La gestion du traitement - L'Infirmière Libérale Magazine n° 250 du 01/07/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 250 du 01/07/2009

 

Cahier de formation

Savoir faire

Madame M., 47 ans, traitée pour des troubles bipolaires, ne veut plus prendre son traitement à base de Zyprexa®. Elle a pris 12 kilos en deux mois et ne supporte plus son image de «grosse» somnolente.

Vous lui suggérez d'aborder cette question lors de sa prochaine consultation avec le psychiatre. Vous la rassurez : il existe d'autres traitements. Rappelez-lui que le traitement a stabilisé son humeur. Informez-la de l'existence de l'association d'aide aux personnes atteintes de troubles bipolaires Argos 2001 qui a mis en place des groupes de parole. Elle pourrait peut-être parler avec des écoutants afin de trouver d'autres solutions, comme, par exemple, consulter une diététicienne.

LES MÉDICAMENTS

Les thymorégulateurs

Les thymorégulateurs regroupent des médicaments comme les sels de lithium, le traitement de référence, mais aussi des antiépileptiques reconnus pour avoir de surcroît une action régulatrice sur l'humeur et certains neuroleptiques de nouvelle génération ou «antipsychotiques».

Les sels de lithium (Téralithe®, Neurolithium®)

Le lithium est indiqué dans le traitement curatif des états d'excitation maniaque ou hypomaniaque et dans la prévention des rechutes des troubles bipolaires. Il est particulièrement efficace en prévention du suicide. Cependant, il est moins prescrit en première intention en France, en raison de son maniement délicat (surveillance, effets indésirables...).

Mode d'emploi : Sa posologie est fonction de la lithiémie (valeurs minimales efficaces entre 0,5 et 0,8 milliéquivalents/l). La posologie est en général de 10 à 20 milliéquivalents (mEq) de lithium par jour (milliéquivalent = millimole), soit 2 à 3 comprimés au cours des repas. Il existe des correspondances entre la posologie de la forme simple et de la forme LP. La posologie la plus élevée se prend le soir.

Mise en route du traitement : Un bilan cardiaque, rénal, thyroïdien et un test de grossesse sont réalisés avant l'instauration du traitement qui s'effectue de manière progressive.

Surveillance sanguine : La lithiémie, dosée deux fois par semaine au début, est effectuée toutes les semaines le premier mois, tous les mois le premier trimestre, puis tous les deux mois. Elle se dose le matin pour la forme simple et le soir pour la forme LP.

Surveillance au long cours : Bilan thyroïdien, surveillance de la fonction rénale et du poids. Pour les femmes, la grossesse étant potentiellement tératogène, elle n'est pas conseillée mais non contre-indiquée si une surveillance est établie.

Intoxication : Surveiller les signes de surdosage : tremblements, vertiges, troubles de la vision, nausées, diarrhées. Un taux > 1,5 mEq/l (menace vitale dès 2 mEq/l) peut causer des séquelles neurologiques irrémédiables. La prise en charge est une urgence.

Contre-indications : Hyponatrémie ; insuffisance rénale ; allaitement.

Les antiépileptiques

Tous les antiépileptiques sont utilisables dans les troubles bipolaires. Seuls quelques-uns ont l'AMM dans cette indication.

La carbamazépine est indiquée dans le traitement des états d'excitation maniaque ou hypomaniaque et dans la prévention des rechutes. Si elle est particulièrement efficace dans les cycles courts, elle l'est moins en prophylaxie des épisodes aigus de dépression. La carbamazépine est une alternative au lithium ou au valproate. Puissant inducteur enzymatique, elle donne lieu à de nombreuses interactions médicamenteuses en diminuant l'efficacité des médicaments associés, d'où son usage relatif.

Mode d'emploi : Adaptation posologique très progressive (palier de deux à cinq jours) pour éviter les perturbations hépatiques et un rash (éruption) cutané.

Surveillance : Bilan biologique sanguin avec dosage plasmatique (fourchette thérapeutique entre 6 et 12 microgrammes par litre). Un surdosage est à surveiller car il y a un risque d'intoxication (troubles de la conscience, tachycardie et troubles du rythme, hypokaliémie).

Contre-indications : Bloc auriculoventriculaire ; antécédents d'hypoplasie médullaire et de porphyrie aiguë intermittente ; occlusion intestinale pour la forme LP (présence d'huile de ricin).

Depakote® est utilisé dans le traitement des épisodes maniaques en cas de contre-indication ou d'intolérance au lithium. Au cours de l'épisode maniaque, Depakote® peut être poursuivi chez les patients ayant répondu en aigu.

Mode d'emploi : Posologie d'installation progressive par paliers tous les jours ou les deux jours. Prise au cours des repas.

Instauration du traitement : Contrôle biologique des fonctions hépatiques. Une numération de la formule sanguine (NFS) avec paramètres de la coagulation est recommandée.

Surveillance : Surveillance périodique des fonctions hépatiques et des signes pouvant révéler une atteinte hépatique (asthénie, anorexie, abattement, somnolence) et pancréatique (douleurs abdominales, nausées, vomissements et/ou anorexie). Un dosage plasmatique du médicament est parfois réalisé pour optimiser la posologie (fourchette de 50 à 100 microgrammes par litre).

Intoxication : un surdosage est toujours possible. La surveillance est clinique (troubles de la conscience).

Contre-indications : hépatites et antécédents personnels ou familiaux d'hépatite sévère, notamment médicamenteuse, porphyrie hépatique.

Depamide® est indiqué dans le traitement des troubles bipolaires en cas de contre-indication ou d'intolérance au lithium et à la carbamazépine. Son efficacité n'est pas démontrée dans le traitement des accès aigus (manie et dépression).

Mode d'emploi : posologie d'installation progressive par paliers de deux à trois jours.

Instauration du traitement : Contrôle biologique des fonctions hépatiques. Une NFS avec paramètres de la coagulation est recommandée.

Surveillance : Surveillance périodique des fonctions hépatiques et des signes pouvant révéler une atteinte hépatique (asthénie, anorexie, abattement, somnolence) et pancréatique (douleurs abdominales, nausées, vomissements et/ou anorexie). Un dosage plasmatique du médicament est parfois réalisé pour optimiser la posologie (fourchette de 50 à 100 microgrammes par litre).

Intoxication : Un surdosage est toujours possible. La surveillance est clinique (troubles de la conscience).

Contre-indications : Hépatites et antécédents personnels ou familiaux d'hépatite sévère, notamment médicamenteuse, porphyrie hépatique.

Lamictal® est indiqué dans la prévention des épisodes dépressifs chez les patients présentant un trouble bipolaire de type I et qui ont une prédominance d'épisodes dépressifs. Il n'est pas indiqué dans le traitement aigu des épisodes maniaques ou dépressifs.

Mode d'emploi : La dose de lamotrigine est à augmenter progressivement pendant six semaines jusqu'à une dose d'entretien afin de limiter les effets cutanés, également favorisés en cas d'association avec l'acide valproïque. De même, la posologie varie selon que la lamotrigine est associée ou non aux médicaments suivants : carbamazépine, lopinavir/ ritonavir, phénobarbital, phénytoïne, primidone, rifampicine, ainsi qu'à une contraception estroprogestative discontinue (arrêt d'une semaine entre deux plaquettes). Mieux vaut utiliser une contraception en continue ou un autre moyen (stérilet...).

Surveillance : Aucune, hormis l'apparition d'effets indésirables.

Contre-indications : aucune, si ce n'est que la grossesse et l'allaitement sont déconseillés (risque de malformation en cas de prise durant le premier trimestre).

Les «antipsychotiques»

Pour l'instant, seules l'olanzapine et l'aripiprazole (Abilify®) ont l'AMM dans les troubles bipolaires. La rispéridone (Risperdal®) a une AMM dans le traitement à court terme des épisodes maniaques aigus modérés à sévères.

L'olanzapine est indiquée dans les épisodes maniaques modérés à sévères et dans la prévention des récidives des troubles bipolaires chez les patients ayant déjà répondu au traitement lors d'un épisode maniaque.

Mode d'emploi : le comprimé orodispersible peut également être dissous dans un liquide avant administration.

Précautions d'emploi. Le tabac peut diminuer les concentrations de l'olanzapine. Prudence en cas d'hypertrophie prostatique ou d'iléus (occlusion intestinale) en raison des effets anticholinergiques du Zyprexa®.

Contre-indications : Risque de glaucome à angle fermé, patients âgés déments.

L'aripiprazole est indiqué dans le traitement des épisodes maniaques modérés à sévères des troubles bipolaires de type I et dans la prévention des récidives d'épisodes maniaques chez des patients ayant présenté des épisodes à prédominance maniaque et pour qui les épisodes maniaques ont répondu à un traitement par aripiprazole.

Mode d'emploi : Prise indifférente par rapport aux repas.

Précautions d'emploi : En raison de son action antagoniste sur des récepteurs alpha 1 adrénergiques, l'aripiprazole peut augmenter l'effet de certains antihypertenseurs. Certains ajustements posologiques sont à prévoir selon les médicaments associés (cf. tableau en pages 37-38).

Contre-indications : Aucune, mais grossesse et allaitement sont déconseillés.

SURVEILLER LES EFFETS INDÉSIRABLES

Surdosage en lithium

Si nausées, diarrhées, sensations vertigineuses et faiblesses musculaires s'estompent généralement avec la poursuite du traitement, tremblement des mains, polyurie et polydipsie peuvent persister. Mais certains signes sont évocateurs d'un surdosage en lithium : la reprise des nausées et vomissements, l'apparition d'un tremblement ample au niveau des mains (tremblement dit «en ailes de papillon») puis des troubles de la conscience. Il faut alors pratiquer une lithiémie en urgence.

Prise de poids

Les prises de poids sous antiépileptiques et neuroleptiques ont notamment pour origine une perturbation des métabolismes lipidique et glucidique (résistance à l'insuline avec apparition d'un syndrome métabolique). De plus :

→ le valproate de sodium (Dépakine®) a une action orexigène ;

→ la carbamazépine (Tegretol®) inhibe l'excrétion aqueuse, provoquant une hyponatrémie et la formation d'oedèmes (possible syndrome de sécrétion inappropriée de l'hormone antidiurétique) ;

→ le risque de prise de poids est accru en cas d'association d'un anticonvulsivant à visée normothymique et d'un antipsychotique, fréquente dans le traitement de la maladie bipolaire ;

→ la lamotrigine (Lamictal®) ne modifie pas la masse pondérale.

Troubles cutanés et lamotrigine

La lamotrigine (Lamictal®) peut en effet être à l'origine de manifestations allergiques ou de graves réactions cutanées. Le Lamictal® est instauré à doses progressives selon un schéma bien établi (voir le résumé des caractéristiques du produit ou RCP dans le Vidal).

→ Le risque de survenue de réactions cutanées graves est maximal dans les huit premières semaines de traitement.

→ Il est majoré par une posologie initiale trop élevée, une augmentation trop rapide des doses et l'association au valproate, au divalproate ou au valpromide qui ont pour effet de doubler la demi-vie de la lamotrigine.

→ Ces éruptions sont souvent bénignes mais peuvent, dans de rares cas, être graves et potentiellement fatales comme le sont les syndromes de Stevens-Johnson ou de Lyell. Ces derniers débutent souvent par de la fièvre, des symptômes muqueux et/ou l'apparition de vésicules au niveau cutané qui peuvent rapidement s'étendre et provoquer un décollement cutanéomuqueux étendu et gravissime.

→ Des signes précoces d'hypersensibilité doivent alerter : fièvre, lymphadénopathie, éruption cutanée. Il est important d'alerter le médecin et/ou d'inciter le patient à se rendre aux urgences en évitant de prendre le médicament ce jour-là.

Autres effets indésirables

La plupart des normothymiques peuvent entraîner une somnolence, voire des tremblements. Les affects semblent parfois s'émousser avec les normothymiques. La chute de cheveux peut s'avérer problématique avec Depakote®, voire avec le lithium. Il est nécessaire de toujours inciter le patient à aborder avec son médecin le problème des effets indésirables qui sont en grande partie responsables de l'inobservance.

Des associations médicamenteuses problématiques

Les antiépileptiques exposent à des interactions médicamenteuses notables, surtout avec les estroprogestatifs dont ils diminuent l'efficacité. Rappeler aux femmes sous antiépileptiques qui désirent ce type de contraception qu'elles doivent informer leur gynécologue ou leur médecin traitant.

Évitez le jus de pamplemousse (inducteur enzymatique, c'est-à-dire qu'il peut diminuer l'efficacité de certains médicaments) au moins deux heures avant ou après la prise de certains normothymiques et neuroleptiques.

Des adaptations posologiques sont à prévoir avec les antiépileptiques et l'olanzapine selon les médicaments qui y sont associés : c'est pourquoi il est indispensable de toujours avertir le médecin traitant du traitement en cours.

Point de vue...

« L'obésité et le surpoids font partie des plaintes des appelants »

Anne, écoutante à Argos 2001, Association d'aide aux personnes atteintes de troubles bipolaires

« Les patients nous appellent quand ils vont mal : ils attendent une oreille «amie». Nous ne sommes pas des psychothérapeutes, mais nous essayons de leur trouver des aides concrètes, comme des adresses pour leurs problèmes de droit ou de surendettement. Ils évoquent les effets indésirables des traitements, les plus importants étant l'obésité et le surpoids induits par certains médicaments. La somnolence n'est guère évoquée, la plupart ne travaillant pas. »