Les schémas thérapeutiques - L'Infirmière Libérale Magazine n° 252 du 01/10/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 252 du 01/10/2009

 

Cahier de formation

Savoir faire

Lors de soins pour une fracture de la jambe, Stanislas P., 31 ans, vous confie son anxiété sur la mise en place d'un traitement de substitution aux opiacés. Il va profiter de son immobilisation pour arrêter l'héroïne, mais il a peur d'être en manque entre l'arrêt de l'héroïne et la prise de Subutex®.

Vous lui demandez ce que lui a dit le médecin. Classiquement, il doit attendre 24 heures (4 heures au moins) entre la dernière prise d'héroïne et celle de la BHD pour éviter un risque de syndrome de sevrage. Quelques jours sont nécessaires pour trouver la bonne dose : qu'il n'hésite pas à se confier à son médecin. En cas de sous-dosage, il pourra bénéficier d'une augmentation de posologie.

CHOIX DU TRAITEMENT

→ Il n'y a pas de critères objectifs à privilégier une molécule plutôt qu'une autre, mais des paramètres à considérer.

→ Le choix entre BHD ou méthadone dépend bien souvent du cadre réglementaire (la primoprescription de méthadone n'est pas possible pour les généralistes), de la proximité d'un centre de soins et du risque de surdosage avec la méthadone.

→ La méthadone est plus facilement prescrite chez les patients injecteurs de BHD, dans les dépendances anciennes, les polyconsommations, chez les personnes ayant tenté plusieurs fois de s'arrêter, chez les patients avec co-morbidité psychiatrique.

CHANGEMENT DE MOLÉCULE

Le passage d'un médicament de substitution aux opiacés (MSO) à un autre peut être nécessaire dans certains cas (mauvaise tolérance, mésusage, effets indésirables, notamment l'hypersudation sous méthadone...). En pratique :

→ de la méthadone à la BHD : réduction progressive de la dose jusqu'à 30 mg et intervalle libre d'au moins 24 heures avec la première prise de BHD. « Ce passage est souvent très pénible et difficile et nécessite parfois un arrêt de travail », fait remarquer le Dr Bry.

→ de la BDH à la méthadone : respecter un intervalle libre, d'une durée d'au moins 16 heures.

DURÉE DE TRAITEMENT

→ Le traitement de substitution peut être poursuivi à vie si nécessaire comme de nombreux traitements de maladie chronique. Il n'y a pas de risque particulier.

→ L'objectif prioritaire de la substitution n'est pas l'arrêt : « L'abstinence n'est pas exclue mais elle n'est pas imposée, souligne Jean-Pierre Couteron, on doit être capable de poser la question au patient au bout d'un moment mais l'arrêt du médicament doit résulter d'un projet de vie. »

ARRÊT DU TRAITEMENT

Il n'y a pas de durée optimale pour un TSO. Et la vision de l'abstinence n'est pas une finalité systématique. Un patient sous BHD ou méthadone depuis dix ans doit être considéré comme un hypertendu traité et non comme un «drogué».

→ L'arrêt d'un traitement de substitution n'est pas un objectif prioritaire. La demande de l'arrêt ne peut venir que du patient lui-même et si possible dans un contexte favorable (bonne insertion, arrêt de consommation de substances non prescrites...).

→ Pour arrêter un TSO, aucun protocole spécifique n'est validé, mais le choix se porte sur des modalités d'arrêt les plus efficaces possibles et les moins douloureuses.

Arrêt brutal

En milieu hospitalier ou non pour la BHD et hospitalier pour la méthadone. Le sevrage se fait avec un traitement symptomatique : antihypertenseurs centraux, benzodiazépines, hypnotiques...

Arrêt progressif en ambulatoire

BHD : diminution progressive des doses, par exemple de 1 à 2 mg, par paliers de 2 à 7 jours, ou/puis prises 1 jour sur 2.

Méthadone : très lentement, par paliers de 5 à 10 mg, d'autant plus lentement que la dose est plus faible, à la demande du patient, puis 1 jour sur 2, voire 1 jour sur 3, puis arrêt.

TSO ET GROSSESSE

→ La balance bénéfices/risques d'un TSO, méthadone et BHD apparaît favorable dans la prise en charge des femmes enceintes dépendantes aux opiacés.

→ Méthadone et BHD sont utilisables durant la grossesse. Certaines études tendent à montrer un risque accru de menace d'accouchement prématuré sous BHD versus méthadone.

→ Quel qu'en soit le terme, l'utilisation de la méthadone est possible durant la grossesse, nécessitant parfois des posologies plus importantes en cours et en fin de grossesse.

→ La prise chronique de méthadone ou de BHD en fin de grossesse peut être à l'origine d'un syndrome de sevrage aux opiacés chez le nouveau-né. Ce syndrome peut apparaître quelques heures ou quelques jours après l'accouchement. Il ne dépend pas de la posologie, « raison de plus pour ne pas la diminuer, comme le suggèrent trop souvent les soignants », précise le Dr Bry, « et ce syndrome de sevrage est facilement pris en charge médicalement par les pédiatres ».

→ Même si la méthadone et la BHD passent dans le lait, « en quantités infinitésimales », l'allaitement reste à privilégier.

Point de vue...

« L'évaluation de la dose du médicament de substitution dépend des consommations »

Dr Virginie Noël, psychiatre et médecin responsable de l'unité de substitution au CHU de Grenoble (38)

« Pour évaluer la dose de départ du médicament de substitution, j'utilise les équivalences suivantes : 640 mg de sulfate de morphine équivalent à 100 mg de méthadone et 16 mg de BHD. Mais, avec l'héroïne, je tâtonne par rapport à ce que la personne prend. Pour une méthadone à commencer le lundi matin, la dernière prise de BHD doit avoir lieu au plus tard le dimanche midi et, si c'est de l'héroïne, en fin d'après-midi. Si le patient a ressenti des effets de manque le lundi soir, je peux rajouter 5 à 10 mg le mardi soir en plus des 30 mg du matin. »

Profil des utilisateurs de BHD et méthadone

→ Environ 120 000 personnes substituées.

→ Âge moyen : 35 ans (moyenne d'âge plus faible chez les patients sous générique de la BHD).

→ Les 3/4 d'entre eux sont des hommes.

→ Dose moyenne de BHD : inférieure ou égale à 16 mg/j pour près de 9 personnes sur 10 ; 10 % entre 16 et 32 mg/j et un peu moins de 2 %, supérieure à 32 mg/j.

→ Dose moyenne de méthadone : 2/3 ont une dose entre 20 et 70 mg/j ; 6 % supérieure à 100 mg/j.

→ Près de 2/3 des personnes sous MSO sont en traitement régulier et inclus dans un processus thérapeutique. Les autres pourraient avoir recours à un suivi médical épisodiquement et compléter leur prise en charge par des achats parallèles...

→ Usage de benzodiazépines : concerne 40 % des personnes sous BHD (mais 85 % des personnes à plus de 32 mg/j) et 44 % des personnes sous méthadone. Les patients sous CMU (couverture maladie universelle) sont plus nombreux à consommer des benzodiazépines...

→ Les prescripteurs sont essentiellement des médecins généralistes (primoprescription de BHD et relais

de prescription de la méthadone).

Source : données Cnam 2006-2007, estimation OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies).