Guider les futurs parents jusqu'à l'arrivée de bébé - L'Infirmière Libérale Magazine n° 254 du 01/12/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 254 du 01/12/2009

 

Christelle Ruyant, sage-femme libérale

La vie des autres

Si peu de sages-femmes exercent en libéral, c'est pourtant le choix qu'a fait Christelle Ruyant, installée à Roubaix, pour tisser avec les futurs parents une relation de confiance sur la durée et leur permettre d'accueillir au mieux leur bébé.

Il s'en est fallu de peu pour que Christelle Ruyant devienne architecte. Mais elle qui s'y préparait en suivant les cours de dessin des Beaux-Arts choisit finalement de repasser un bac scientifique pour embrasser les études de sage-femme, vantées par un frère médecin. En 1981, lorsqu'elle obtient son diplôme d'État, la question du mode d'exercice ne se posait pas : « À l'époque, il y avait très peu de libérales », se souvient-elle. Elle intègre la maternité de l'hôpital de Roubaix où elle réalise des accouchements, suit les futures mamans, accompagne les nouvelles accouchées durant leur séjour à la maternité... Un travail classique, somme toute. L'envie d'évoluer, d'être son «propre chef» et de travailler comme elle voulait se conjuguent pour la décider à s'installer en libéral en 2002.

Prendre le temps

Certes, elle n'assure plus de consultations pré- et post-natales et ne participe plus aux accouchement : « Mais ça ne me manque pas. J'ai fait ce choix et je l'ai fait au bon moment, estime Christelle Ruyant. J'avais envie de passer à une relation beaucoup plus longue avec les gens, d'être moins dans la technique et plus dans l'accompagnement, de passer plus de temps avec les femmes et les couples. En travaillant en libéral, j'ai eu l'impression de changer complètement de métier ! » Elle apprécie aussi de travailler dans le cabinet qu'elle a aménagé elle-même et de pouvoir organiser ses horaires, même si, comme pour les autres professionnels libéraux, l'amplitude horaire quotidienne est large. C'est surtout sa relation avec les femmes et leur conjoint qui s'est complètement modifiée puisque la prise en charge dure généralement plusieurs mois.

Christelle Ruyant reçoit la femme ou le couple pour un entretien individuel de grossesse d'une heure. Elle y aborde, en dehors des aspects médicaux et des notions d'hygiène de vie pendant la grossesse, « la façon dont le couple se prépare à accueillir le bébé, comment il est arrivé là. Il s'agit de voir comment le bébé est déjà investi par ses parents, s'il a déjà sa place dans les pensées de ses parents et s'il faut proposer un accompagnement particulier social ou psychologique », le cas échéant. La sage-femme s'enquiert aussi de la capacité de l'entourage familial à soutenir la future famille. Lorsqu'une grossesse à risque se profile, elle oriente vers une prise en charge adaptée.

Cet entretien peut ensuite déboucher sur la prise en charge prénatale qui s'organise en six cours de préparation à la naissance à raison de trois femmes par séance. Christelle Ruyant consacre un long moment au travail sur le corps. « Les femmes connaissent très mal leur corps et savent peu comment se déroule un accouchement », physiquement parlant. Lors des contractions, par exemple, « beaucoup résistent car elles ne comprennent pas le processus à l'oeuvre, souligne la sage-femme. Alors que l'accouchement, c'est une ouverture, il faut laisser les choses se faire et savoir à quoi correspondent les sensations ressenties... » Et d'ajouter : « La sophrologie permet de s'imaginer le déroulement de la naissance. Je fais travailler les femmes sur la relaxation, la visualisation, la respiration, les changements de posture... » Elle peut ainsi présenter le col de l'utérus comme la lourde porte d'un temple égyptien qu'il faut ouvrir au prix de gros efforts pour laisser le passage au trésor qu'il contient.

En prévision du jour J

La sage-femme organise pour les futurs parents une visite de la maternité qui leur permet de mieux appréhender le jour J, de s'imaginer et de se projeter dans les lieux. Au fil des salles, elle leur explique ce qui va se passer à chaque endroit, décrit les gestes qui seront pratiqués, les choses qui peuvent surprendre. « Tant que la naissance n'a pas eu lieu, tout peut intervenir et il faut être prêt à rencontrer le bébé, quelle que soit la façon dont la naissance se déroule », explique-t-elle.

Christelle Ruyant revoit parfois ses patientes pour la rééducation périnéale, mais d'autres la consultent exclusivement pour cela, même longtemps après leur accouchement. « C'est un temps très intime qui s'étend parfois sur dix séances, soulignet-elle. Il peut réconcilier les femmes avec cette zone de leur corps, voire la découvrir par le biais d'un toucher respectueux et apprendre ainsi à connaître leur intimité. »

Il lui reste encore un petit peu de temps pour réunir à part les futurs papas afin qu'ils partagent leur façon de vivre la grossesse de leur épouse et se projeter en tant que père. L'accueil des bébés par les mères et les pères, la transformation des couples, leur intimité et la grossesse continuent de passionner Christelle Ruyant qui passe en outre son temps libre à lire des ouvrages sur ce sujet. À ce moment-clé de leur existence, « le contact avec les gens est fantastique, s'émerveille-t-elle. Chaque personne m'apporte aussi quelque chose. D'autant que j'ai la chance de travailler avec des couples et des femmes de cultures différentes ».

*Entretien individuel, séances de préparation à la naissance et rééducation périnéale sont remboursés par la Sécurité sociale selon un barème.

Elle dit de vous !

« Je ne croise jamais d'infirmière libérale car je n'interviens à domicile que dans les cas, très rares, où les femmes sont dans l'incapacité de se déplacer au cabinet. Si certaines suivent des femmes enceintes, elles peuvent les orienter vers une sage-femme libérale lors de mal-être ou de manque de préparation à la naissance. Après l'accouchement, elles peuvent aussi être alertées si elles ont connaissance d'une incontinence ou d'une difficulté, sexuelle ou autre d'une de leurs patientes, et elles peuvent nous les adresser. De même si elles rencontrent des difficultés d'allaitement ou dans leur rôle de mère. Comme nous sommes libérales, nous sommes plutôt disponibles. »

SAGE-FEMME

Une profession indépendante

Plus de 17 000 sages-femmes exercent en France - dont seulement 1 % d'hommes - et environ 15 % d'entre elles seulement en libéral*. Leur formation commence par la première année des études de médecine et se poursuit pendant quatre ans dans une école de sage-femme agréée. Elle n'est cependant pas reconnue à bac+5 et les organisations professionnelles réclament son universitarisation.

La sage-femme dispose d'un droit de prescription pour les examens et médicaments nécessaires au bon déroulement de la grossesse et de la naissance. Elle est rémunérée à l'acte, ses honoraires étant encadrés par une convention nationale. Ses actes sont pris en charge à 100 % lorsqu'ils concernent la maternité. La profession est régie par un Code de déontologie en vigueur depuis 1991 et encadrée par un Ordre créé après-guerre. Elle est très attachée aux notions d'indépendance, de responsabilité et au caractère personnel de l'exercice du métier.

*Source : enquête Éco-santé régions et départements d'après les données Adeli de la Drees sur le site de l'union nationale des syndicats de sages-femmes.