La décharge - L'Infirmière Libérale Magazine n° 253 du 01/11/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 253 du 01/11/2009

 

Cahier de formation

Savoir faire

Monsieur N. a un mal perforant plantaire pour lequel le centre hospitalier a mis en place une botte de marche et prescrit une chaussure de Barouk pour la nuit. Il ne comprend pas pourquoi et se demande comment marcher avec cette Barouk.

Vous lui rappelez l'importance de la décharge pour la cicatrisation : 5 pas retardent la cicatrisation de 3 ou 4 jours. La chaussure de Barouk se met plus facilement la nuit pour faire quelques pas, par exemple pour aller uriner. Pour marcher avec, bloquer le genou côté pied avec Barouk et talonner. Ne pas dérouler le pas.

LA PLACE DE LA DÉCHARGE

La décharge consiste à éviter toute contrainte mécanique au niveau de la plaie. Elle est essentielle pour la cicatrisation. Une plaie non déchargée est une plaie non traitée. Plusieurs moyens et techniques sont proposés selon la localisation de la plaie et les possibilités du patient (cf. arbre décisionnel page ci-contre).

LES MOYENS DE DÉCHARGE

Alitement

Il s'agit d'une solution radicale mais difficile à faire accepter, surtout sur une période prolongée. Une hospitalisation ou un centre de soins de suite peuvent s'avérer vital pour la cicatrisation.

Aides à la marche

Cannes, béquilles et déambulateur : difficiles à mettre en pratique chez le diabétique neuropathique en raison des troubles sensitifs.

Fauteuils roulants : utiles en cas de lésions bilatérales ou en l'absence d'autres solutions.

Inconvénients : encombrement, appui sur les pieds lors des transferts.

Les chaussures de décharge

Les chaussures thérapeutiques à usage temporaire (CHUT) déchargent électivement une partie du pied tout en permettant quelques pas. Il ne s'agit pas de chaussures de marche.

Prise en charge assurée en cas de pathologie ou de lésions d'origine post-chirugicale, traumatique ou médicale, elle est délivrée à l'unité ou par paire et remboursée sur la base de 30,49 euros l'unité (dépassement possible).

On distingue les CHUT :

à décharge de l'avant-pied ou «chaussures de Barouk» : pour une plaie à l'avant du pied. Le patient marche sur le talon, sans aucun appui sur l'avant-pied lorsque les orthèses sont ouvertes, soit avec un appui minimisé lorsqu'elles sont fermées. Modèles : simple, avec semelles prolongées (OrthoWedge , Barouk prolongée...). Inconvénient : instabilité à la marche (hauteur du talon). Elles nécessitent des conseils pour la marche (talonner en bloquant le genou) ;

à décharge du talon (chaussure Sanital, Teraheel de Neut). Elle met le talon en décharge lors d'une plaie postéro-talonnière mais n'évite pas toujours totalement l'appui.

pour augmentation du volume de l'avant-pied (Orthop USA®). Indiquée dans les plaies dorsales des orteils. On peut également faire artisanalement une simple incision en croix en regard de la plaie sur la tige d'une chaussure sans trop la destructurer....

Les bottes

Amovibles pneumatiques (Aircast®)

Les pressions lors de la marche se répartissent équitablement sur toute la surface plantaire du pied et une grande partie est dissipée vers le haut grâce à la hauteur et la rigidité de la botte.

L'adhésion et l'éducation du patient sont indispensables. Cette attelle est prise en charge à la LPP sur la base de 64,40 euros, ce qui est peu par rapport à leur coût (aux alentours de 250 euros).

Non amovibles

En plâtre ou en résine, elles englobent tout le pied pour monter jusqu'au-dessous du genou. Il existe les bottes à contact total (BCT) qui doivent être enlevées tous les 8 à 10 jours puis refaites et les bottes fenêtrées avec une ouverture en regard de l'ulcération. Le fenêtrage permet l'inspection de la plaie et la botte n'est retirée que lorsque la plaie est cicatrisée. Ces bottes sont contre-indiquées en cas d'ischémie et d'infection.

Elles nécessitent un suivi rigoureux et une expertise pour la confection (centre expert).

Autres moyens

Orthèse à appui sous-rotulien (même principe que l'Aircast® mais décharge augmentée), bottine et chausson amovible à type de chausson de Ransart (chausson moulé sur le pied et fenêtré en regard de la plaie plantaire)...

Point de vue...

« La chaussure de décharge est un «pansement chaussure» qui peut sauver le pied »

Dr Georges Ha Van, praticien de médecine physique et podologue, spécialisé en diabétologie, coordonnateur de l'unité de podologie du CHU Pitié-Salpêtrière (Paris), co-responsable du DU Pied diabétique de Paris

« Une plaie n'est pas une maladie chronique. Un mal perforant plantaire sur un pied non artéritique et en l'absence d'ostéite met 6 à 8 semaines pour cicatriser sous réserve d'une décharge stricte. Une plaie qui subit une hyperpression et des forces de cisaillement régulières lors de la marche ne peut pas cicatriser. C'est une erreur colossale de faire marcher, même un artéritique dont la marche simple n'a jamais amélioré l'état (un réentraînement à l'effort, oui). On ne doit pas présenter une chaussure de Barouk comme une chaussure de marche mais comme un «pansement chaussure» qui aide à la cicatrisation et peut sauver le pied. Plus on empêche les gens de marcher, plus on sauve de pied. »