H1N1 : vers la première pandémie du XXIe siècle ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 250 du 01/07/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 250 du 01/07/2009

 

POLITIQUE DE SANTÉ

Actualité

JUGEMENT > Mondialisation oblige, la pandémie de grippe dite « porcine » se répand à une cadence relativement rapide. Les pays se préparent, tandis que les épidémiologistes surveillent toute mutation possible du virus.

À peine deux mois après l'apparition des premiers cas, 30 000 personnes à travers le monde - dont près de 100 en France, selon le ministère de la Santé - ont été infectées par le virus H1N1. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a par ailleurs recensé 145 cas mortels. Le 11 juin dernier, l'institution relevait son niveau d'alerte à son seuil maximal (niveau 6), celui de la pandémie, reconnaissant toutefois au virus une « gravité modérée ». Rien à voir avec le virus de la grippe aviaire (H5N1), beaucoup plus virulent, mais finalement moins diffus. Ainsi les experts notent-ils que la mortalité liée au virus H1N1 est équivalente à celle de la grippe saisonnière, soit 0,1 %, quand la mortalité de la grippe aviaire atteint les 60 %. Ils s'attendent toutefois à une mutation du virus, imprévisible par définition.

Deuxième vague d'infection à prévoir

Quoi qu'il en soit, H1N1 s'avère si peu virulent que la vie est d'ores et déjà revenue à la normale au Mexique (voir ILM n° 249), alors même que c'est dans cette partie du monde - Mexique et États-Unis - que l'épidémie a commencé. « Ce ne sera pas la grippe espagnole », observe ainsi Jean-Marie Cohen, épidémiologiste et coordinateur national du réseau des Grog (Groupes régionaux d'observation de la grippe).

Il n'empêche, le virus essaime avec beaucoup de facilité, si l'on en croit les tableaux de suivi établis par les autorités sanitaires. Quelques semaines auront suffi à la pandémie pour s'installer sur quasiment tout le continent américain, mais aussi au Royaume-Uni, en Espagne, au Japon et surtout en Australie, où 1 300 cas ont été détectés. « Les pays doivent être prêts à voir apparaître des cas ou à en voir augmenter le nombre dans un proche avenir. Les pays où les flambées semblent avoir atteint leur pic doivent se préparer à une deuxième vague d'infection », a ainsi déclaré Margaret Chan, directrice générale de l'OMS, le 11 juin dernier.

Une épidémie suivie à la trace

Peu de chance donc que la France y échappe, ce que l'affaire des onze collégiens de Toulouse, suivie de près par celle des enfants de l'école du XVe arrondissement de Paris, sont venues confirmer. Pas moyen non plus de compter sur la météo estivale - d'habitude peu propice à la diffusion de virus grippaux - pour retarder l'épidémie, puisque nos voisins espagnols et britanniques sont en ce moment même contaminés. La pandémie, qui plus est, pourrait durer. Ainsi, Keiji Fukuda, sous-directeur général de l'OMS, déclarait il y a quelques jours que « le virus de la grippe porcine va circuler dans le monde entier pendant un à deux ans et contaminer des gens sur un mode pandémique ». Plus rassurante, Margaret Chan avait alors rappelé qu'« aucune pandémie antérieure n'a été décelée aussi tôt ni surveillée d'aussi près, en temps réel, dès le début ».

Peut-être même trop, diront certains. Dès les premiers cas, l'OMS a beaucoup communiqué sur le virus, au risque de semer la panique. Aujourd'hui, si l'organisation reconnaît avoir vraisemblablement surréagi, elle maintient son niveau d'alerte maximal. Étape que la France n'a pas encore atteinte. « Nous avons réuni un groupe d'experts qui ont unanimement confirmé que la situation n'impliquait pas le passage au niveau 6 », annonçait le 12 juin Roselyne Bachelot. Et la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, de confirmer : « Nous ne sommes pas, en France, dans une situation qui justifierait des mesures draconiennes. »

Six milliards de doses

C'est dans ce contexte que se pose la question de la vaccination. Faudra-t-il la généraliser ? L'OMS ne le recommande pas pour l'instant. En France, Roselyne Bachelot se montre hésitante, alors même que son directeur général de la Santé, Didier Houssin, avait affirmé à la presse début juin que le gouvernement souhaitait « se mettre dans la position de pouvoir assurer une vaccination pour l'ensemble de la population ». Raison pour laquelle le ministère de la Santé avait préempté un certain nombre de doses du futur vaccin, et ce, dès les premiers jours de l'épidémie.

À l'échelle de la planète, une vaccination universelle ne serait envisageable qu'à partir de 2013, délai minimum pour permettre la production de tous les stocks de vaccins nécessaires, soit pas moins de six milliards de doses, selon l'OMS. Qui plus est, indique le Dr Jean-Marie Cohen, « il ne sera pas forcément souhaitable de vacciner tout le monde. D'abord, parce qu'un certain nombre de personnes auront déjà été infectées quand le vaccin sera disponible. » Ensuite, puisque le virus ne semble pas toucher tout le monde de la même façon, il faut commencer par observer son mode de diffusion. En effet, les personnes âgées seraient pour l'instant plus à l'abri que les jeunes. Enfin, « l'intérêt d'une vaccination des enfants de moins d'un an n'est pas non plus évident ».

3 questions à

Jean-Marie Cohen, coordinateur national du réseau des Grog

Pourquoi la France n'est-elle pas passée au niveau d'alerte 6 ? On n'a pas encore une circulation du virus suffisante pour provoquer une pandémie. On basculerait au niveau 6 s'il y avait infection d'un nombre énorme de gens en même temps.

Peut-on prévoir l'évolution de l'épidémie ? La pandémie a commencé. Actuellement, on observe comment les choses se passent en Australie. Mais on ne peut rien anticiper, notamment d'éventuelles mutations du virus.

Comment se préparer à une pandémie ? Il n'y a pas que le vaccin : par exemple, l'hygiène des mains et le port du masque permettront de limiter la contagion. Il faut en outre que les professionnels de santé fassent connaître leur e-mail pour que l'on puisse leur passer des informations et les mobiliser rapidement le cas échéant.

A SAVOIR

→ Pas moins de vingt laboratoires pharmaceutiques s'étaient lancés dans la course au vaccin contre la grippe H1N1, selon l'OMS. Mais l'entreprise suisse Novartis a pris tout le monde de court en annonçant être parvenue à un résultat, le 12 juin dernier. Le géant pharmaceutique a fait savoir dans la foulée qu'il pourrait produire jusqu'à un million de doses par semaine dans son laboratoire allemand, situé à Marbourg. Mais qu'il ne ferait pas don de ses vaccins aux pays pauvres.