Dépenser plus pour continuer à panser - L'Infirmière Libérale Magazine n° 254 du 01/12/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 254 du 01/12/2009

 

PROFESSION

Actualité

DISPOSITIF MÉDICAL > Entre les annonces officielles et les déclarations plus officieuses, l'éventuel déremboursement des sets de pansements soulève un tollé parmi les soignants. Intox ou réalité ? La vérité semble se situer à mi-chemin.

Les réactions s'enchaînent à Paris et en Province. Depuis la campagne menée par les délégués à l'Assurance maladie (DAM) cet été dans les cabinets des médecins et des Idel, les syndicats infirmiers s'activent pour sauver les sets de pansements. En tête des frondeurs, la Fédération nationale infirmière (FNI) a adressé une lettre ouverte à la ministre de la Santé, le 23 octobre, pour dénoncer plusieurs messages délivrés par les DAM « portant atteinte aux intérêts des patients ». D'après la FNI, « ils ont également semé le trouble parmi les professionnels de santé concernés par l'annonce du déremboursement sous forme de set des dispositifs nécessaires à la réalisation des pansements à domicile ».

Faute de réponse des services de Roselyne Bachelot jusqu'à la mi-novembre*, l'organisation syndicale sonne le tocsin. « Nous avons demandé un moratoire pour qu'aucune décision ne soit prise de façon arbitraire, martèle Philippe Tisserand, président de la FNI. Car les sets à pansements constituent un matériel indispensable à la conduite de soins en ville. » Et ce dernier de renvoyer la ministre à ses responsabilités : « Il appartient au gouvernement de garantir la sécurité des soins. » Le terme est lâché. C'est bien la crainte qui se propage parmi les professionnels. Va-t-il falloir reprendre les vieilles méthodes de stérilisation, au risque de négliger les règles sanitaires en vigueur ? Impossible. Entre le temps qu'il faudrait y passer et le retour en arrière que cela représenterait, les syndicats se montrent unanimes : les matériels à usage unique sont désormais indispensables.

Date butoir ou pas ?

« La communication des DAM laisse entendre qu'ils ne seraient plus remboursés au 1er janvier 2010 sans concertation préalable, ni avec les organisations représentatives de la profession, ni avec les autres prescripteurs, les pharmaciens d'officine et les industriels concernés », déplore la FNI. Même écho pour Convergence infirmière et le Syndicat des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) qui ont également entendu parler d'une date butoire située entre fin 2009 et début 2010. Faux, rétorque la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) qui se défend d'avoir posé un quelconque ultimatum (cf. ci-contre). « Nos DAM ont mené une campagne de juin à septembre 2009 auprès des médecins et des infirmières », admet Jocelyn Courtois, responsable à l'Assurance maladie, avant d'ajouter que « les réactions ont été en majorité plutôt favorables ». Reste à savoir à quel propos...

Des coûts plus élevés

En effet, aucun des syndicats interrogés par L'Infirmière libérale magazine ne conteste une démarche visant à éviter le gâchis. Tous, en revanche, s'opposent à un déremboursement. Poussant le raisonnement à l'extrême, la FNI estime que « le résultat de cette action, sans concertation, pourrait en outre conduire à un recours systématique à l'hospitalisation à domicile pour de simples pansements ». De quoi engendrer des coûts nettement supérieurs au petit matériel fourni en sus dans les sets. Au pire, les prescriptions devront désormais énumérer tout ce qui compose un set de pansements. « Si l'on veut que l'Assurance maladie ne se rende compte de rien, il suffit de détailler sa prescription, juge Catherine Kirnidis, secrétaire générale du Sniil. C'est ce que nous allons conseiller à nos adhérents. » De quoi contenter la Cnamts qui préconise également une telle démarche. Tant pis pour le petit matériel non remboursable en temps normal mais «offert» jusqu'à présent par les fournisseurs de sets. De deux choses l'une : soit il faudra s'en passer, soit quelqu'un d'autre devra le payer...

*Notre rédaction a exprimé une demande d'entretien. En vain.

3 questions à

Jocelyn Courtois, responsable du développement des produits de santé à la Cnamts

Que préconise la Cnamts concernant les sets à pansement ? À la rentrée, l'Assurance maladie a fait une demande au ministère afin de ne plus rembourser les kits de pansements rassemblant plusieurs codes LPP (liste des produits et prestations). Nous voulons effectuer une transition en douceur. Nous continuerons donc à rembourser d'autant plus facilement que les prescripteurs préciseront leurs prescriptions. Les sets de pansements ne sont pas inscrits dans la LPP : ils ne sont pas remboursables en tant que tels.

Que visez-vous en lançant une campagne auprès des professionnels ? Notre objectif est de favoriser le bon usage des pansements primaires (ou techniques). Les médecins et infirmières doivent prescrire des types de pansement, des tailles et une durée de traitement adaptés à l'état de la plaie. Mais il n'y a pas de date butoir [concernant un éventuel déremboursement des sets, ndrl].

Quelles seront les conditions de remboursements des sets ? Nous souhaitons que la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (Cnedimts) donne des indications et des recommandations d'utilisation pour chaque catégorie de sets de pansements.

Qui va payer ?

Alors qu'aucune décision n'est encore annoncée, certains Idel craignent déjà de devoir supporter les coûts liés à l'éventuel déremboursement des sets. « Dans les textes, il y a effectivement deux petites lignes indiquant que l'infirmier fournit le matériel nécessaire à la réalisation des soins », note Philippe Tisserand, président de la FNI. Mais pas question d'accepter de nouvelles charges. « Nous n'avons à jouer ni les arbitres, ni les victimes », fulmine Marcel Affergan, président de Convergence infirmière. D'autant que « pour les produits injectables, on ne se pose pas de problème », comme le rappelle Philippe Tisserand. « Or ils sont vendus par les laboratoires dans des seringues préremplies ! » Pour l'heure, la bataille se joue encore au niveau de l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS). « Un groupe de travail planche là-dessus, observe Catherine Kirnidis, secrétaire générale du Sniil. Quant à nous, nous préparons des propositions. » Ce qui impliquerait des adaptations de la part des industriels. Jocelyn Courtois, chargé de ce dossier pour la Cnamts, se satisfait des discussions à l'UNPS : ce serait « sur la bonne voie ». Mais laquelle ?

EN CHIFFRES

→ 12 types de pansements ont été évalués par la Haute Autorité de santé (HAS). Elle émet une série de recommandations sur leur utilisation, constatant que « le praticien manque d'informations fiables pour prescrire les pansements les mieux adaptés ». Document téléchargeable sur : .