UNE STRATÉGIE MAR KETING ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 248 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 248 du 01/05/2009

 

Laboratoires pharmac eutiques et patients :

Le débat

S'accommodant d'une réglementation somme toute assez rigide en France, les entreprises du médicament entendent bien continuer à jouer un rôle auprès des patients. Une volonté qui n'est pas du goût de tous.

Philippe Foucras

Médecin généraliste

Responsable et fondateur du Formindep, collectif de médecins pour une formation indépendante

La législation est assez contraignante en France s'agissant de la communication entre les laboratoires pharmaceutiques et les patients...

Elle est contraignante mais poreuse. Elle empêche les laboratoires de faire de la publicité pour les produits remboursés par l'Assurance maladie, à l'exception des vaccins et des substituts nicotiniques. Mais dans la mesure où il y a de plus en plus de médicaments déremboursés, cela ouvre un champ de communication assez large.

Aux États-Unis, les choses sont différentes.

Oui, la publicité directe y est autorisée. Et des études d'impact sont menées : lorsqu'un patient demande à son médecin un médicament apperçu dans une publicité, ce produit lui est prescrit dans 40 à 50 % des cas. Ce ne sont peut-être pas les chiffres exacts, mais notons aussi que, quand 1 dollar est investi dans la publicité, il rapporte 6 dollars de chiffre d'affaires.

Les laboratoires ont-ils un rôle à jouer auprès des patients ?

Qu'ils fabriquent de bons médicaments qui soignent des maladies ! Pourquoi les laboratoires veulent-ils entrer dans le champ de l'éducation thérapeutique ? Ils sont dans une logique de marketing, la pression sur les patients devient fondamentale dans leur stratégie.

Les laboratoires ont diminué leurs effectifs de visiteurs médicaux. Cela va-t-il dans le même sens ?

La publicité aux médecins devient plus difficile. Les médecins sont nombreux à ne plus vouloir recevoir l'industrie pharmaceutique. Les laboratoires misent aujourd'hui sur les grands spécialistes hospitaliers, leaders d'opinion, et parallèlement sur les patients, au travers de sites Internet d'information*, de publicités et au travers des associations de patients. Et puis il y a l'éducation thérapeutique : la loi Hôpital, patient, santé et territoires devait autoriser les labos à la financer sans lui permettre d'y intervenir. L'industrie pharmaceutique veut faire introduire un amendement pour avoir l'autorisation d'intervenir sur le contenu de l'éducation thérapeutique. Les laboratoires ont une grosse faculté d'adaptation, leurs équipes sont particulièrement brillantes.

Philippe Lamoureux

Directeur général du Leem (les entreprises du médicament)

La législation est assez contraignante en France, s'agissant de la communication entre les laboratoires pharmaceutiques et les patients...

C'est lié à la fois au statut du produit - le médicament n'est pas un produit comme les autres - et à ses conditions de prise en charge puisqu'il est remboursé par la collectivité. Cette situation est d'ailleurs parfaitement admise par les industries du médicament.

Aux États-Unis, les choses sont différentes.

Il est très difficile de comparer la réalité telle qu'elle existe aux États-Unis et la réalité française tant nos deux modèles sont différents en termes de politique de santé ou de prise en charge. En France, les industriels ne souhaitent pas ouvrir la publicité pour les produits de prescription.

Les laboratoires ont-ils un rôle à jouer auprès des patients ? En matière d'observance ou d'éducation thérapeutique, par exemple ?

Promotion de la santé, éducation à la santé, éducation thérapeutique, accompagnement, observance, apprentissage sont des concepts différents. L'industrie n'a pas de revendication particulière en matière d'éducation thérapeutique. En revanche, à partir du moment où vous faites de la recherche, où vous commercialisez un produit et où vous êtes responsable de son bon usage, il semble impossible de vous exclure des programmes d'observance. Cependant ces programmes doivent obéir à des principes éthiques et des critères de qualité. Mais il ne saurait y avoir de relation directe entre l'industriel et le patient. Par ailleurs, la démarche des industriels doit répondre à l'attente des autorités, des professionnels de santé et des patients.

Les laboratoires ont diminué leurs effectifs de visiteurs médicaux. Cela va-t-il dans le même sens ?

Pas du tout. Si le nombre de visiteurs médicaux diminue - 6 à 7000 suppressions de postes sont prévues dans les années à venir -, c'est avant tout parce que le modèle de développement de la pharmacie est en pleine mutation. Les nouveaux médicaments qui arrivent sur le marché sont de moins en moins souvent des blockbusters qui intéressent le plus grand nombre mais des produits de niche, prescrits à une patientèle moins nombreuse. Le développement des génériques et les programmes de maîtrise médicalisée des dépenses de santé sont aussi des éléments explicatifs de cette baisse du nombre de visiteurs médicaux.

*Voir à ce propos notre prochain débat, dans le numéro 249 du mois de juin.