QUELLE PLACE POUR LES INFIRMIÈR ES LIBÉRALES ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 253 du 01/11/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 253 du 01/11/2009

 

Agences régionales de santé :

Le débat

Philippe Boutin

Président de la conférence nationale des présidents d'Unions régionales de médecins libéraux (URML)

Que changeront les ARS à l'exercice quotidien des professionnels libéraux ?

Je ne pense pas que cela changera quoi que ce soit. Les ARS sont une restructuration de l'existant, sans changement dans l'organisation des services. Mais la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) permet une évolution des professions par le biais d'expérimentations, de signatures régionales sur des sujets ponctuels.

Les missions confiées aux infirmières pourraient-elles évoluer ?

Effectivement, dans la mesure où les ARS couvriront le champ du médico-social, il y aura sans doute matière à travailler avec les structures de ce secteur. Mais la prudence est nécessaire. Il faudra faire attention à la continuité territoriale d'une région à l'autre. On constate déjà que les problèmes de démographie des professionnels de santé se posent surtout aux frontières des régions. Attention donc à ce que des choses mises en place dans certaines régions ne soient pas opposées à ce qui se fait dans la région d'à côté. On ne pourra pas demander à des professionnels de santé de travailler de trois manières différentes à quelques dizaines de kilomètres de distance, entre Guéret, Montluçon et Bourges par exemple.

Sur quels types de sujets les ARS tenteront-elles de contractualiser avec les professionnels de santé ?

La démographie, la permanence des soins ou la continuité des soins, sans aucun doute. Il existe aussi déjà des choses qui marchent en matière de délégation de tâches ou en tout cas de travail en coopération dans les régions. Il faudra veiller cependant à ce qu'on ne mette pas en place des modèles avec, dans l'esprit, une hiérarchisation dans l'échelle décisionnelle. Nous sommes des professionnels libéraux, chacun doit pouvoir être en mesure de conserver ses prérogatives. Il y a des façons de travailler qui respectent totalement les uns et les autres et permettent de faire durablement avancer les choses en matière de santé publique.

La loi HPST met en place des Unions régionales des professionnels de santé (URPS). Quelle place y trouveront les infirmières ? Les professionnels de santé libéraux semblent craindre une mainmise des médecins sur ces structures. Comment leur garantir l'inverse ?

Je ne vois pas pourquoi nous, les médecins, aurions la mainmise sur ces structures. Je n'ai aucune légitimité à parler au nom des infirmières. Par ailleurs, dans l'état actuel des choses, les missions des URPS ne sont pas définies et les décrets ne sont pas sortis.

Gérard Bapt

Député socialiste de Haute-Garonne, rapporteur spécial de la commission des finances sur la santé, cardiologue

Que changeront les ARS à l'exercice quotidien des professionnels libéraux ?

La place de l'infirmière libérale doit être valorisée et enrichie dans son contenu. Elle doit notamment trouver sa place dans le cadre du parcours de soin coordonné. Elle a un rôle à jouer dans l'aide à l'observance, l'éducation thérapeutique, par exemple. Les agences régionales de santé pourront à mon sens faciliter cette évolution de leur métier. Sans oublier que cette nouvelle organisation régionale permet le continuum entre l'hôpital et la ville. Je me permets enfin de rappeler qu'en 2004, mon groupe politique avait plaidé pour une telle organisation de la santé. On nous avait alors rétorqué que c'était trop tôt.

Dans la mesure où les ARS couvriront le champ du médico-social, les missions confiées aux infirmières pourraient-elles évoluer ?

On voit bien la place que les infirmières occupent déjà dans l'organisation des réseaux, par exemple en cancérologie. Elles savent coordonner. Dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), on constate souvent des difficultés de coordination entre les médecins traitants des personnes âgées et les médecins coordonnateurs de ces établissements. On devrait donc pouvoir avoir des infirmières coordinatrices, avec un statut qui serait certes salarié, mais revalorisé.

Sur quels types de sujets les ARS tenteront-elles de contractualiser avec les professionnels de santé ?

Dans ma circonscription, des infirmières libérales, une assistante sociale, un médecin généraliste et un oncologue veulent expérimenter l'organisation d'un meilleur retour à domicile après hospitalisation lourde. L'infirmière y aura un rôle primordial et l'ARS sera le bon échelon pour mettre en place un tel projet. Les ARS valideront les protocoles des professionnels de santé mais elles ne sauraient en être les promoteurs.