DISPOSITIF DE VIGILANCE SUR LEUR CONSOMMATION - L'Infirmière Libérale Magazine n° 254 du 01/12/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 254 du 01/12/2009

 

Compléments alimentaires :

Le débat

L'Afssa vient de lancer son dispositif de vigilance autour des compléments alimentaires. Les professionnels de santé sont invités à lui faire part de tout effet délétère des compléments alimentaires constaté chez leurs patients.

Dr Jean-Claude Pawlak

Médecin nutritionniste, directeur de la succursale française de Safetynat

L'Agence de sécurité sanitaire des aliments s'inquiète des effets néfastes potentiels des compléments alimentaires. Qu'en pensez-vous ?

S'il est légitime de s'interroger sur les effets de n'importe quel produit, on peut se demander ce qui se cache derrière cette enquête de l'Afssa... Le complément alimentaire n'est pas une molécule chimique, c'est un produit de consommation nutritionnelle. Mais on peut se demander si la composition affichée de ces produits est vraie. Or la répression des fraudes fait déjà ce travail. Il est certain qu'il y a eu des études troublantes, comme celle sur le bêta-carotène qui montrait qu'il augmentait le nombre d'apparitions de cancers du poumon chez les fumeurs. Mais c'est la seule étude randomisée qui existe et, bizarrement, l'Afssa la met en avant.

Faut-il différencier les médicaments qui sont en accès libre, vendus sur Internet par exemple, de ceux qui sont prescrits par les médecins, en cas de carences avérées chez leurs patients ?

Le problème réside plutôt dans l'honnêteté de la fabrication. Un produit acheté sur Internet dans un pays étranger va échapper au contrôle de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Si ce n'est pas un produit frelaté, le complément alimentaire reste - j'insiste - un aliment. Il est donc sans danger. Qui a intérêt à mettre sur le marché un produit toxique ? Est-il toxique de se supplémenter nutritionnellement ? Est-ce que l'on se rend malade en mangeant trop de carottes ?

Justement, le problème ne vient-il pas du fait de l'apparence inoffensive de ces produits, à la différence des médicaments ?

Il faut rappeler que ces compléments se consomment à des doses alimentaires. Évidemment, l'auto-prescription effrénée peut entraîner de l'auto-intoxication mais ce n'est pas l'esprit des compléments alimentaires.

Dans ce cas, ne faut-il pas véhiculer des règles de bonne pratique de consommation et communiquer sur les effets indésirables potentiels liés à une surconsommation ?

Des tas de précautions sont déjà prises sur les étiquettes des produits mais on ne peut pas s'assurer que le consommateur les lit. Il faudrait peut-être que les supplémentations soient contrôlées par un nutritionniste. Et créer un site Internet suffisamment documenté, pourquoi pas sous l'égide de l'Afssa, afin d'aider les consommateurs à y voir plus clair.

Marie Favrot

Directrice de la direction de l'évaluation des risques alimentaires et sanitaires à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments

Quelle est l'origine de ce dispositif ?

Depuis presque un an, nous avions engagé des discussions avec la Direction générale de la santé sur la mise en place d'un dispositif de vigilance. La loi HPST, en outre, confie à l'Afssa la mise en oeuvre d'un tel système. Nous observons des modifications de consommation de la population qui a introduit de manière importante des compléments alimentaires dans son alimentation : un adulte sur cinq et un enfant sur dix en prennent. Parmi eux, un dixième en consomme au long cours, tout au long de l'année. Sans parler d'éventuels accidents. Il est donc légitime de s'intéresser à ce type de produits.

Faut-il différencier les compléments alimentaires en accès libre et/ou vendus sur Internet de ceux pouvant être prescrits par des médecins ?

Il y a quelques indications de compléments alimentaires qui relèvent du conseil médical chez les enfants, les femmes enceintes ou les personnes âgées par exemple. Pour le reste, ces produits sont considérés depuis une directive européenne du 10 juin 2002 comme des aliments. Cela étant, il faut garder à l'esprit que l'alimentation en France est suffisamment variée pour que la population n'ait pas besoin de recourir à de tels produits.

La problématique ne vient-elle pas de l'apparence inoffensive de ces produits ?

Les compléments alimentaires sont des denrées très particulières, très concentrées. De ce fait, elles ne sont pas anodines. Il peut y avoir des risques de surdosages, notamment.

Faut-il envisager de réglementer ou de légiférer sur ces produits ? Faut-il communiquer sur les dangers potentiels ?

Les recommandations de l'Afssa ont pour objectif d'encourager le consommateur à avoir une alimentation équilibrée et diversifiée. Si notre dispositif de vigilance identifie de réels effets indésirables, ce sont nos ministères de tutelle qui prendront les mesures de gestion. La mise en place d'une campagne d'information pourrait en être une. Mais c'est encore trop tôt. Le dispositif de vigilance est un système pérenne. Nous allons analyser les déclarations qui nous seront faites par les professionnels de santé et des décisions seront prises en conséquence.