Patient et communication - L'Infirmière Libérale Magazine n° 248 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 248 du 01/05/2009

 

Cahier de formation

Savoir faire

Monsieur P., 75 ans, atteint de la maladie d'Alzheimer, bénéficie des services d'une HAD pour ses soins d'hygiène depuis quelques semaines. Les aides-soignantes de l'HAD vous appellent à la rescousse car le patient est si agressif que la toilette est quasi impossible depuis une semaine.

Vous qui ne passez que le soir chez ce patient, décidez de faire une visite le matin pour épauler l'aide-soignante lors de la toilette. Vous constatez qu'elle est brusque et ne tient pas compte du patient, commençant toujours par le visage alors que ce dernier refuse le contact. Vous envisagez de reprendre la toilette en charge pendant un temps et appelez le médecin.

LA PAROLE

Des mots sur les gestes

Les «vraies» paroles destinées à la communication et à la relation peuvent consister par exemple à demander : « Est-ce que vous voulez bien que je vous aide à faire votre toilette ? » Laisser un temps pour entendre les réticences de l'autre. Puis parvenir ensemble à un consensus sur la manière de procéder au cours de laquelle le patient est acteur de sa toilette. Si ce n'est pas le cas, il faut aussi savoir respecter le refus.

Des mots sur le corps

Des paroles avant le contact

Pour ôter toute connotation érotique ou excitant au geste, on peut faire précéder le contact tactile par la parole en expliquant les gestes à venir et leur finalité. Ainsi le patient peut-il s'approprier l'intervention. Mais tout dépend de la personne et de son histoire car le corps n'est pas une simple mécanique... Parler permet de mettre des mots sur une gêne, une honte ou une crainte tout à fait «normale». Mais attention : un flot de paroles vides pour noyer son embarras peut accroître le malaise du patient qui peut ressentir celui de l'infirmière.

Des mots sans maux

Attention aux mots soi-disant «rassurants», aux propos qui tendraient à dire que le corps est une machine asexuée pour mettre de côté la question du sexe ou de l'intimité. Dire que le corps est perçu comme sans vie, ni subjectivité, voire sans identité pour se défendre contre son angoisse de soignant peut entraîner chez le patient un déni et une altération de sa personnalité.

LE TOUCHER

Le contact bien vécu de la part du soignant et du patient peut signer une volonté de soutien et d'étayage narcissique de la personne. C'est un moyen de restaurer un corps pouvant être blessé ou endolori. Ainsi les messages adaptés peuvent-ils permettre de soulager des courbatures et autres douleurs musculaires.

Humaniser le contact tactile par la parole qui précède le geste : « Je vais vous soulever la poitrine pour voir si vous n'avez pas d'irritation sous les seins. » La parole peut «couper» la voie à une excitation corporelle.

Pour certaines personnes, en raison de leur culture, de leur pathologie (Alzheimer, certaines névroses...), le refus du toucher peut protéger une angoisse. Il faut alors discuter et écouter le patient pour voir ce qui le gêne et comment il est possible de faire le soin alors que la situation paraît bloquée. Il peut arriver que l'état de la personne empêche la toilette. Dans ce cas, et s'il n'y a pas urgence ou problème sanitaire sérieux (escarre, effluents agressifs...), mieux vaut alors remettre la toilette à plus tard.

APPROCHE EN PRATIQUE

Que la demande de rendez-vous pour des soins d'hygiène toilette émane du médecin ou de la famille, elle est porteuse d'informations capitales : indications médicales, description de la personne, positionnement des aidants...

L'arrivée au domicile et la gestion du patient sont primordiaux pour un déroulé harmonieux et respectueux des soins.

L'arrivée au domicile

→ Regarder l'environnement patient. Appartement, maison, domicile personnel ou celui d'un enfant, le cadre de vie renseigne sur les habitudes de vie.

→ Entrer dans l'espace intime suppose des précautions et l'établissement d'un contact «humain» avant celui de «soignant». On n'entre jamais d'emblée dans le soin. Demander à la personne si elle accepte de parler de sa vie au quotidien, qu'elle soit atteinte d'Alzheimer ou pas : l'objet est d'établir une relation pour éviter les oppositions aux soins.

→ Aborder l'objet de sa visite. Éviter « je viens pour une toilette, c'est obligatoire ».Vérifier comment la personne accepte cette prise en charge, sa perte d'autonomie et l'aide. « Votre médecin m'a demandé de voir si vous aviez besoin d'aide. Acceptez-vous que je vienne regarder ce que vous arrivez à faire et à quel moment vous avez besoin d'aide lorsque vous ferez votre toilette ? » Si la personne dit non, recommencer un autre jour jusqu'à ce qu'elle accepte.

Lors de la toilette

→ Demander l'autorisation. La toilette est un temps de vulnérabilité où la personne se dévoile. Demander : « Puis-je regarder ce que vous pouvez faire seule et les choses qui peuvent représenter un danger pour vous mais que vous ne voyez pas ? » Ce moment est capital pour évaluer les capacités physiques et cognitives.

→ Exploiter les capacités. Chaque fois, dire « commencez votre toilette » et regarder. Ensuite, demander l'autorisation de faire ce qu'elle n'a pu réaliser elle-même.

→ Gérer le refus. Certains patients avec des troubles cognitifs n'aiment pas être touchés, notamment au visage et aux mains. Prendre alors contact avec la main au niveau du dos, avec un léger massage circulaire. Puis dire : « Maintenant je vais vous laver le dos... » Au moindre signe de désaccord, enlever le contact et dire : « Je vois que cela ne vous plaît pas, je m'arrête. » Reprendre plus tard en disant « est-ce que je peux continuer ? ». Ne jamais insister .

→ S'enquérir des aidants. Vérifier toujours dans quel état est l'aidant naturel avant de le solliciter ou de l'ignorer. Dire au patient : « Je vais m'occuper de vous, mais d'abord je vais aller discuter avec votre fille/mari... ». L'objectif est de savoir comment «utiliser» l'aidant afin d'être en continuité dans le projet de vie.

Rédigé avec l'aide de Anne Jacquet, infirmière clinicienne à Toulouse.

Respecter le réveil matinal

Phénomène peu documenté et peu connu, l'ankylose matinale est propre à la personne âgée. Elle se définit par une lenteur ou difficulté à mobiliser ses articulations au lever ou après être resté immobile longtemps dans une même position. Ses principales caractéristiques sont la lenteur du mouvement, l'atteinte souvent axiale (dos, genoux), la raideur musculaire, la variabilité (selon les jours, la qualité du sommeil, l'installation au lit) et l'association à une sensation de fatigue ou de faiblesse. Prenez donc le temps de faire bouger les bras, les jambes, les chevilles et le cou avant de mobiliser la personne pour la toilette.

Point de vue...

« Jamais de rapport à l'intime le premier jour de la rencontre, sauf cas particuliers »

Anne Jacquet, infirmière clinicienne, Toulouse (31)

« L'objectif des soins est de préserver l'autonomie du patient. Je ne fais jamais la toilette d'emblée le premier jour de la rencontre. En présence d'incontinence et de risque d'altération de la continuité de la peau, j'explique à la personne qu'il est important que je le fasse. Mais j'exécute les gestes rapidement et je n'insiste pas. Lors de la toilette, la réévaluation est permanente. Chaque jour est différent. Vous ne pouvez jamais entrer dans une routine, notamment avec les patients Alzheimer. Mon travail de clinicienne consiste à leur rappeler qu'il peut se passer de belles choses dans leur corps avec une main qui masse, un simple toucher-présence... D'où l'importance du contact avec la main qui n'a pas le gant, avant la toilette. »