L'Infirmière Libérale Magazine n° 255 du 01/01/2010

 

Prévention

Cahier de formation

Le point sur

L'antiseptique idéal est efficace, facile d'emploi et si possible indolore. Voici les mécanismes d'action, indications et mode d'emploi des antiseptiques majeurs.

Antisepsie et désinfection

Définitions

L'antisepsie est « une opération au résultat momentané permettant au niveau des tissus vivants, dans la limite de leur tolérance, d'éliminer ou de tuer tous les microorganismes et/ou d'inactiver les virus. Le résultat de cette opération est limité aux microorganismes et/ou virus présents au moment de l'opération »(1).

Pour définir la désinfection, il suffit de remplacer «tissus vivants» par «milieux inertes contaminés».

Objectif de l'antisepsie

Le principal objectif de l'antisepsie est la prévention des infections dues à un microorganisme exogène et/ou commensal.

L'effet mécanique du lavage permet d'éliminer presque complètement la flore transitoire microbienne provenant de l'environnement extérieur ou des orifices naturels du patient. L'action antimicrobienne, rémanente ou persistante de l'antiseptique permet de réduire la flore commensale cutanée.

Les nuances

Parfois, le mot «désinfection» est réservé à la prévention sur peau saine : on parle ainsi de la désinfection des mains ou de la peau saine avant une injection. Le produit utilisé est soit un antiseptique, soit un biocide(2) (produit sans autorisation de mise sur le marché, AMM).

Le terme «antisepsie» s'applique au traitement sur peau lésée (antisepsie d'une plaie). Dans ce cas, le produit utilisé est toujours un médicament (avec AMM).

Les antiseptiques

Classification

Les antiseptiques sont classés selon leur famille chimique (biguanides, dérivés chlorés...) ou leur spectre d'activité.

Les dérivés iodés et chlorés sont dits «majeurs» car actifs sur les bactéries Gram+ et -, les champignons (iodés actifs sur Candida albicans en moins de 1 minute), les spores et les virus. Les biguanides (chlorhexidine) n'ont pas d'action sur les spores et sont moins efficaces sur les champignons, tout comme l'alcool éthylique à 70°, les ammoniums quaternaires et l'hexamidine.

→ Dérivés chlorés

Indications : antisepsie de la peau, des muqueuses et des plaies, brûlures légères ; AES (accident d'exposition au sang).Très bonne tolérance.

→ Dérivés iodés

Indications :

solution aqueuse : antisepsie de la peau du champ opératoire, affection de la peau et des muqueuses susceptibles de se surinfecter, antisepsie des plaies ou brûlures superficielles et peu étendues ;

scrubs : lavage antiseptique et chirurgical des mains, détersion et antisepsie de la peau et des muqueuses saines ou lésées.

Contre-indications : hypersensibilité à l'iode, en association avec les produits mercuriels, le nouveau-né, grossesse 2e et 3e trimestre, allaitement. Les réactions d'intolérance aux produits de contraste iodés ou d'anaphylaxie aux fruits de mer ne constituent pas une contre-indication.

Précautions : possible interférence avec les explorations fonctionnelles de la thyroïde. Teint la peau en brun (élimination facile à l'eau).

→ Chlorhexidine

Indications :

aqueuse : nettoyage et antisepsie des plaies et/ou brûlure superficielles et peu étendues (effet bactéricide et détergent) ;

alcoolique : antisepsie des plaies chirurgicales ou traumatiques, traitement des affections bactériennes ou susceptibles de se surinfecter, antisepsie de la peau saine avant acte de petite chirurgie ;

scrub : nettoyage et traitement de la peau dans les affections bactériennes ou susceptibles de se surinfecter, lavage antiseptique des mains.

Contre-indications : avec les anioniques, contact avec l'oeil et le conduit auditif (si le tympan est perforé), sur une surface étendue, les muqueuses ( solution alcoolique).

→ Alcool éthylique à 60-70°

Indications : antisepsie de la peau saine (injections intraveineuses, IV, intramusculaires, IM, et sous-cutanées, SC) et des plaies superficielles peu étendues, pansements alcooliques.

Contre-indications : pour les tests autoglycémiques, les 0-30 mois, prélèvement d'alcoolémie, porphyrie hépatique. Déconseillé sur plaies et muqueuses (irritant), chez les enfants et sur surface étendue.

→ Les ammoniums quaternaires

Bromure de dodeclonium (Sedaplaie), chlorure de benzalkonium, cétrimide (Cétavlon, Stérilène). À la fois détergents et bactéricides.

Indications : plaies et brûlures superficielles. Contre-indications : dans le conduit auditif, l'oeil et sur de grandes surfaces, avec les savons.

→ L'hexamidine

Hexamidine Gilbert, Hexaseptine, Hexomédine.

Indication : traitement d'appoint des infections cutanées.

Contre-indications : ne pas utiliser avant une injection et sur les muqueuses. Délai d'action important.

→ Dérivés mercuriels (Mercurescéine) 

Faible pouvoir antiseptique et toxicité de leur passage systémique.

→ Eau oxygénée (Dosoxygénée...)

→ Colorants (éosine, solution de Milian)

Sont desséchants, non antiseptiques (excepté l'éosine alcoolique en raison de l'alcool).

Principes d'utilisation

Un antiseptique s'utilise sur la peau et/ou les muqueuses et non pour désinfecter du matériel, sauf exception, notamment les surfaces en contact étroit avec le patient (tubulures et bouchon de perfusion...).

Un antiseptique est inhibé par les matières organiques, d'où la nécessité d'un nettoyage préalable avec un savon - antiseptique ou pas - suivi d'un rinçage soigneux et d'un séchage avant l'antisepsie. Aucune application, sauf avis médical, sur des zones étendues.

Respecter les dates de péremption (variables). Noter la date d'ouverture sur le flacon. En général, une solution alcoolique se conserve 1 mois. Les solutions aqueuses sont rapidement contaminées une fois ouvertes. Préférer les unidoses.

Ne pas toucher l'ouverture du flacon avec des doigts ou des objets souillés. Ne pas reconditionner.

À l'abri de la lumière et de chaleur.

Exemple de temps de contact : 1 minute pour la Bétadine ; 3 minutes pour le Dakin sur plaie ou mycose, 5 minutes pour les furoncles, 3 fois par jour 10 minutes pour les panaris, 30 secondes avant injection... Un antiseptique ne se rince pas, excepté chez les nourrissons et pour les scrubs (savon antiseptique). Laisser sécher à l'air libre, indispensable à son temps d'action, avant de recouvrir ou pas d'un pansement.

Ne jamais employer ou mélanger successivement 2 antiseptiques différents au risque d'inactivation ou de toxicité. Utiliser la même famille d'antiseptique si nécessité de plusieurs étapes d'antisepsie.

Exemple : lavage Betadine Scrub puis antisepsie avec Betadine dermique.

Érythème, dessèchement ou irritation sont possibles.

Les méthodes d'antisepsie

Deux méthodes d'antisepsie

Il existe deux méthodes selon le geste à pratiquer et l'existence de souillures.

→ Passage de l'antiseptique.

→ Laisser sécher.

→ Nettoyage (savon classique ou antiseptique de la même famille que l'antiseptique).

→ Rinçage (sérum physiologique ou eau stérile si geste invasif).

→ Séchage (avec compresse stérile si geste invasif).

→ Passage de l'antiseptique.

→ Laisser sécher.

Pour Biseptine (association de chlorhexidine, de chlorure de benzalkonium, légèrement détergent, d'alcool légèrement anesthésiant et analgésiant local), on peut suivre une méthode en 4 temps : nettoyage avec Biseptine, séchage, antisepsie avec Biseptine et séchage.

Les précautions

→ Aller du «plus propre» au «plus sale» : du point de ponction ou de la zone d'incision vers la périphérie ou de la périphérie vers le centre si le site est infecté ou fortement colonisé.

→ Ne pas repasser 2 fois au même endroit avec la même compresse.

Cas pratiques

Traitement de la peau saine

→ Par lavage : scrub (Betadine scrub ou Hibiscrub) + eau du robinet. Durée : au moins 30 secondes.

→ Par friction : 30 secondes avec gel ou solution hydroalcoolique sur mains sèches et non souillées.

Antisepsie 2 temps avec, au choix : alcool 70°, povidone iodée, hypochlorite de sodium, chlorhexidine alcoolique, Biseptine. Durée : 30 secondes.

→ Antisepsie 5 temps avec au choix : povidone iodée ou chlorhexidine (scrub et alcoolique).

→ Antisepsie 4 temps avec Biseptine. Durée : 1 minute.

Antisepsie 5 temps, précédée de douche antiseptique. Durée : 3 minutes.

Au choix : Bétadine10 % dermique ou 5 % alcoolique, chlorhexidine alcoolique à 5 %.

Antisepsie de la peau lésée

Toujours utiliser des solutions aqueuses.

L'antisepsie n'est pas toujours nécessaire en cas de plaie superficielle ou suturée. Sinon, utiliser au choix : povidone iodée, chlorhexidine aqueuse 0,05 % ou hypochlorite de sodium.

Antisepsie 5 temps avec, au choix : povidone iodée (scrub + aqueuse) ; eau oxygénée ou sérum physiologique + povidone iodée ou hypochlorite de sodium ou chlorhexidine aqueuse 0,05 % ; Hibiscrub + chlorhexidine aqueuse 0,05 % ; Biseptine + Biseptine.

Au choix : hypochlorite de sodium en applications répétées ; povidone iodée ; chlorhexidine aqueuse 0,05 % ; Biseptine.

→ Au choix : povidone iodée diluée au 1/10 ; chlorhexidine aqueuse 0,05 %.

→ Balnéation : chlorhexidine aqueuse 0,05 % ou povidone iodée diluée au 1/1 000 (dans eau stérile).

Antisepsie des muqueuses

→ Avant sondage à demeure : povidone iodée en «scrub» (ou tout savon antiseptique autorisé sur muqueuses), suivi d'un rinçage.

→ Antisepsie muqueuse lésée, sondage urinaire, examen cytobactériologique des urines (ECBU) : hypochlorite de sodium ou povidone iodée (dermique ou vaginale).

→ Le Dakin peut s'utiliser pur sur les muqueuses vaginales, les abcès ou les hématomes à condition de le rincer avec du sérum physiologique après un temps de contact de 3 minutes.

Hypochlorite de sodium ou povidone iodée dermique.

→ Bain de bouche : povidone iodée bain de bouche au 1/10 ; hypochlorite de sodium, chlorhexidine 0,1 ou 0,2 % (Eludril).

→ Oreille externe ou moyenne : povidone iodée dermique.

AES (accident d'exposition au sang)

Nettoyer la zone lésée au savon, rincer, puis immerger durant 5 minutes minimum dans du Dakin ou de la povidone iodée dermique.

Au choix : lavage au savon + rinçage + Dakin ou povidone iodée dermique ou lavage antiseptique avec povidone iodée scrub.

Rincer à l'eau ou au sérum physiologique pendant 5 minutes puis si c'est dans la bouche : bain de bouche avec povidone iodée dermique diluée au demi ou Dakin (puis rincer).

(1) Afnor, mars 1981.

(2) Les biocides sont des substances actives ou des préparations contenant une ou plusieurs substances actives qui sont destinées à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l'action ou à les combattre de toute autre manière, par une action chimique ou biologique (source Afsset).

Sources : L'antiseptoguide : guide d'utilisation des antiseptiques, CHU Clermont-Ferrand, 3e édition 2006. Désinfectants et désinfection en hygiène et salubrité : principes fondamentaux, ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, 2009.