TEN DANCE À LA SUR-INFORMATION DES PATIENTS ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 249 du 01/06/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 249 du 01/06/2009

 

Communication :

Le débat

Le savoir en matière de santé s'est démocratisé. Les radios disposent toutes maintenant de leurs chroniqueurs santé, les émissions se multiplient à la télévision, sans compter les magazines et surtout les sites Internet. Les malades et ceux qui s'ignorent en sauraient-ils trop ?

Valérie Brouchoud

Directrice générale de Doctissimo

D'où vient ce désir des patients de s'informer sur la santé ? L'offre a-t-elle créé la demande ?

L'offre et la demande vont dans le même sens. Il y avait une demande croissante des patients et, parallèlement, un phénomène d'accélération de l'information, pas propre à Internet d'ailleurs. Des maisons d'édition ont créé des collections entières pour répondre à cette demande des patients. Tout ceci s'est accompagné d'une évolution plus politique qui a visé à remettre le patient au centre du débat. Il y a eu la loi Kouchner en 2002 ou encore l'émergence de communautés de patients. De même, le plan cancer a instauré la consultation d'annonce. C'est d'un changement des mentalités dont il s'agit.

L'Afssaps doit prochainement publier un répertoire des essais cliniques de médicaments. Est-ce que cela va dans le bon sens ?

Tout est disponible aujourd'hui sur Internet mais tout le monde n'est pas capable de comprendre. Et ce n'est pas parce que tout est disponible que les patients vont aller lire l'abstract de la dernière étude sur le diabète dans le Lancet. Il est du rôle des médias de rendre l'information plus lisible pour les patients. Si le site de l'Afssaps est fait pour les patients, il devra aller dans le sens de la vulgarisation de l'information.

Est-ce que tout ceci ne nuit pas finalement au colloque singulier soignant-soigné ?

Au contraire. Plus un malade est informé, meilleur sera le suivi de son traitement, meilleure sera sa compréhension de la maladie. C'est également intéressant pour le médecin qui se trouve alors dans une relation plus aboutie avec son patient, d'autant que le besoin d'information du patient ne se limite pas au temps de la consultation. Que le patient puisse s'informer en amont et en aval de la consultation lui permet d'être un véritable acteur de sa maladie.

Est-ce que les médias doivent néanmoins mettre en place des garde-fous dans l'information qu'ils donnent aux patients ?

Quelle serait la barrière à ne pas franchir ? Le challenge, c'est de répondre de manière intelligible aux questions des patients et de pouvoir le faire quel que soit leur degré de connaissances en matière de santé.

Michel Cymès

Chirurgien ORL et journaliste,

animateur du Magazine de la santé, sur France 5, directeur éditorial du site

D'où vient ce désir des patients de s'informer sur la santé ? L'offre a-t-elle créé la demande ?

Les patients se sont trouvé une âme d'acteur de leur santé : ils peuvent aujourd'hui avoir un vrai dialogue avec leur médecin. L'information que délivrent les médias sur la santé leur permet d'avoir le bagage suffisant pour avoir ce dialogue avec leur médecin. De plus, l'augmentation du temps libre et l'augmentation de la durée de la vie concourent également à cela. Les gens ont d'ailleurs pris conscience qu'ils ont tout intérêt à s'intéresser à leur santé s'ils veulent une fin de vie sympa.

L'Afssaps doit prochainement publier un répertoire des essais cliniques de médicaments. Est-ce que cela va dans le bon sens ?

Il n'est pas certain que les gens regardent ce répertoire, hormis les malades ou les associations de patients. Il faut un bagage un peu scientifique probablement supérieur à celui dont dispose la population en général pour comprendre de telles informations.

Est-ce que tout ceci ne nuit pas finalement au colloque singulier soignant-soigné ?

Je ne crois pas. Pour ma part, je continue à consulter et j'apprécie d'avoir face à moi des patients qui ont des notions de santé. J'ai davantage envie de leur expliquer. Mais il est vrai qu'il y a un risque évident de se retrouver face à un patient qui discute tout ce que vous lui prescrivez.

Est-ce que les médias doivent mettre en place des garde-fous dans l'information qu'ils donnent aux patients ?

Si on prend l'exemple de la grippe A, on peut reprocher aux médias la dramatisation qui a été faite autour du virus. Mais s'il n'y avait pas eu ce battage médiatique, les gens ne seraient pas parés à l'éventualité d'une épidémie. En ce qui me concerne, la frontière que je ne franchis pas est celle de la médecine-spectacle. Il faut que les images servent à la compréhension. On ne diffuse jamais d'image gratuite. Il ne faut pas tomber dans ce biais.