Quels moyens pour redresser la barre ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 252 du 01/10/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 252 du 01/10/2009

 

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Désormais, les infirmières libérales peuvent bénéficier, comme toute entreprise, de procédures qui permettent d'être «sauvegardées». Des dispositifs censés prévenir la fermeture du cabinet et mieux protéger la libérale. Condition première pour en bénéficier : réagir à temps, c'est-à-dire avant d'être en cessation de paiement. Un réflexe incompatible avec la politique de l'autruche qui compte quelques adeptes...

Une nouvelle infirmière qui s'installe à proximité, une réduction volontaire de son activité ou encore une baisse des cotations décidée par l'Assurance maladie, et les recettes peuvent diminuer. Conséquence : les dépenses auxquelles on a à faire face peuvent être trop importantes pour être assumées si on n'a pas été assez prévoyant. « Nous constatons qu'une des raisons principales entraînant des difficultés financières est l'accident de la vie, souligne Bechir Chebbah, président de l'Union nationale des associations agréées (Unasa)* et expert-comptable. Il suffit alors que la professionnelle n'ait pas souscrit de couverture perte d'exploitation pour pouvoir assumer le paiement des frais généraux ou de couverture perte de revenus, ou alors que ces contrats n'aient pas été adaptés à l'évolution de son chiffre d'affaires. Une maladie ou un accident peuvent entraîner des retards de paiement des cotisations par exemple. Toute difficulté, quelle qu'en soit la raison, doit motiver une demande d'aide au plus vite. Malheureusement, souvent, les professionnelles ne voient pas l'intérêt de solliciter très vite un conseil... »

La loi du 26 juillet 2005, appliquée depuis le 1er janvier 2006, devrait inciter les infirmières libérales à adopter un comportement réactif car elle leur permet d'organiser le sauvetage de leur activité.

Éviter l'arrêt de l'actif

« Les infirmières libérales doivent utiliser ces procédures collectives », considère le président de l'Unasa. « Avant la loi de 2005, les libérales étaient obligées de payer toutes leurs dettes sans possibilité de distinguer actifs professionnels et actifs personnels. Leur seule possibilité était de se mettre en faillite personnelle. Une fois vendus tous leurs actifs professionnels mais aussi personnels, elles restaient redevables jusqu'à l'extinction complète de leur dette. Cela aboutissait très souvent à une liquidation de leur activité, soit l'arrêt de leur activité. Il y avait là une incohérence vis-à-vis d'autres professionnels qui sont en société. Il n'est pas normal qu'une personne se retrouve sans rien à cause d'un événement non volontaire », explique Bechir Chebbah.

L'extension des procédures collectives aux libéraux a donc pour but de corriger cette inégalité. Les débiteurs - et eux seuls - sont invités à mettre en place au plus tôt, c'est-à-dire dès l'apparition des premières difficultés de paiement, des procédures pour traiter les difficultés rencontrées dans leur exercice professionnel en vue d'aboutir à la poursuite de leur activité.

Procédure de conciliation

Première action possible : demander l'ouverture d'une procédure de conciliation en saisissant le président du tribunal de grande instance (TGI) de son lieu d'exercice. Pour cela, il faut « éprouver une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible », selon l'article L.611-4 de la loi du 26 juillet 2005, et déposer une demande faisant état de sa situation économique, sociale et financière, de ses besoins de financement et des moyens pour y faire face. Au regard de ces informations, le président du TGI peut suspendre les poursuites engagées pour des dettes nées avant l'ouverture de cette procédure...

Seconde condition : il ne faut pas se trouver en cessation de paiements depuis plus de 45 jours. « Cela signifie que l'actif disponible (y compris personnel) peut encore couvrir le passif », explique Christophe Della Guardia, responsable des professions libérales au sein du groupe d'expertise comptable In Extenso Grenoble. Le magistrat nomme alors un conciliateur pour une durée de quatre mois, prolongeable d'un mois. « La mission de ce dernier est de favoriser le dialogue entre le débiteur et les créanciers », souligne Christophe Della Guardia. Objectif : négocier un échelonnement du paiement des dettes. « Les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, (...), peuvent alors consentir des remises de dettes », prévoit l'article 611-7. « L'Urssaf a tendance à accepter un échelonnement des dettes et même souvent une remise gracieuse des pénalités lorsqu'elle est demandée par courrier », constate Christophe Della Guardia. Mais si aucun accord n'est possible, la procédure de conciliation prend fin.

Procédure de sauvegarde

La loi de juillet 2005 institue alors une deuxième procédure préventive : la procédure de sauvegarde. Ouverte là encore sur demande du débiteur, elle se justifie par des « difficultés, que [le demandeur] n'est pas en mesure de surmonter, de nature à le conduire à la cessation des paiements ». Il faut donc ne pas être en cessation de paiements. Les poursuites pour des dettes contractées avant l'ouverture de la procédure sont cette fois-ci automatiquement suspendues. Pour décider d'une telle mesure, le tribunal entend non seulement l'infirmière mais aussi un représentant de l'ordre infirmier dont l'intervention est prévue dans la loi. La procédure n'est donc plus réellement confidentielle. Durant une période de six mois, les créanciers sont sollicités pour remettre tout ou partie des dettes. Un plan de sauvegarde est arrêté par jugement. Mais, en cas d'échec, il reste l'ouverture d'une procédure collective.

C'est encore une nouveauté pour les infirmières. En situation de cessation de paiement, une déclaration de mise en redressement judiciaire doit être effectuée par l'infirmière elle-même et au plus tard dans les 45 jours qui suivent la cessation de paiement. Au terme de la conciliation, le tribunal peut lui aussi déclarer un redressement s'il s'avère que le professionnel est en cessation de paiement. Enfin, si aucune procédure de conciliation n'est en cours, un créancier peut demander la mise en redressement de l'infirmière. Si ce n'est pas possible, une procédure de liquidation est engagée. L'infirmière ne peut alors plus exercer en libéral.

*L'Unasa fédère plus de 75 associations de gestion agréées et environ 170 000 adhérents.

CONSEILS Pour éviter to ute procédure...

Le recul sur l'application de la loi est encore insuffisant pour savoir si les procédures préventives vont être utilisées par les infirmières. Maigre indice collecté : l'ordre infirmier de Gironde a reçu sur un an plus d'une trentaine de courriers de la part des tribunaux faisant état de procédures engagées à l'encontre d'infirmières, selon François Berger, membre de l'ordre départemental. Ces notifications font état de situation de non-paiement de cotisations retraite ou de l'Urssaf... Logique pour Christophe Della Guardia, du groupe d'expertise comptable In Extenso : « L'essentiel des charges des infirmières est constitué par les charges sociales personnelles obligatoires et la CSG. Il faut veiller à ne pas se faire piéger par la régula-risation à N+2 ou à N+3. C'est de là que peut survenir un problème. » Le conseil prodigué par Bechir Chebbah, président de l'Unasa, va dans le même sens : « Il faut anticiper le paiement de ces cotisations sociales et aussi de l'impôt sur le revenu en mettant par exemple sur 100 euros de recettes tel montant de côté. » À noter que les CPAM auraient de plus en plus tendance à recourir contre les infirmières libérales, selon la juriste d'un syndicat. « Une légère gestion prévision-nelle permet de prévoir les dépenses », note quant à elle Martine Dubus, avocat conseil. Avant d'ajouter : « Encore faut-il être vigilant du côté des dépenses privées ! »

À retenir

- Les procédures de conciliation et de sauvegarde peuvent être engagées par les infirmières libérales en cas de difficulté financière avérée ou prévisible dans le but d'améliorer la situation et de poursuivre son activité.

- Préférer toujours la demande de conseil et d'aide plutôt que la politique de l'autruche !

- Même si la comptabilité des infirmières libérales (recettes/ dépenses) ne fait pas apparaître clairement, à travers un bilan actif/passif, les éventuelles difficultés, son analyse par un spécialiste doit servir d'alerte.