GESTION DE LA CRISE EN QUESTION - L'Infirmière Libérale Magazine n° 252 du 01/10/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 252 du 01/10/2009

 

H1N1 :

Le débat

Comment gère-t-on et anticipe-t-on une crise sanitaire ? D'autant plus quand elle est mondiale, que sa durée est méconnue et qu'elle se propage vite ? Le gouvernement Fillon s'est attelé à la tâche et essuie forcément des critiques.

Emmanuel Hirsch

Professeur d'éthique, université Paris-Sud XI,

directeur de l'ouvrage collectif Pandémie grippale, l'ordre de mobilisation, éditions du cerf,

Sommes-nous prêts à vivre une pandémie qui pourrait impacter durablement notre quotidien ?

Notre pays dispose d'un plan de lutte envié par tous, par la minutie des dispositifs préconisés. Mais saurons-nous intégrer des règles de continuité d'activité parfois trop théoriques et surtout démunies de dotations effectives en moyens ? Confrontés à un défaut de compétences adaptées et à une certaine pénurie, les responsables de structures telles que les Ehpad ne me semblent pas convaincus de leur réelle préparation à une situation pandémique grave.

Vous mentionnez le décalage entre la minutie apparente du plan pandémie et le sentiment d'impréparation que rapportent les professionnels de santé.

Ce plan est certainement un exercice de gouvernance très abouti. Mais il lui manque quelques courroies de transmission pratiques. J'ignore quelles modalités de concertation ont contribué à l'émergence de ce plan mais il méconnaît les réalités de la maladie et du soin, les vulnérabilités sociales et les peurs que peuvent induire des sentiments d'insécurité. A-t-on été attentifs à dialoguer, à responsabiliser ? Au-delà de campagnes de communication plutôt consacrées à la prévention hygiéniste, n'a-t-on pas restreint le débat à un cénacle d'experts ?

Comment concilier l'éthique, qu'il convient selon vous de garder à l'esprit et l'urgence des réponses à apporter à la population, si la pandémie doit s'avérer d'ampleur ?

Les responsables de la gestion de cette crise se sont efforcés d'apaiser une société qui n'en demandait certainement pas tant. Il aurait été préférable de déployer une stratégie de responsabilité partagée en permettant à chacun de s'approprier les savoirs indispensables à la compréhension d'un tel phénomène. Comment ceux dont la vigilance a été jusqu'à présent atténuée par un discours serein accepteront-ils des mesures que l'on a évité d'évoquer ? On nous parle d'éthique de la précaution pour justifier les investissements financiers. La précaution, c'est aussi le souci de l'autre.

Est-ce que le gouvernement en fait trop, en matière de communication notamment ?

Je ne pense pas. Peut-être pourrait-on regretter des stratégies dont la visibilité paraît incertaine, voire ambiguë, entre le secrétariat à la Défense nationale, le ministère de l'Intérieur et celui chargé de la Santé. Nous avons le privilège d'être dans un pays où les professionnels et les associations savent se mobiliser, y compris lorsqu'ils n'ont pas l'impression d'être reconnus dans la plénitude de leurs missions. L'urgence est désormais de mobiliser, sans dramatisation, l'ensemble des membres de la cité.

Michelle Bressand

Infirmière, conseillère générale des établissements de santé, chargée de mission Plan pandémie

La France est-elle prête à vivre une pandémie d'envergure ?

Je pense que oui. En tous cas la France ne s'y prépare pas seule puisque l'Europe et les autres pays dans le monde suivent les mêmes schémas de préparation avec, bien sûr, les particularités nationales de chacun...

Emmanuel Hirsch mentionne un décalage entre la minutie apparente du plan prévu par le gouvernement et le sentiment d'impréparation que rapportent les professionnels de santé.

C'est une vision assez paradoxale des choses. Dans le cadre de la préparation à la pandémie, j'ai rencontré des professionnels de santé qui ne me donnaient pas cette impression. Mais il est vrai que les professionnels de santé qui travaillent en équipe dans des services spécialisés sont plus informés et préparés. Cependant chacun - même s'il est pris par son activité quotidienne - a le devoir de rechercher l'information. Il est vrai que nous sommes confrontés à une situation compliquée et je doute, comme beaucoup d'entre nous. Je suis partagée entre la volonté de croire que le pire n'arrivera pas et la crainte d'apprendre trop tard les conséquences de cette pandémie.

Les professionnels de santé se montrent pour une bonne part d'entre eux réticents sur la question de la vaccination. Comment gérer cette difficulté ?

Il faut dire que les messages sont différents selon les interlocuteurs. Pour ma part, je n'ai jamais eu peur des virus. Mais je me ferai vacciner parce que j'ai appris que la vaccination est la meilleure des protections et parce que j'ai des enfants, des petits-enfants et que ce virus ne passera pas par moi. En tant que professionnels de santé, nous avons une mission de prévention et de maintien en santé. N'étant ni expert ni chercheur, je suis comme chacun d'entre nous, je sais qu'aucun vaccin ne sera proposé s'il n'a pas reçu l'autorisation de mise sur le marché.

Que répondre enfin à ceux qui considèrent que le gouvernement en fait un peu trop en matière de communication autour de la gestion de cette pandémie ?

Il y a toujours des gens pour penser qu'on en fait trop ou pas assez. Aujourd'hui, nous avons affaire à une pandémie d'ampleur mondiale, il s'agit d'un nouveau virus qui concerne tout le monde. Que l'on habite en baie de Somme ou au coeur de Marseille, on peut être touché par ce virus. Il faut prendre conscience que le virus s'arrêtera le jour où l'homme ne le transmettra plus et que ce sont les plus vulnérables qui paieront le prix fort de toutes ces polémiques.