La grippe A H1N1 tient Mexico en alerte - L'Infirmière Libérale Magazine n° 249 du 01/06/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 249 du 01/06/2009

 

POLITIQUE DE SANTÉ

Actualité

SOUS CONTRÔLE > À Mexico, le point culminant de l'épidémie de grippe A H1N1 est passé selon les autorités, mais les précautions sanitaires restent de mise. La détection du virus s'effectue un peu partout en ville. Médecins et infirmières ont heureusement plus à rassurer qu'à soigner.

La vie a repris de plus belle à Mexico, bouillonnante, avec ses vingt millions de personnes qui de nouveau butinent ou flânent dans les rues, fréquentent restaurants, bars et cinémas. Les ventes de tacos repartent de plus belle, « manger du porc n'est pas dangereux » répètent les autorités, personne ne semble en douter. En cette fin de mois de mai, l'épidémie est encore loin d'être terminée, mais la tension a disparu : rares sont les personnes qui portent encore des masques.

Détection du virus dans la rue

Dans le centre historique, face au magnifique Palacio de Bellas Artes, une «caravane de la santé» du gouvernement fédéral rappelle toutefois que le virus de la grippe A H1N1 flotte toujours dans l'air et que les mesures de prévention sont encore en vigueur. Comme dans cent quinze points de la capitale, une équipe composée de deux infirmières, deux conseillers santé et un médecin remplit des feuilles de diagnostic avec les personnes inquiètes venues les consulter. « Nous sommes ici depuis le début de la deuxième semaine de crise, surtout pour informer les gens, explique Maria, infirmière. Avant, nous travaillions dans des communautés marginalisées qui n'ont pas accès aux services basiques de santé. Ici, les gens viennent nous voir quand ils souffrent d'un ou plusieurs symptômes. Si un patient en présente trois parmi les quatre, le médecin l'examine, s'il les présentent tous, on lui fait passer le test de détection. »

Après une grande affluence lors des premiers jours qui a souvent épuisé les stocks de tests, gants et masques, le nombre de personnes se renseignant auprès de la caravane est descendu à deux cents par jour environ. Seule une vingtaine passe finalement dans le cabinet médical de l'unité de soins mobile.

C'est le cas de Margarita, une commerçante qui affirme avoir tous les symptômes depuis deux jours : maux de tête, écoulement nasal, douleurs articulaires et fièvre. Elle est inquiète et attend avec anxiété que le médecin la reçoive. « Je n'ai pas d'assurance sociale, c'est pour ça que je suis venue ici, les médicaments sont gratuits. Mon époux est malade, mais il n'a pas pu venir, son patron ne veut pas qu'il manque. »

La porte de la caravane s'ouvre enfin, le Dr Villaseñor la reçoit. À l'intérieur, deux hommes masqués vident des cartons de médicaments, des analgésiques pour la plupart. « Oui, nous avons du Tamiflu®, dit le médecin, généralement cinq par unité. Je le donne à un ou deux patients par jour. » Au bout de quelques minutes, Margarita apprend ne souffrir que d'une rhinopharyngite pour laquelle on lui offre le traitement. « Je suis soulagée, je vais tout de suite annoncer à ma famille que je n'ai pas cette maladie ! Nous allons tout de même continuer de suivre les recommandations sanitaires. »

Des symptômes mais pas de grippe

En plein coeur de l'épidémie, apeurées par les nouvelles constamment diffusées, la plupart des personnes qui accourent à la caravane n'ont en fait que peu de symptômes de la maladie : infirmières et médecins rassurent et rappellent à leur tour les mesures de précaution.

Affichées sur de nombreux murs, omniprésentes dans le métro, répétées à longueur de journée sur les ondes radio, ces recommandations toutes simples - se laver les mains, porter un masque, éternuer dans sa manche - finissent par lasser une majorité de la population qui en a assez d'entendre parler de crise, quelle qu'elle soit. L'insouciance des Mexicains reprend vite le dessus, un sorte de relâchement perpétuel qui, dans cette situation, peut avoir du bon.

Ainsi il n'y a pas eu de mouvements de panique à l'extérieur des hôpitaux, pas même des files d'attente interminables. À l'extérieur de l'Hospital General, le plus vaste du pays et d'Amérique latine, une petite centaine de personnes attend des nouvelles de proches entrés parfois il y a deux jours, mais tous ne se sont pas déplacés pour la grippe. Beaucoup ne portent pas de masques, l'attente est pénible mais se fait dans une humeur légère, des vendeurs de glaces tournent.

Tous ensemble

Au nord de la ville, à l'Hospital de la Raza, un couple emprunte enfin la porte de sortie. Hagard, l'homme explique que sa femme est entrée hier soir aux urgences, craignant la grippe. « Finalement, elle n'a qu'une infection urinaire, raconte-t-il. Nous ne sommes pas arrivés à la section des personnes infectées, mais nous sommes passés en immunologie et, à ce niveau, les patients avec symptômes de la grippe et les autres étaient mélangés. »

Quoiqu'il en soit de l'organisation - douteuse selon les patients, rodée et efficace selon les médecins - le Mexique paie très cher une crise sanitaire qui, sur la scène internationale, maltraite son image de paradis touristique, à tort.

3 questions à...

Francisco Navarro Reynoso, pneumologue et directeur de l'Hospital General, Mexico.

Comment évolue la situation dans l'hôpital à un mois de l'émergence de l'épidémie ? Nous avons chaque fois moins d'hospitalisations, avec beaucoup plus de sorties que d'entrées. Nous avons compté en moyenne une vingtaine de personnes hospitalisées par jour ; actuellement elles sont trois fois moins. Cependant, notre «commando» de réaction rapide reste en place et nous conservons les mêmes mesures de sécurité.

La vie est revenue à la normale dans les rues de Mexico, les gens ne sont pas inquiets. Partagez-vous cet optimisme ? La situation est meilleure, mais il faut continuer de faire attention aux recommandations diffusées, car nous devons nous habituer à vivre avec le virus pendant encore longtemps. Si les personnes dans la rue relâchent leurs précautions, il est possible que l'épidémie reparte. Dans le monde entier, beaucoup de gens manquent de culture médicale : nous devons rester prudents.

Le terme de «grippe mexicaine» a été largement diffusé : qu'en pensez-vous ? Je ne pense pas que cela soit un terme correct, c'est une façon négative de traiter un pays. Il n'est d'ailleurs pas certain que l'épidémie soit née au Mexique. Cela peut être la Californie : ils ont connu un cas il y a trois ans. Par le passé, on n'a jamais qualifié une grippe selon sa région d'origine. La grippe aviaire n'a pas été appelée grippe asiatique. Cette épidémie est un problème mondial non spécifique au Mexique.

EN SAVOIR +

ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ (OMS)

MINISTÈRE DE LA SANTÉ

dossier consacré aux professionnels de la santé.

Voir aussi :

AMBASSADE DE FRANCE À MEXICO :

les dernières informations et recommandations officielles.

MAGAZINE FUTURA-SANTÉ