En chiffres

NOMBRE D'AIS

En 2007 : 51 396 infirmiers libéraux.

- Nombre d'actes infirmiers : 161 320 000, dont 36,1 % d'actes en AIS.

- Les pratiques et conditions d'exercice varient selon le lieu d'installation : dans le Nord, activité centrée sur les AMI ; dans le Sud, plus grande activité en AIS.

- L'activité en AIS est d'autant plus forte que la densité (en professionnels) est importante. Quand elles sont peu nombreuses, les infirmières donnent la priorité aux AMI.

En 2000

- Les actes AIS représentent environ 66 % de l'activité totale.

- Environ 30 % des infirmières réalisent très majoritairement des AMI ; 1/3 des infirmières font 80 % de leur activité en AIS et 1 infirmière sur 10 ne fait pratiquement que des AIS.*

*«L'activité des infirmières libérales», Dossier Études et Statistiques, n°52, 2001, Caisse nationale de l'Assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts).

(Source et Cnam)