LA RESPONSABILITÉ DE L'INFIRMIÈRE - L'Infirmière Libérale Magazine n° 254 du 01/12/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 254 du 01/12/2009

 

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Fiche pratique

La mise en cause de la responsabilité de l'infirmière libérale devant les instances disciplinaire de l'Ordre infirmier obéit à des règles de procédures strictes, tant en ce qui concerne le fondement de la plainte, les droits de la défense que l'organisation de l'audience ou le rendu de la décision.

Le dépôt de plainte

L'infirmière sera avisée de toute plainte émise à son égard devant les instances disciplinaires de l'Ordre infirmier. Rappelons que devant la commission de conciliation, la plainte déposée à l'encontre d'une infirmière libérale pourra certes émaner d'un patient ou de la famille de ce dernier, mais aussi d'une consoeur. Les faits susceptibles d'être reprochés à la praticienne pourront être ceux réalisés soit dans le cadre de son activité, soit extérieurs à son exercice professionnel, dès lors qu'ils porteraient atteintes à la dignité ou à la moralité de la profession. Toute plainte ne fera pas l'objet de poursuites. En effet, devant le conseil régional de l'Ordre, les présidents des chambres disciplinaires de première instance, qui sont des magistrats issus du corps des conseillers des tribunaux administratifs ou des cours administratives d'appel, auront le pouvoir de décider du caractère irrecevable d'une plainte (incompétence de leur juridiction, plainte infondée) sur la base de l'article R.4123-5 du Code de la Santé publique (CSP). Ils pourront donc ne pas y donner suite. Même si, selon les dires de l'Ordre national, un code de déontologie est en cours d'élaboration, n'oublions pas qu'ils existent des règles professionnelles (articles R.4312.1 à R.4312.49 du CSP), pouvant servir de fondement aux poursuites disciplinaires, indépendamment d'éventuelles poursuites judiciaires (pénales ou civiles).

La préparation de la défense

La bonne foi de l'infirmière poursuivie est présumée et il appartient à celui qui invoque une faute déontologique de la prouver. Si les faits ne sont pas établis, la plainte sera écartée. Il est vivement conseillé à l'infirmière de préparer sa défense : elle ne pourra pas se contenter d'invoquer sa bonne foi pour expliquer qu'elle ne connaît pas l'existence de telle règle déontologique ou de telle réglementation. Rappelons en effet le vieil adage selon lequel nul n'est censé ignorer la loi (CE 30 janvier 1987). Elle pourra se faire assister par une autre infirmière, un avocat ou les deux. Elle aura accès, tout comme ses éventuels conseils, à tout élément versé au dossier et ses propres pièces seront communiquées à la partie adverse, afin de respecter le principe du contradictoire. Le rapporteur désigné diligentera une enquête et pourra décider d'entendre toute personne susceptible d'éclairer la juridiction. L'infirmière et ses conseils pourront demander un complément d'information. La juridiction se forgera alors sa conviction au vu des pièces du dossier et des témoignages fournis.

La tenue de l'audience

Bien que la procédure devant les juridictions disciplinaires soit une procédure écrite (tous les faits et arguments doivent être consignés dans des mémoires), l'infirmière et ses éventuels conseillers seront entendus. C'est le président qui dirige les débats. Il donne tout d'abord la parole au rapporteur pour la lecture de son rapport. Il interroge ensuite l'intéressée. Tout membre de la formation disciplinaire peut poser des questions, avec l'autorisation du président. L'infirmière aura toujours la parole en dernier. Les instances disciplinaires ne sont pas tenues de consigner par écrit les observations orales. Par conséquent, si elle l'estime nécessaire, l'infirmière aura la possibilité d'adresser à la juridiction un mémoire en cours de délibéré, c'est-à-dire juste après l'audience et avant que la formation n'ait pris sa décision. Si l'infirmière régulièrement convoquée ne se présente pas, l'affaire peut être jugée sur pièces après audition du rapporteur. Toutefois, le jugement rendu sera alors susceptible d'opposition : l'infirmière pourra demander que son affaire soit rejugée en sa présence.

Le caractère exécutoire de la décision

Les décisions du conseil régional ne deviennent définitives que lorsque l'ensemble des personnes ou autorités auxquelles elles ont été notifiées, et qui peuvent former appel, se sont abstenues de le faire. Aucune disposition ne prévoit d'obligation, pour la section disciplinaire, d'informer l'infirmière que la décision est devenue définitive. Il appartiendra à cette dernière d'effectuer une démarche personnelle auprès du secrétariat du Conseil national, organisme habilité à recevoir les appels.

Véronique Sokoloff

Juriste en droit pénal et droit de la santé, formatrice en secteur libéral et hospitalier.