«Il faut encadrer ce métier» - L'Infirmière Libérale Magazine n° 252 du 01/10/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 252 du 01/10/2009

 

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PSYCHIATRIE > Alors que les rapports s'accumulent dans les sphères parisiennes pour réorganiser le secteur, un cabinet d'infirmiers libéraux toulousains apporte une réponse de terrain. L'objectif : proposer une formation spécifique notamment dédiée aux Idel et envisager, à terme, une certification.

Des années que ça dure. Depuis la disparition du diplôme d'infirmier de secteur psychiatrique en 1992, le débat ne cesse d'interpeller les professionnels. Comment faire pour remédier aux carences suscitées par l'abrogation de cette formation dédiée à la santé mentale ? À Toulouse, une dizaine d'Idel a arrêté de s'interroger. Déjà bien habitué à oeuvrer dans ce champ particulier du soin(1), le cabinet infirmier Saint-Alban a en effet décidé de se lancer dans la formation professionnelle. Si bien que le 20 août, il a obtenu l'aval de la préfecture. L'arrêté signé ce jour-là entérine l'extension des activités de cette société d'exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl). Désormais dénommé Centre infirmier Saint-Alban, le Cisa peaufine la session qu'il espère dispenser dès le mois de novembre.

Systémie, pharmacologie, psychologie clinique et rappel sur la Charte de déontologie de l'exercice infirmier en santé mentale, voici les grandes lignes du programme. « C'est une formation pilote (...), elle a été agréée par la DDTEFP (2) », se félicite Pierre Malgouyres, l'un des fondateurs du Cisa. Pour ce dernier, cette initiative tombe sous le sens puisque « nous faisions déjà appel à des intervenants extérieurs que nous rémunérions en nous cotisant ».

La démarche du Cisa arrive à point nommé. Une flopée de rapports abordant le sujet commencent à s'accumuler sur les bureaux ministériels et parlementaires. En janvier, le Conseiller maître à la Cour des Comptes Édouard Couty ouvrait la marche. Suivait alors le rapport de Louis Albrand sur la prévention du suicide en milieu carcéral.

Dernier du genre, celui du sénateur Alain Milon, rédigé sous l'égide de l'Office parlementaires des politiques de santé (Opeps). Rendue en avril, cette étude constate « un accès aux soins insuffisant » et « une inadaptation démographique et territoriale » des professionnels de santé mentale. Parmi les solutions envisagées, le parlementaire (également médecin) évoque « la mise en place de cabinets libéraux d'infirmiers psychiatriques ayant également suivi une formation générale ». Avant de saluer l'initiative du « cabinet infirmier Saint-Alban de Toulouse qui rend chaque jour visite aux patients pour s'assurer qu'ils suivent les traitements prescrits »(3).

Une initiative à suivre

La satisfaction se lit aussi du côté de l'Association française des psychiatres d'exercice privé (Afpep). En témoigne son secrétaire général, Michel Marchand, qui voit dans l'action du Cisa « une initiative heureuse [qui] rejoint les préoccupations de l'Afpep ». Le psychiatre tempère néanmoins son enthousiasme. Il craint en effet « une volonté de déléguer les soins à différents corps de métiers ». À ses yeux, « tous les textes produits invitent à transformer le psychiatre en aiguilleur en chef, en expert qui distribuerait le travail aux autres ». Ses inquiétudes peuvent paraître fondées, notamment à la lecture de l'expression « d'infirmier psychiatre » employée à plusieurs reprises dans le texte d'Alain Milon...

Pour sûr, « il faut encadrer ce métier ». D'après Pierre Malgouyres, « il y a consensus ». Reste à trouver la méthode. Pour sa part, le Cisa mise sur « un maillage des intervenants » (y compris dans les champ social et médical), tout en gardant appui sur la Charte de formation pour les infirmiers en psychiatrie de 1995. « En travaillant par exemple avec les tuteurs, nous avons aidé dix de nos patients à réinvestir leur logement », explique-t-il.

À terme, le Cisa vise la création d'une certification qui serait supervisée par l'Association nationale soins de ville en santé mentale (une structure impulsée par le Cisa et dont l'assemblée générale constituante devrait se tenir sous peu). Autant de projets susceptibles de modifier en profondeur le visage de la psychiatrie de secteur.

(1) Dossier psychiatrie paru en janvier dans le ILM n°244.

(2) DDTEFP : Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle

(3) Notre rédaction a tenté en vain de joindre Alain Milon pour connaître plus précisément sa position.

3 questions à

Pierre Malgouyres, co-fondateur du Centre infirmier Saint-Alban (Cisa)

Quel public vise votre formation ? Les infirmiers sensibilisés à la santé mentale, dans un esprit très «terrain».

Pour quel objectif ? Attirer l'attention des professionnels sur les spécificités de la psychiatrie. Nous voulons aussi les inciter à travailler en réseau.

Avez-vous rencontré des difficultés avant votre

officialisation comme centre de formation ? Une véritable partie d'autos tamponneuses avec les autres professionnels intervenant dans le secteur psychiatrique... Et pourtant nous assurons un travail complémentaire !