La sédation à domicile - L'Infirmière Libérale Magazine n° 254 du 01/12/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 254 du 01/12/2009

 

Une prise en charge

Cahier de formation

Le point sur

La sédation dans la pratique des soins palliatifs à domicile nécessite une démarche rigoureuse, à la fois éthique et clinique. Il est désormais possible de s'appuyer sur les recommandations de bonnes pratiques de la Sfap(1), exposées ci-dessous, issues d'un consensus formalisé d'experts.

Définition

La sédation est la recherche, par des moyens médicamenteux, d'une diminution de la vigilance pouvant aller jusqu'à la perte de conscience. Son but est de diminuer ou de faire disparaître la perception d'une situation vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les moyens disponibles et adaptés à cette situation ont pu lui être proposés et/ou mis en oeuvre sans pour autant permettre d'obtenir le soulagement escompté.

Les indications

Elles s'appliquent à des situations exceptionnelles, singulières et complexes, pendant la phase terminale ou/et en présence de symptômes réfractaires en phase palliative.

En phase terminale, il s'agit essentiellement de complications aiguës à risque vital immédiat telles que les hémorragies cataclysmiques, notamment extériorisées (sphère ORL, pulmonaire ou digestive) et les détresses respiratoires asphyxiques (sensation de mort imminente par étouffement avec réaction de panique).

Il est recommandé(2), pour le médecin, de rédiger une prescription anticipée lorsque la probabilité de la survenue d'une telle complication est élevée.

En phase palliative, un symptôme réfractaire peut être une indication de sédation intermittente ou transitoire. C'est le caractère «réfractaire» et la pénibilité du symptôme pour la personne malade qui justifient la sédation. En cas de demande de sédation par le patient lui-même, il est recommandé - sans mettre en cause le droit du patient au traitement de sa souffrance ni la légitimité de sa demande - de ne pas considérer la sédation comme une réponse obligée. La demande doit être écoutée et analysée. En tout état de cause, si besoin était, la décision de sédation devrait être prise selon les recommandations ci-dessus et relèverait de la seule responsabilité médicale.

Dans l'évolution de la maladie, si une souffrance à dominante psychologique ou existentielle devient réfractaire à une prise en charge adaptée, une sédation transitoire peut être proposée à la personne malade, après évaluations pluridisciplinaires répétées, dont celles d'un psychologue ou d'un psychiatre.

Les conditions nécessaires à domicile

Les conditions préalables suivantes sont nécessaires pour pouvoir réaliser une sédation dans certaines structures (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, etc.) et à domicile :

→ personnel référent, compétent en soins palliatifs, prévenu et joignable ;

→ disponibilité du médicament ou accessibilité d'une pharmacie hospitalière autorisée à la rétrocession de médicaments ;

→ disponibilité du médecin pour faire des visites régulières ;

→ possibilité d'un suivi infirmier régulier ;

→ possibilité de contacter un médecin ou un infirmier à tout moment ;

→ assentiment de l'entourage (famille, proches, auxiliaires de vie...) et une présence continue pour que la sédation ait lieu au domicile.

Si ces conditions ne sont pas remplies, la sédation ne doit pas être réalisée dans ces lieux. Un transfert en milieu hospitalier adapté doit être envisagé.

Des compétences à réunir

Les équipes doivent avoir une compétence en soins palliatifs (expérience, formations) pour pratiquer une sédation. Si cette compétence n'est pas présente, il y a nécessité de faire appel à des personnes ressources (équipe mobile d'accompagnement et de soins palliatifs, réseau de soins palliatifs, unité de soins palliatifs...). La prise de décision par le médecin en charge du patient fait suite à une procédure collégiale multidisciplinaire, intégrant le consentement du patient chaque fois qu'il est possible de le recueillir. Le patient doit être informé, avec tact et mesure, des objectifs, des modalités possibles, des conséquences et des risques de la sédation.

La tenue d'une réunion pour une procédure collégiale doit être possible quel que soit le lieu de soin (institution sanitaire, médico-sociale ou à domicile). Le médecin responsable de la décision de sédation s'assure de la compréhension par l'ensemble de l'équipe des objectifs visés par les thérapeutiques mises en oeuvre, les différenciant explicitement d'une pratique d'euthanasie.

L'induction et le suivi

Toute prescription anticipée de l'induction d'une sédation doit être personnalisée, nominative et systématiquement réévaluée. Le médicament de choix pour la sédation en phase terminale pour détresse est le midazolam (Hypnovel®). Indisponible en pharmacie d'officine, il peut faire l'objet d'une rétrocession par une pharmacie hospitalière ou un service d'hospitalisation à domicile (HAD).

La voie d'administration parentérale est recommandée (en intraveineuse, en sous-cutané), et l'administration du midazolam doit être débutée par une titration dont la dose totale nécessaire pour induire la sédation sera notée dans le dossier.

L'évaluation de la profondeur de la sédation se fait, chez l'adulte, toutes les 15 minutes pendant la première heure, puis au minimum deux fois par jour.

Quel que soit le lieu d'exercice, l'infirmière applique la prescription anticipée de sédation (protocole de soin personnalisé) :

→ dans les situations à risque vital immédiat, elle applique la prescription et appelle ensuite le médecin qui est tenu de se déplacer ;

→ dans les autres situations, elle appelle le médecin qui vérifie l'indication avec elle avant d'appliquer la prescription de sédation.

Pendant toute la durée de la sédation, la surveillance clinique, les soins de confort (nursing, soins de bouche, etc.) et l'accompagnement de la personne malade doivent être maintenus.

(1) Sfap : Société française d'accompagnement et de soins palliatifs. L'intégralité des recommandations La sédation pour détresse en phase terminale et dans des situations complexes est disponible sur .

(2) Toutes ces recommandations ont fait l'objet d'un accord professionnel fort.

La titration chez l'adulte

→ Le midazolam est préparé par une dilution dans du sérum physiologique pour obtenir une concentration de 1 mg par ml.

→ Elle débute par une injection de 1 mg toutes les 2 à 3 minutes (toutes les 5 à 6 minutes chez le sujet très âgé ou fragilisé) jusqu'à l'obtention d'un score de 4 sur l'échelle de Rudkin modifiée, utilisée pour l'évaluation de la sédation (le score 4 correspond à un patient avec les yeux fermés mais répondant à une stimulation tactile légère, comme une traction de l'oreille).

La famille, les proches

À domicile, l'assentiment de l'entourage est recherché pour mettre en oeuvre la sédation et le patient sédaté doit bénéficier d'une présence continue (proches, bénévoles, soignants, etc.). Pendant toute la durée de la sédation, le soutien et l'accompagnement des proches doivent être poursuivis, voire renforcés.

L'entourage ne réalise pas les gestes techniques de la sédation. À domicile, comme dans toute autre structure, seul un infirmier ou un médecin peut réaliser l'induction et les réévaluations régulières.

Les situations de détresses émotionnelles ou psychologiques vécues comme insupportables par les proches et/ou les professionnels de santé ne justifient pas, par elles-mêmes, la mise en place d'une sédation.