Peut mieux faire... - L'Infirmière Libérale Magazine n° 248 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 248 du 01/05/2009

 

Formation

Dossier

L'offre existe. La prise en charge aussi, tant pour les frais pédagogiques que pour les dépenses logistiques. Et pourtant, le nombre d'infirmières libérales qui se forment reste faible. L'emploi du temps surchargé est-il le seul problème à résoudre ?

Obligatoire, la formation continue des infirmières libérales ? Eh bien oui ! C'est en effet ce que prévoit le Code de la Santé publique depuis août 2004. Mais le décret qui doit préciser les conditions de mise en oeuvre de cette mesure (fréquence, durée, définition des thématiques) n'est toujours pas paru...

DEVOIR OU OBLIGATION ?

Cette obligation se réduit donc encore, pour l'instant, au «simple» devoir professionnel, comme indiqué dans les règles déontologiques de la profession infirmière : « L'infirmier ou l'infirmière a le devoir d'actualiser et de perfectionner ses connaissances professionnelles ». Qualité des soins et sécurité des patients constituent le socle de ce devoir de formation.

Suivant les conditions de l'exercice libéral, les aspirations des infirmières et les attentes des acteurs de la santé, la formation continue infirmière peut répondre à une multitude de besoins : améliorer et mettre à jour ses connaissances générales, approfondir des activités spécifiques (soins aux malades du cancer, aux patients Alzheimer, aux dialysés, etc.), les élargir (écoute, toucher massage, prise en charge clinicienne...), suivre l'évolution des traitements dans des domaines en forte évolution (cancer, diabète...), adapter son exercice à certaines conditions (patientèle étrangère, isolement du lieu d'exercice, changement de statut du cabinet...) ou à la politique de santé (plans de santé publique, évolution de la nomenclature), etc.

John F., infirmier libéral en région parisienne, se forme régulièrement. « C'est nécessaire, déclare-t-il. Pour me sentir à l'aise dans les soins, j'ai besoin de maîtriser, de savoir gérer. Les patients sont demandeurs, ils posent des questions et la formation me permet de leur apporter des réponses précises et adaptées, de leur donner des conseils. Je suis toujours à la recherche des nouveautés. Parfois je ressens aussi le besoin de remettre un peu à jour mes informations sur de nouvelles techniques, les nouveaux traitements... » D'autant qu'avec les retours d'hospitalisation de plus en plus précoces, poursuit l'infirmier, « on a des soins de plus en plus lourds, des patients un peu perdus qui posent beaucoup de questions ». Karine D., qui exerce en Île-de-France, recherche aussi dans la formation continue un moyen de proposer une prise en charge plus globale à ses patients, « dans l'esprit holistique », afin de travailler sur la qualité de la relation soignant-soigné. Tout deux cherchent, à travers la formation continue, une ouverture vers un exercice approfondi de leur métier.

UN MARCHÉ DE FORMATIONS

L'offre de formation - via le système d'enseignement, les nombreux organismes privés, les réseaux de soins ou encore les laboratoires pharmaceutiques - constitue un vaste marché où toutes les formations ne se placent pas sur le même plan. Les laboratoires proposent leurs séances gratuitement, certains réseaux les offrent et rémunèrent leurs stagiaires tandis que les autres formations sont payantes. Mais des possibilités de prise en charge financière existent.

Deux organismes gestionnaires des fonds dédiés à la formation continue des infirmières apposent leur agrément sur des organismes ou des formations et prennent en charge la participation des infirmières libérales à leurs stages (voir encadré page 25).

Santé Formation 2, par exemple, gère l'enveloppe que la Caisse nationale d'assurance maladie attribue chaque année à la formation continue conventionnelle (FCC) des infirmières. Les thèmes de formation agréés suivent donc les orientations données par la politique de santé publique (plan Alzheimer), l'évolution de recommandations de la HAS et de l'évaluation des pratiques professionnelles, la politique conventionnelle et la démarche de coordination des soins, explique Daniel Guillerm, président de Santé Formation 2 et vice-président de la Fédération nationale des infirmiers, FNI. Les infirmières conventionnées qui suivent les stages agréés (de deux à trois jours) s'inscrivent directement auprès des organismes qui les dispensent et qui sont payés, à chaque formation réalisée, par Santé Formation 2. Les frais de transport, d'hôtellerie et de repas des participants sont remboursés et ils peuvent percevoir une indemnité pour perte de ressources professionnelles d'un montant, défini conventionnellement (jusqu'au 18 avril !), de 75 AMI par jour de formation, soit 225 euros, plafonné à sept jours par an.

UNE OFFRE POLYMORPHE

Un avantage auquel n'ouvrent pas droit les formations financées par l'autre organisme de formation, le Fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL). Plus ancien que Santé Formation, il n'est pas soumis à la contrainte conventionnelle et il gère de façon autonome les fonds que lui reverse l'Urssaf à partir de la cotisation obligatoire des infirmières libérales dédiée à la formation professionnelle (48 euros par professionnel libéral et par an). Ici, la quarantaine de thèmes de formations retenus (y compris pour des diplômes universitaires) sont définis à partir des demandes des professionnels par le collège infirmier de la commission santé. « Si nous recevons souvent des demandes de formation qui ne correspondent pas à ces thèmes, nous en ajoutons de nouveaux sur la liste », explique Nadine Hesnart, responsable du collège infirmier du FIF-PL et également vice-présidente de la FNI. Lorsqu'une infirmière suit un module de formation suivant les thèmes retenus, elle peut bénéficier d'une prise en charge de ses frais pédagogiques à hauteur de 200 euros par jour.

Selon le contrat d'objectif de gestion conclu avec la Cnam, bientôt renégocié, Santé Formation 2 dispose cette année d'environ 14 millions d'euros, indique Daniel Guillerm. La moitié est consacrée au paiement des organismes de formation et des frais logistiques des infirmières formées, l'autre sert à financer les indemnités pour perte de ressources. Le FIF-PL ne joue pas dans la même cour, avec un budget de «seulement» 2,6 millions d'euros (M€). Les deux tiers de cette somme sont affectés au paiement des formations collectives retenues et le reste (1,8 M€) est destiné à répondre aux demandes individuelles de prise en charge des formations qui ne figurent pas au catalogue du FIF-PL mais entrent dans les thèmes retenus. En 2007, le FIF-PL a financé la formation de près de 5 000 infirmières libérales, contre 7 100 pour Santé formation (8 244 en 2008). Les modes de gestion des deux organismes diffèrent également beaucoup.

MAÎTRISER LES SOINS

Chaque année, John F. essaie de suivre une formation de quelques jours, souvent avec le FIF-PL. La dernière en date concernait la prise en charge des patients diabétiques insulino-dépendants et la prochaine portera sur la gestion d'un cabinet de groupe, car le statut de son cabinet devrait changer « et en tant qu'infirmier, on n'a pas spécialement de formation en gestion », souligne-t-il. Inscrit trop tard, il n'a pas pu entamer le DU «plaies et cicatrisation» qu'il envisageait. Alors il saute sur toutes les occasions de formation offertes par les réseaux auxquels il participe et les laboratoires, qui en organisent davantage depuis que les infirmiers ont obtenu le droit de prescrire les pansements. Ciblées «libéraux», ces séances sont proposées à des moments qui leur conviennent, en soirée par exemple, pendant deux ou trois heures. « Bien sûr, remarque John F., ils présentent leurs produits ou leurs dispositifs, mais ils reviennent aussi sur les processus, comme la cicatrisation. C'est souvent une bonne piqûre de rappel, une réactualisation des connaissances qui ne prend pas trop de temps. » Quant aux réseaux, ils déterminent les problématiques des patients. Le réseau de cancérologie, dont l'infirmier est membre, cible les traitements, la gestion des effets secondaires, les soins palliatifs ou la perte des cheveux... des sujets auxquels les Idel sont fréquemment confrontés.

Pour Karine D., l'offre de thèmes proposés est trop restreinte et privilégie les sujets techniques ou la gestion au détriment du relationnel. Attirée par cette dimension relationnelle du soin et la prise en charge globale, elle finance donc elle-même sa formation (une dépense qui passe en frais professionnels), qui l'occupe trois jours par semaine pendant 16 mois...

Un choix lourd, financièrement, mais qu'elle assume. En termes d'organisation, « je me suis arrangée avec des collègues d'un autre cabinet pendant la grossesse de l'une d'elle, qui travaille en solo. Cette fois, ce sont elles qui prennent mes patients les jours où je suis en formation ». Un peu déboussolés au début, les patients se sont habitués, ajoute l'infirmière.

S'ORGANISER POUR SE FORMER

John F., lui, s'organise pour que ses jours de congé coïncident avec les formations qu'il veut suivre, ce qui facilite son organisation et n'impacte pas son activité. Lorsque ce n'est pas possible, ses collègues du cabinet prennent le relais. Ce qui était plus difficile quand il travaillait seul... C'est le cas d'Antony B., installé dans le Nord : par manque de temps et parce qu'il a eu des enfants d'âges très rapprochés, il ne suit plus de formations depuis environ cinq ans. Pourtant, à son arrivée en libéral, il a suivi plusieurs stages sur la chimiothérapie à domicile, la prise en charge des patients séropositifs ou de ceux sous dialyse péritonéale. « Cela m'a été très utile parce que ce sont des soins spécifiques avec des actes techniques très précis que je n'avais pas appris ou seulement survolés pendant mes études. »

John F., lui, ne pourrait plus se passer de la formation professionnelle. Outre le renforcement de son savoir-faire et de ses connaissances, il y trouve aussi un autre avantage : les stages et séances de formation « permettent de rencontrer d'autres soignants, libéraux et hospitaliers, de confronter les activités : cela donne aussi des idées », comme celle d'embaucher une secrétaire au cabinet qui va ainsi prendre une nouvelle dimension. Un bémol, cependant : « Aux formations, dans les réseaux, les associations ou à l'ordre, souligne l'infirmier, on retrouve souvent les mêmes personnes. » Que font les autres pour se former, la question reste en suspens...

ANALYSE ORGANISMES GESTIONNAIRES DES FONDS

Deux grands dispositifs

Santé Formation 2. Depuis que quatre syndicats infirmiers ont signé la Convention, en 2007, Santé formation, jusqu'alors géré par Convergence infirmière, s'est transformé en une nouvelle entité, Santé Formation 2, au 1er janvier 2009. Les quatre organisations syndicales y sont représentées à égalité, au conseil d'administration comme au bureau. La formation continue conventionnelle (FCC) est désormais gérée en fonction de leurs sensibilités. C'est un vice-président de la FNI, Daniel Guillerm, qui préside l'organisme. Santé Formation 2 propose chaque année à la commission paritaire nationale de FCC une liste de thèmes qu'elle trie avant de la présenter au président de la Cnam, qui fixe la liste définitive. S'ensuit une démarche classique : appel d'offres auprès d'organismes de formation, délivrance des agréments aux organismes d'abord, aux formations proprement dites et aux formateurs ensuite.

FIF-PL. De son côté, le fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF-PL), qui concerne tous les libéraux, dispose d'un collège santé où siègent les syndicats infirmiers représentatifs et membres de l'Union nationale des professions libérales (UNAPL), c'est-à-dire la FNI. Les programmes des formations sont élaborés avec les sociétés savantes et les types d'intervenants sont également définis pour chaque module. Après appel d'offres, le FIF-PL donne son accord sur des thèmes de formation précis, pas sur les organismes.

FIF-PL et Santé Formation 2 ne sont pas concurrents mais complémentaires. Et chaque année, leurs enveloppes ne sont pas dépensées en totalité...

Interview Daniel Guillerm, président de Santé Formation 2

« On pourrait former plus d'infirmières »

Santé Formation a permis à 8 244 infirmières de se former en 2008. Cela vous semble-t-il suffisant ? Sur 59 784 infirmières libérales, ce n'est pas trop mal. Mais ce n'est pas assez et on aurait la capacité d'en former plus.

Tous vos fonds disponibles ne sont pas dépensés ? Cumulés, nos reliquats sont assez importants. Sur les quatre à cinq dernières années d'exercice, ils s'élèvent à 19 millions d'euros [sur la part du budget affecté au paiement des formations, NDLR]. Or ce qu'on ne dépense pas, on le conserve pas. Nous préférerions que les infirmières utilisent la totalité de cette enveloppe. Le taux de réalisation des actions de formation, même s'il augmente, n'est pas très bon : 51 % en 2007 et 61 % en 2008.

Comment encourager les infirmières à se former davantage ? Nous souhaiterions multiplier les offres des organismes, que notre cahier des charges peut parfois rebuter, mais aussi influer sur le choix final des thèmes retenus. Les résultats d'un questionnaire lancé sur le site internet de Santé Formation 2 seront pris en compte au moment du choix des thèmes, courant avril.

ANALYSE CHOIX DES THÈMES

Le mystère des formations choisies

À en croire les deux organismes de gestion des fonds de formation continue, les infirmières libérales marquent des préférences marquées pour certains thèmes de formation. À Santé Formation 2, les thèmes les plus demandés portent sur la nomenclature - dont la maîtrise est indispensable à tout exercice - et la chimiothérapie à domicile, qui nécessite des remises à niveau régulières. Idem au FIF-PL où les formations sur la nomenclature attirent beaucoup, de même que les gestes et la prise en charge des situations d'urgence, les plaies et la cicatrisation ou la gestion du stress, souligne Nadine Hesnart. Les thèmes les moins demandés se recoupent sur les deux organismes : la prise en charge des personnes âgées, des malades chroniques et les patients atteints d'Alzheimer. Au sujet de ces derniers, « c'est dommage, estime Nadine Hesnart, car cela relève d'un plan de santé publique ». Ces thèmes portant sur une bonne partie de l'activité ces Idel, elles ont peut-être l'impression de les connaître déjà assez, suggère Daniel Guillerm, président de Santé Formation 2. Ou bien elles choisissent d'autres thèmes pour s'orienter vers un autre type d'activité. « Peut-être, poursuit-il, doit-on changer notre façon de présenter ces formations et les aborder davantage sur le plan de la coordination des soins avec les autres intervenants ? Il va de plus en plus falloir travailler avec les médecins mais aussi avec les kinés, les podologues... »

EN SAVOIR +

→ LA LOI DU 13 AOÛT 2004 sur les libertés et responsabilités locales (article L.4382-1 du Code de la Santé publique), à consulter sur le site

→ LA CONVENTION DES INFIRMIERS

(titre VIII sur la formation professionnelle) sur le site de l'Assurance maladie (Professionnels de santé > Infirmiers)

→ LE SITE DE SANTÉ FORMATION 2

→ LE SITE DU FIF-PL