Redonner du souffle à son intérieur - L'Infirmière Libérale Magazine n° 250 du 01/07/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 250 du 01/07/2009

 

Sophie Frain, conseillère médicale en environnement intérieur à Dinan (22)

La vie des autres

Vivre dans un habitat sain est une préoccupation qui relève autant de la santé publique que de l'écologie. Généralement distincts, ces deux thèmes sont réunis dans la profession de conseillère médicale en environnement intérieur. Un métier encore rare qu'exerce Sophie Frain, infirmière de formation. Rencontre.

La maison dans laquelle se rend ce jour-là Sophie Frain, infirmière devenue conseillère médicale en environnement intérieur il y a quatre ans, n'est pas insalubre et n'est pas a priori exposée à une source de pollution. Mais pendant plus de deux heures, elle est passée au crible par cette professionnelle, à la recherche de tout produit, meuble ou objet pouvant avoir un effet allergisant sur Élisa(1). En effet, l'adolescente qui vit ici développe depuis six ans une allergie aux acariens, aux graminées... et à de plus en plus d'allergènes. Un cas de figure presque banal puisque cette collégienne est asthmatique : on sait en effet que 95 % des jeunes qui souffrent de cette maladie (2) sont allergiques.

Les allergies en forte croissance

Mais le problème des allergies touche désormais 20 à 30 % de la population générale, ce qui en fait une question de santé publique. L'enjeu pour Élisa comme pour les autres nombreuses personnes concernées est de taille, car, avec les années, leur qualité de vie se détériore. « Cela renvoie aux problématiques liées aux maladies chroniques en général, ajoute Sophie Frain. Il faut accompagner ces personnes dans l'acceptation de la maladie et du traitement, et les aider à acquérir les bons réflexes pour prévenir tout ce qui peut aggraver leur état. On se trouve bien dans une prise en charge globale du patient. »

Jusqu'en août 2008, Sophie Frain a continué d'exercer en parallèle son métier d'infirmière en pneumologie au centre hospitalier de Dinan. Avec son regard affûté de soignante, formée en éducation à la santé puis en «Santé respiratoire et habitat» (du nom du diplôme interuniversitaire délivré à Strasbourg), elle n'a aucun mal à repérer dans un coin de la pièce une cage hébergeant deux cobayes. « Élisa ne change plus leur litière et ne les prend plus dans ses bras, explique la maman.

Mais c'est encore difficile pour elle d'accepter de s'en séparer : elle voudrait tellement être une petite fille normale !

» Sophie Frain ne doit pas oublier les aspects techniques de sa visite comme l'état de fonctionnement de la ventilation, des travaux de rénovation conseillés, etc.

Assouplir le discours

Mais elle se déplace aussi pour adapter un discours professionnel qui imposerait par exemple que les animaux de compagnie soient supprimés et pour « mesurer l'impact émotionnel d'une telle préconisation ». « Les parents ont un sentiment de culpabilité, précise l'infirmière. Nous sommes là pour les aider à regarder la réalité en face. Ici, il est évident qu'il y a un décalage entre la décision de supprimer des coussins, d'un côté, et de garder les cobayes, de l'autre. » Même si Sophie Frain intervient sur prescription du médecin allergologue qui suit Élisa, la mère semble être sur la défensive, ne comprenant pas bien ce que peut apporter l'infirmière : elle et son mari ne cherchent-ils pas déjà toutes les solutions pour améliorer la qualité de vie de leur fille ?

Des conseils pratiques

Sur la table du séjour, les médicaments sont étalés. Un changement de molécule dans le traitement de fond semble faire son effet puisqu'aucune crise n'est à déplorer depuis deux mois. Mais ni le traitement de fond, ni le long processus de désensibilisation ne doivent empêcher ce travail de prévention. La suite de la visite se déroule dans la chambre d'Élisa. Lieu préféré des acariens, le lit est l'objet de toutes les attentions de la conseillère en environnement intérieur. S'ensuivent des conseils de lavage et de séchage. Après avoir regardé les matières présentes dans la chambre et échangé sur l'importance d'une entrée d'air dans la nouvelle fenêtre que la famille s'apprête à faire poser, Sophie Frain termine le tour de la maison.

Compte-rendu et prélèvements

Prochaine étape : rédiger l'état des lieux sur son ordinateur, en y ajoutant les conseils qui seront joints au compte-rendu envoyé au médecin prescripteur et à la famille. L'état de la ventilation mécanique contrôlé, le mode de chauffage, la nature et la quantité des produits d'entretien utilisés... Tous ces thèmes sont abordés. Puis l'infirmière procède à des prélèvements pour évaluer la présence d'acariens et de moisissures dans le logement. Certains de ces prélèvements partiront dans le service de parasitologie-mycologie du CHU de Rennes. Un travail original qui porte ses fruits : les quarante derniers patients suivis par Sophie Frain sont tous descendus d'un palier dans leur asthme.

(1) Pour respecter le souhait de la famille, le prénom a été modifié. (2) Plus d'infos sur le site associatif .

Elle dit de vous !

« Je me trouve rarement en contact avec des infirmières libérales, en dehors de mon mari qui exerce ce métier. Mais elles peuvent avoir un regard sur l'environnement de leur patient : intervenant souvent au quotidien, leur implication a un intérêt évident. On voit très rapidement les choses qui ne vont pas, comme la présence d'un diffuseur de parfum, la manière de ventiler la maison, l'état des bouches d'aération, la présence de moisissures... Il est nécessaire de prendre l'habitude de regarder autour de soi : nous passons en moyenne au moins 50 % de notre temps dans notre logement et encore davantage quand on est malade ou en convalescence. L'association Capt'air Bretagne pourrait très bien intervenir auprès des infirmières libérales sur la qualité de l'air et les conseils à prodiguer aux patients. »

UN MÉTIER EN DEVENIR

Des interventions très utiles aux patients

Le travail de Sophie Frain s'inscrit dans une démarche initiée par des pneumologues de la région de Saint-Malo et de Dinan qui ont créé l'association Capt'air Bretagne(1). Sophie Frain a été mandatée en 2005 pour se former au métier de conseillère médicale en environnement intérieur(2), fonction très rare en France puisque seule une quarantaine de personnes la pratiqueraient en France. « Nous avions constaté que les expériences déjà en cours à Montpellier et à Strasbourg étaient très profitables aux patients, commente le Dr Vincent Morel. Sophie Frain intervient auprès de patients qui ont séjourné en réanimation, dont l'asthme est mal contrôlé, ou encore pour lesquels un traitement maximaliste est en cours. » Les préconisations pour le Plan national santéenvironnement 2 et le Grenelle 2 vont dans le sens d'un développement de ce métier.

(1) Infos et conseils sur le site de l'association () et par téléphone (02 96 85 70 93). (2) Site Internet sur le métier de conseillère médicale : .