Quand la cotisation attise les passions - L'Infirmière Libérale Magazine n° 248 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 248 du 01/05/2009

 

PROFESSION

Actualité

ORDRE INFIRMIER > Le montant de la cotisation, plus élevé que prévu, suscite l'émoi dans la communauté infirmière. Décryptage.

Stupeur chez les infirmières. La nouvelle a fait l'effet d'une bombe : le montant de la cotisation obligatoire à l'ordre des infirmiers est fixé à 75 euros par an. Ainsi en a décidé le conseil national de l'ordre, réuni à Paris le 3 avril. Si le vote des élus nationaux a tant surpris, c'est qu'un faisceau d'indices avait fait naître l'espoir d'une cotisation autour de 30 euros : ce furent d'abord les présidents des conseils départementaux qui, réunis à Saint-Étienne le 24 octobre, s'étaient collectivement prononcés en faveur de ce montant jugé raisonnable, puis, beaucoup plus récemment, la publication par le conseil départemental de Paris (CDOI75) d'un projet de budget basé sur une cotisation à 30 euros.

Démocratie

« Il était inenvisageable de pouvoir fonctionner sur la base des informations qui ont circulé, au regard des missions confiées à l'ordre », a justifié Didier Borniche, vice-président du conseil national de l'ordre, à l'issue du vote du 3 avril. De fait, le budget prévisionnel prend en compte les dépenses liées à la location de locaux (800 m2 à Paris, partagés entre conseils national, régional d'Île-de-France et départemental de Paris), les déplacements des élus, les frais postaux, bureautiques et informatiques, le recrutement d'une trentaine de salariés (secrétaires, juristes, etc.) ainsi que le recours à des personnalités qualifiées pour certains dossiers (expertises médicales, etc.). Question répartition, la moitié de la manne ordinale - plus de 35 millions d'euros par an - ira au conseil national, 40 % aux départements et 10 % aux conseils régionaux de l'ordre.

La contestation a été immédiate et multiforme. À peine sortis de réunion, certains élus n'ont pas caché leur déception, tel Thierry Amouroux. « C'est la démocratie, j'enregistre », a lâché l'élu national et président du CDOI75, non sans préciser avoir voté « conformément à [ses] engagements face aux électeurs ». Comprenez pour 30 euros.

Ingérence

L'attaque est ensuite venue des syndicats. Hostiles par principe à la constitution d'un ordre, la CFDT et FO n'y sont pas allés de main morte, dénonçant un « racket » et appelant à « la grève de la cotisation ». Mais c'est la Direction de l'hospitalisation et des soins (Dhos) qui a porté le coup le plus rude à la jeune instance ordinale. Dans un courrier adressé à la présidente de l'ordre et sur un ton qui relève de la mise au pas, Annie Podeur demande expressément au conseil national de l'ordre de revoir le montant de la cotisation à la baisse. Face à une telle ingérence de l'administration dans les affaires d'une institution présumée indépendante, la présidente de l'ordre, Dominique Le Boeuf, a jugé la situation « ubuesque » et a exclu de faire revoter le conseil. Elle s'interroge en revanche sur les motivations d'une telle initiative : « Aurait-on peur de ce que pourrait faire un ordre puissant ? »

« Nous sommes confrontés au principe de réalité. Je vous donne un exemple : en cas de suspension d'exercice pour état pathologique en urgence, l'ordre est obligé de réunir une commission restreinte pour statuer. Et pour ça, il faut convoquer trois médecins experts qui prennent chacun entre 500 et 1 000 euros. Et puis, à titre de comparaison, les pédicures podologues qui sont 12 000, ont trois juristes. Nous en aurons quatre. Si on ne se donne pas les moyens, on ne fait rien. Mais si tout le monde trouve que c'est trop cher, j'ai une solution : on abroge l'ordre. D'ailleurs, trop cher par rapport à quoi ? 75 euros par an, c'est 6,25 euros par mois ! Il y a 500 000 infirmières en France, vous imaginez les courriers à envoyer ! Si on ne sert que d'annexe à la Ddass comme chambre d'enregistrement, ce n'est pas la peine de faire un ordre. En revanche, cette cotisation nous oblige, il faut produire des résultats d'ici la fin de l'année. Les gens veulent payer pour voir et c'est normal. »

« Au vu du budget présenté par le conseil national, nous avons accepté l'idée d'une cotisation à 50 euros au lieu des 30 prévus. Mais 75 euros, c'est beaucoup par rapport à une paye, il va falloir le justifier. Nous attendons toujours que le conseil national nous présente le budget détaillé. Cela dit, c'est le national qui décide. Alors, soit on quittait le navire et on le laissait voguer aux mains des pirates de tout poil, soit on restait à bord car on représente les infirmières. On n'est pas d'accord, on le dit. Mais pas question d'appeler au boycott de la cotisation. La loi, c'est la loi. Elle a été votée, il faut qu'elle s'applique. Quoi qu'il en soit, il était sûrement prématuré de citer des chiffres. On aurait mieux fait de s'abstenir de communiquer sur des hypothèses de cotisation à 30 euros : erreur de jeunesse. Maintenant, au conseil national de faire ses preuves : sa seule issue, c'est de prouver qu'il peut être efficace rapidement. »

Retrouvez sur notre site les actualités datées du 6 et du 10 avril 2009.