LMD : en marche, la réforme fait des vagues - L'Infirmière Libérale Magazine n° 252 du 01/10/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 252 du 01/10/2009

 

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INCERTITUDES > Souhaitée de longue date par la profession infirmière, la réforme LMD (licence, master, doctorat) ne peut se faire sans heurts. Alors que la première génération de licenciés, la promotion 2012, débute son cursus, les premiers doutes s'expriment.

Élodie, Sonaberata, Jonathan, Audrey, Céline et les deux Marie sont déçus. En deuxième et troisième année de formation infirmière à l'Ifsi des Diaconesses à Paris, ils attendaient mieux de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, venue prêcher la bonne parole dans leur centre de formation, le 8 septembre dernier.

Des élèves floués

En effet, la ministre était venue présenter aux élèves de première année les contours de la réforme LMD (licence, master, doctorat) qui permettra à la promotion diplômée en 2012 de voir son niveau reconnu à bac+3. Mais les générations précédentes, qui n'ont pas encore validé leur diplôme, s'estiment flouées. « Elle n'a pas eu la délicatesse de prendre en compte les trois années d'études que nous venons de faire », s'emporte Audrey, qui sera diplômée en novembre.

Pourtant, en marge de sa présentation aux élèves de première année, Roselyne Bachelot avait souhaité rencontrer quelques-uns des élèves de seconde et troisième année. Mais elle n'a pas trouvé les mots pour les rassurer. « Elle n'a pas de solution concrète à nous fournir. Elle est juste venue faire sa communication de rentrée sans rien avoir à nous proposer », fustige Jonathan.

Et pour cause : à la question de savoir si les jeunes en cours de cursus seront concernés par la réforme LMD ou s'ils auront des formalités particulières à accomplir, Céline Mounier, conseillère technique de la ministre pour les professions paramédicales, a répondu que ceux qui voudraient bénéficier de la reconnaissance de leur formation auront des dossiers à présenter à des commissions, renforcées pour l'occasion au sein des universités. En clair, il n'y aura aucune différence entre ces jeunes dont la formation n'est pas achevée et les infirmières déjà en exercice qui feraient le choix de faire reconnaître leur niveau licence.

Audrey, Jonathan et les autres sont d'autant plus déçus qu'ils ne sont pas convaincus par le contenu de la nouvelle formation mise en place (voir L'Infirmière libérale magazine n°251).

Tuteurs de stage formés

Certes, elle fera la part belle aux stages qui doivent être renforcés, mais encore faut-il que de bons terrains de stages soient identifiés. Ce qui ne semble pas aisé de l'avis de l'équipe de formateurs de l'Ifsi, peu convaincus par la ministre de la Santé : selon elle, les deux organismes paritaires pour la formation continue des personnels des secteurs publics et privés que sont l'ANFH (Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier) et Unifaf (organisme de formation pour le privé) travaillent avec des membres de l'équipe du ministère de la Santé à l'élaboration des formations des tuteurs de stages.

Une filière en soins infirmiers

Au total, Roselyne Bachelot aura eu affaire à un public peu séduit : des étudiants de deuxième et troisième année déçus, des formateurs dubitatifs et des étudiants de première année visiblement peu conscients des enjeux d'une telle réforme. Et ce, alors que la ministre de la Santé leur a vanté les mérites de cette réforme, qui représente, affirme-t-elle, une « double chance » pour la profession infirmière. Ainsi, non seulement cette évolution va « renforcer les compétences des infirmiers via les coopérations entre professionnels de santé », mais elle ouvrira les portes de la recherche aux jeunes qui le souhaiteront.

En effet, le ministère de la Santé planche à la création de nouveaux masters et au « développement d'une véritable recherche en soins infirmiers, qui passera par la participation à des écoles doctorales et, à terme, à l'émergence d'une filière en soins infirmiers ».

Une réforme qui n'est pas sans conséquences

Le ministère de la Santé va petit à petit s'attaquer à basculer les autres professions paramédicales dans le système LMD. De gros processus de validation des acquis de l'expérience (VAE) devront donc être mis en place pour permettre à tous les professionnels de santé concernés de se voir reconnaître un niveau licence. Autre conséquence : des négociations statutaires et salariales en établissement. En effet, la réforme LMD va s'accompagner, dans la fonction publique, du passage, en ce qui concerne les infirmières à tout le moins, de quelque 450 000 professionnels en catégorie A. Des négociations ont débuté en juin dernier sur ce thème et devraient aboutir au début de l'année 2010. Roselyne Bachelot veut cependant parier que bon nombre d'infirmières ne souhaiteront pas passer en catégorie A : « Certaines voudront rester en catégorie B parce que la catégorie A a un certain nombre de contraintes et de responsabilités. Et ce, d'autant plus que je mène actuellement un travail de revalorisation de la catégorie B. » Selon la ministre, bon an mal an, cette réforme LMD représente « un coût d'un milliard d'euros ».

3 questions à

Nadine Dussaule, cadre pédagogique à l'Ifsi des Diaconesses (Paris, 12e)

Qu'avez-vous pensé de la prestation de Roselyne Bachelot ? Beaucoup de discours convenus. Et puis elle a tout de même annoncé aux 2e et 3e années qu'ils n'auront pas de niveau licence. Cela leur a fait mal au coeur d'apprendre les choses brutalement.

Qu'en est-il des formateurs ? Nous allons nous aussi devoir aller pleurer auprès d'instances universitaires pour faire valoir nos compétences. Et du coup, un jour il y aura des torchons et des serviettes : des formateurs qui auront obtenu une licence et ceux qui n'auront pas fait la démarche.

Sur le fond, que penser de cette réforme ? Elle pourrait être séduisante, intéressante. Mais Roselyne Bachelot ne met pas de moyens sur la table pour que la réforme se mette en place correctement dans les Ifsi. Elle l'a dit : elle compte sur la citoyenneté de la profession. Tout ceci pourrait mettre le feu aux poudres et être à l'origine de certains mouvements sociaux.