Don d'organe : le résultat d'un combat permanent - L'Infirmière Libérale Magazine n° 249 du 01/06/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 249 du 01/06/2009

 

POLITIQUE DE SANTÉ

Actualité

ÉTAT DES LIEUX > En France, le consentement au don d'organes est présumé dès lors que le défunt n'a pas signifié son refus de son vivant. Les équipes hospitalières ont néanmoins le devoir d'interroger les proches pour vérifier la non-opposition du défunt au prélèvement.

Si les donneurs en état de mort encéphalique étaient jusque-là considérés comme les candidats «idéaux» en matière de don de rein, rappelle le Pr Lionel Badet, médecin du service des transplantations aux Hospices civils de Lyon (HCL)(1), on sait aujourd'hui que les greffons prélevés sur des personnes décédées par arrêt cardiaque « donnent des résultats similaires aux donneurs à coeur battant ».

Dans la mesure où le prélèvement sur donneur vivant ne décolle pas et aurait même tendance à reculer, la possibilité de prélever des donneurs décédés par arrêt cardiovasculaire, introduite par un décret du 2 août 2005, représente l'une des pistes majeures de lutte contre la dramatique pénurie d'organes en France.

Des délais trop courts

Le Pr Badet a présenté en mai un premier bilan de cette activité démarrée depuis octobre 2006(3). Pour l'heure, a-t-il rappelé, seule une dizaine de centres hospitaliers pilotes, dont les HCL, sont habilités par l'Agence de biomédecine à pratiquer ces prélèvements dans le cadre de protocoles très encadrés. Les donneurs doivent avoir entre 18 et 55 ans et être classés Maastricht 1 ou 2(3). Quant aux receveurs, ce sont des personnes de moins de 60 ans en attente d'une première greffe, non immunisés, de groupe compatible et pré-identifiés dans Cristal, la base nationale de recueil des informations des donneurs et des receveurs d'organes.

Entre le 1er janvier 2007 et le 1er janvier 2009, 200 donneurs potentiels ont ainsi été recensés, dont 90 % d'hommes, d'un âge médian de 41 ans. Parmi eux, 86 ont effectivement été prélevés et un total de 95 reins ont finalement été transplantés.

Des résultats satisfaisants

Les arrêts de procédure expliquant la différence entre le nombre de donneurs potentiels et le celui de donneurs prélevés ont essentiellement trois causes : en premier lieu, des problèmes de « délais trop courts pour permettre de rechercher et d'aborder les proches », explique le Pr Badet, suivis de « l'incertitude de l'évaluation médicale quant à la qualité du greffon » et enfin des « échecs de canulation ou de perfusion ». Mais lorsque la greffe se fait, les résultats sont très satisfaisants avec « 97 % de taux de survi du patient à un an ». En deux ans, seul un cas de non-fonctionnement primaire du greffon a été recensé.

(1) Tous les propos cités ont été prononcés lors du séminaire sur les stratégies de lutte contre la pénurie d'organes en Europe, qui s'est tenu les 5 et 6 mai à l'Université Pierre et Marie Curie de Paris.

(2) Une seule greffe a été réalisée en 2006 dans ce cadre.

(3) Ces critères désignent respectivement les donneurs déjà en arrêt cardiaque à l'arrivée à l'hôpital et ceux qui décèdent par arrêt cardiaque à l'hôpital.

Témoignage

Chantal Bicocchi est infirmière coordinatrice de greffe à l'hôpital Beaujon (APHP).

« En tant que pionnière dans les années 1980, je n'ai pas reçu de formation ad hoc, mais l'Agence de biomédecine propose désormais des séminaires mêlant approches réglementaire, théorique et psychologique. Mais, en ce qui me concerne, je suis opposée à ce qu'on en fasse un métier. Ce n'est qu'une des fonctions de la profession infirmière. Psychologiquement, c'est dur, alors il faut pouvoir se ressourcer en faisant autre chose. Cela dit, la formation en général est un enjeu car, mine de rien, le personnel soignant est parfois un frein à l'aboutissement de la greffe par méconnaissance. Quand un décès survient, qu'on pose à la famille la question du prélèvement, ils se tournent souvent vers l'infirmière qui a suivi leur proche, avec qui ils ont une relation de confiance. Si celle-ci leur dit «si c'était moi je ne le ferais pas», l'effet est dévastateur. »