Prise en charge du patient - L'Infirmière Libérale Magazine n° 252 du 01/10/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 252 du 01/10/2009

 

Cahier de formation

Savoir faire

Monsieur P., 25 ans, est un «fêtard» qui a toujours pris différents produits : cocaïne, ecstasy, cannabis, alcool et de l'héroïne pour calmer ses «descentes». Sa mère, l'une de vos patientes, s'inquiète car il a dilapidé ses économies, n'a plus de travail et a perdu beaucoup de poids. Il lui a avoué qu'il prenait «juste» de l'héroïne depuis 6 mois. Elle ne le trouve vraiment pas bien.

Vous lui suggérez de contacter une équipe spécialisée qui pourra prendre en charge et accompagner son fils afin de l'aider à gérer ses dépendances. Vous lui communiquez l'adresse d'un centre spécialisé (pour les adresses voir la partie Bibliographie en page 50) en l'informant qu'il faudra peut-être attendre pour obtenir un rendez-vous. Vous lui suggérez de maintenir la communication avec son fils.

LES STRUCTURES DE PRISE EN CHARGE

De multiples dispositifs

Plusieurs dispositifs sont disponibles pour aider les usagers d'opiacés en souffrance.

Les acteurs professionnels du dispositif en addictologie sont organisés selon trois pôles :

→ les professionnels non spécialisés du sanitaire et du social : réseau de soins, médecins généralistes, pharmaciens, organismes d'aide sociale, de réinsertion... ;

→ l'hôpital avec notamment les équipes de liaison et de soins en addictologie (Elsa), les unités spécialisées comme les unités « méthadone »... ;

→ les structures médico-sociales spécialisées : les Centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) et les Centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue (CAARUD).

Les CSAPA

→ Ils remplacent les Centres spécialisés de soins aux toxicomanes (CSST) et les Centres de cure ambulatoire en alcoologie (CCAA) en les rassemblant sous un statut juridique commun.

→ Les CSAPA s'adressent aux personnes en difficulté avec leur consommation de substances psychoactives licites ou non (y compris tabac et médicaments détournés de leur usage), ainsi qu'aux personnes souffrant d'addictions sans substance (jeu pathologique...).

→ Proximité, pluridisciplinarité (professionnels de santé et travailleurs sociaux) et accompagnement dans la durée caractérisent ces structures.

→ Les CSPA peuvent être «spécialisés» (alcool, toxicomanie...).

→ Avantages : la personne rencontre différents intervenants, dont des travailleurs sociaux et des assistantes sociales qui permettent une prise en charge globale de la personne ; les médecins sont autorisés à prescrire la méthadone.

Les CAARUD

Ce sont des établissements médico-sociaux financés par l'Assurance maladie. Ils assurent l'accueil des usagers de drogue, proposent du matériel de prévention des infections, soutiennent l'accès aux soins, interviennent à l'extérieur pour entrer en contact avec les usagers...

→ Avantages : ce sont des structures de «bas seuil» ou de première ligne qui visent à reconstruire une base d'adhésion aux règles de la vie sociale en redonnant l'usage de biens et de services collectifs aux usagers de drogues les plus marginalisés.

EN PRATIQUE

« La prise en charge d'un patient dépendant aux opiacés est un chemin qui se fait au moins à deux, l'usager et le praticien, et les autres personnes de l'entourage, de l'environnement familial et professionnel. Les liens sont rarement neutres », souligne le Dr Didier Bry, médecin de Resad 84 (Vaucluse).

Phase initiale

→ Les conduites addictives, les antécédents médico-psychologiques et le statut socioprofessionnel sont repérés lors des premières consultations. La prescription d'un médicament de substitution n'est pas systématique et n'a pas forcément lieu dès la première fois : tout dépend de l'état du patient. « On ne propose pas de TSO à tout le monde et il peut valoir le coup de proposer autre chose, un autre accompagnement à quelqu'un d'assez jeune, récemment entré dans la dépendance sans critère de chronicisation et qui n'a pas multiplié les tentatives de sevrage », précise Jean-Pierre Couteron, président de l'Anitea (Association nationale des intervenants en toxicomanie et addictologie).

→ Le patient est vu idéalement tous les jours ou tous les 2 jours, puis toutes les semaines jusqu'à stabilisation de l'état et de la situation.

→ Les différentes aides (entretiens motivationnels, suivi psychothérapique...) ne sont pas systématiques mais adaptées au patient et à son projet de vie.

Phase d'entretien

Le patient est vu tous les mois ou tous les 15 jours, d'une part en raison des prescriptions, et d'autre part pour évaluer le chemin accompli. « L'un des avantages des réseaux de soins comme Resad 84 est le bilan que nous faisons tous les 6 mois de chaque personne suivie. Ce bilan permet de reposer les problèmes. Il est important de se donner des temps systématiques pour une évaluation, ce que ne permet pas toujours la médecine de ville où peut s'installer la routine », pointe le Dr Didier Bry, médecin coordonnateur de Resad 84 (Vaucluse).

Ensuite, le chemin vers un mode de vie sans substance se fait, émaillé ou non de rechute, mais on doit encourager tout patient à ne pas s'égarer dans la nature et à consulter rapidement si sa conduite «dérape».

Point de vue...

« Les traitements de substitution ont une double logique »

Jean-Pierre Couteron, président de l'Anitea (voir la partie Bibliographie en page 50)

« Les traitements de substitution permettent de dégager la personne de la prégnance du manque - lourd, avec les opiacés - et de travailler sur la réduction des risques associés (transmission du VIH, du VHC...). En échange de l'apaisement et de la prise de distance qui vont permettre le contrôle de la dépendance, la personne peut alors s'occuper d'elle autrement. Certains auront besoin d'être aidés pour faire ce travail, d'autres, parce qu'ils ont plus de cartes en main dès le départ, pourront le faire seuls dès lors qu'ils ont récupéré du temps et de l'énergie. Il est indispensable d'évaluer le niveau de dépendance et celui de l'attachement à un style de vie lors du premier contact, puis de faire des réévaluations tout au long du chemin de la prise en charge. »