Remplacer n'est pas jouer - L'Infirmière Libérale Magazine n° 248 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 248 du 01/05/2009

 

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Rendu obligatoire par le Code de la Santé publique et a convention nationale des infirmières, le contrat de remplacement n'est pourtant pas encore systématique. À travers les témoignages d'infirmières remplaçantes et remplacées, un constat s'impose : la rédaction ou non d'un tel contrat relève souvent de considérations étrangères au sujet.

Un contrat ou pas ?

Il y a celles et ceux qui signent un contrat de remplacement, il y en a d'autres qui en ont signé et puis les refusent ensuite, et enfin tous ceux - et il semble qu'ils soient majoritaires - qui n'en connaissent pas l'existence, ou très vaguement. Parmi les premiers, les professionnels adhérents de l'Entreprise de remplacement d'infirmiers libéraux (Eril), qui regroupe des diplômés d'État désireux d'effectuer des remplacements. Cette association stipule d'emblée que l'acceptation d'une mission se concrétise par un contrat. « Quand j'exerçais en libéral, j'étais prêt à accepter de nombreuses concessions pour pouvoir partir tranquille en vacances », se souvient Michel Séguier, directeur de l'Eril. Un souci qui l'a amené à se lancer dans cette démarche et à cadrer par un contrat les relations entre les deux parties. « Notre travail, c'est d'accorder les uns et les autres », dit-il encore. Toutes les structures jouant les intermédiaires n'ont pourtant pas cette volonté.

L'épreuve des faits...

Quand on s'adresse à une agence d'intérim ou une structure comme l'Eril, on conçoit aisément qu'un certain formalisme est nécessaire, ne serait-ce que pour contractualiser la prestation payée (à travers une commission notamment) à cet intermédiaire. C'est en revanche moins évident lorsque les conditions d'un remplacement sont traitées directement entre la remplaçante et la remplacée. Tout est alors affaire d'un certain rapport de force où l'une ou l'autre va considérer sa position pour imposer ou refuser de signer un contrat... et les modalités du remplacement qui y sont précisées.

Parfois, la question du contrat n'est même pas abordée. Éveline Berton, remplaçante «professionnelle» sur Sélestat, près de Strasbourg, est devenue prudente. « J'ai 62 ans et j'effectue des remplacements depuis mes 25 ans. J'aime trop bouger pour m'installer en cabinet. Si l'infirmière qui veut être remplacée commence par dire qu'elle refuse de signer un contrat, je me méfie. Une fois, j'ai travaillé pendant 15 jours et je n'ai pas perçu de rétrocession. Je n'ai rien pu faire car je n'avais pas de contrat. Il aurait fallu que je passe chez chaque patient et leur demande de remplir une attestation... Étant donné le montant de la rétrocession, ce n'était pas la peine. Désormais, j'y suis attachée. Parfois, certaines infirmières ne veulent pas. Dans ce cas, je ne prends pas. »

La confiance avant le reste

Mais, c'est à noter, Éveline Berton continue parfois à travailler sans contrat. La raison se résume en peu de mots : « Je connais bien un cabinet qui est situé près de chez moi. Je ne vois pas la nécessité de faire un contrat car ces consoeurs ont toujours respecté la période de remplacement et la date de versement de rétrocession... » La question de la confiance est récurrente dans les témoignages recueillis. Comme si confiance et contrat étaient incompatibles...

« Notre cabinet en société civile professionnelle qui compte six associées cherche régulièrement des remplaçantes pour la période estivale, raconte Françoise Joubert, installée à L'Isle-Jourdain (sud de la Vienne). On ne signe pas de contrat. Pour nous, la notion de confiance est importante. » Les modalités du remplacement sont particulières : paiement au forfait hebdomadaire calculé en fonction d'un chiffre d'affaires moyen et réévalué seulement s'il est au profit de la remplaçante, mise à disposition d'un hébergement gratuit et d'un véhicule... Mais, malgré ces dispositions plutôt bénéfiques à la remplaçante, les associées ne font pas signer de contrat pour y noter des contreparties. Même si elles ne connaissent généralement pas les remplaçants.

Un contrat, et après ?

Françoise Joubert a travaillé pendant sept ans en remplacement et a été amenée à signer un contrat de ce type. « Il contenait surtout une clause de non-concurrence, et très souvent rien d'autre, précise-t-elle. Mais, ici, on a opté pour un entretien que l'on a fréquemment avec le candidat au remplacement. Et, jusqu'à présent, nous n'avons pas eu de mauvaises surprises ! » Confiance, quand tu nous tiens...

Mais le contrat de remplacement n'est peut-être pas la panacée lorsque l'on écoute les histoires d'autres infirmières et infirmiers qui ont été floués malgré l'existence d'un contrat. « Je m'étais adressée à un avocat pour qu'il me rédige un contrat de remplacement, raconte Sabine Clément, libérale depuis 25 ans à Paris. Il y avait inséré un préavis d'un mois pour empêcher un départ précoce. Mais ma remplaçante, qui avait pourtant signé le contrat, est partie du jour au lendemain. Je prenais des congés le lendemain mais il m'a fallu annuler et reprendre le travail. Si je l'avais poursuivie, d'une part, cela ne m'aurait pas rendu mes vacances, et, d'autre part, combien une procédure judiciaire m'aurait-elle coûté ? »

Contrat contre liberté d'installation

Depuis, Sabine Clément ne remplit plus de contrat. Après son expérience, le seul intérêt du contrat d'après elle concerne la clause de non-concurrence qu'elle avait d'ailleurs mentionnée dans les trois contrats établis précédemment et qui avait pris la forme d'une liste de rues dans lesquelles cette clause se serait appliquée en cas de besoin. « Mais, ajoute-t-elle, je ne suis pas inquiète sur ce plan-là. » Christine G., libérale en région parisienne, nuance également l'intérêt d'un tel contrat sur ce point précis, considérant que cela relève du droit du patient à choisir sa propre infirmière. « Si ma remplaçante veut ouvrir son cabinet à dix mètres du mien et si les patients continuent avec elle, c'est qu'elle aura été meilleure que moi », considère cette infirmière particulièrement sensible au sujet. « Je sors tout juste d'une histoire avec mon précédent cabinet au sein duquel j'ai exercé pendant dix ans comme associée, explique-t-elle. Mais, au moment de mon départ, on m'a opposé une clause de non-concurrence... Je ne veux plus entrer dans ce genre de considérations. »

INTERMÉDIAIRES Font-ils le jeu du contrat ?

Outre l'Eril qui fait signer un contrat de remplacement aux deux parties (plus un ordre de mission au seul remplacé), Paramed-Assistance (Toulouse) l'édite lui-même. « On stipule les dates du remplacement, le logement éventuel, la rétrocession, le chiffre d'affaires moyen, une clause de non-concurrence dans un rayon de 20 km pendant deux ans, le règlement à la fin de la mission et le montant de la participation incluse dans la rétrocession », explique Pascale Hugon, sa responsable. En revanche, Adecco Médical laisse cette initiative aux infirmières. « Elles sont libérales, c'est donc important qu'elles contractualisent, souligne Dominique Stricher, la directrice du développement. Elles le font généralement. Nous leur expliquons alors l'importance de ne pas surévaluer leur chiffre d'affaires pour attirer les remplaçantes. »

À retenir

- Le contrat n'est pas la protection absolue. Mais, outre le fait qu'il est obligatoire, « c'est un moyen de revendication », pour Christine Misson, directrice de l'Angiil*. « Un contrat écrit est un élément de preuve, en cas de détournement de clientèle par exemple. »

- Le contrat donne un statut et clarifie les rôles, selon l'Angiil. « Trop de situations ambiguës perdurent, au terme desquelles on ne sait plus qui fait quoi. »

- Des remplacements d'un an renouvelables, mentionnant des jours fixes ; des remplaçants avec leurs propres feuilles de soins... C'est la confusion. Pourtant, à chaque période son contrat ! Monique Dei Cas, libérale depuis 22 ans, propose un contrat de remplacement sur deux ou trois mois, puis un contrat de collaboration si cela se passe bien pour, éventuellement, s'associer au bout d'une année.

*Angiil : Association nationale de gestion des infirmières et infirmiers libéraux.