Agnès Rigot, directrice technique du Centre d'action médico-sociale précoce des Hautes-Pyrénées (65)
La vie des autres
Pour accompagner le développement de leur très jeune enfant, certaines familles ont besoin d'aide et ainsi retrouver un minimum d'harmonie : c'est le rôle du CAMSP 65*. Agnès Rigot, pédiatre, encadre l'équipe de praticiens qui accueillent les enfants en bas âge et les oriente vers les solutions les plus adaptées.
Loin des pathologies aiguës, il existe chez les tout-petits des troubles plus difficiles à identifier comme un retard des acquisitions ou des troubles du comportement. Les causes peuvent être multiples : prématurité, problème neurologique, génétique, environnement conflictuel. Ou même inconnues. Chacun à leur façon, les bébés expriment leur déséquilibre. Il est essentiel de dépister les problèmes au plus tôt afin de mettre en place une prise en charge précoce et personnalisée.
Pédiatre de formation, Agnès Rigot a acquis une expérience variée tout au long des dix années où elle a exercé au sein de différentes structures - santé scolaire, PMI, Samu, suivi de bébés de mères séropositives... Depuis septembre 2006, elle occupe le poste de directrice technique du Centre d'action médico-sociale précoce (CAMSP) de Tarbes dans les Hautes-Pyrénées. « J'ai une double casquette, explique Agnès Rigot, car j'ai le titre de directrice, et les tâches qui vont avec mais j'exerce en tant que pédiatre. Dès mon arrivée, l'une de mes priorités a été d'instaurer le travail d'équipe dans une atmosphère conviviale : les décisions sont, dans la mesure du possible, prises de façon collégiale ; les temps d'échanges informels sont nombreux, comme lors du repas. » En effet, le service, où tout est pensé pour rendre le premier contact agréable et chaleureux - les salles sont colorées et spacieuses, le mobilier et la décoration adaptés aux plus jeunes -, développe une approche pluridisciplinaire.
Le CAMSP 65 est constitué d'une équipe de onze personnes, hors administratif : trois médecins, trois psychologues, deux psychomotriciennes, une puéricultrice, une éducatrice jeunes enfants ainsi qu'une orthophoniste.
« Les enfants et leur famille viennent à nous de leur propre initiative ou, plus souvent, nous sont adressés par le centre hospitalier, la PMI et, d'autres fois, sur indication de leur médecin traitant ou encore conseillés par des structures d'accueil de la petite enfance, situe Agnès Rigot. Le premier rendez-vous est médical - avec le pédiatre ou le pédopsychiatre -, le choix se faisant selon le motif d'admission ou le souhait du prescripteur. Si la femme est enceinte, elle rencontre d'emblée la psychologue. Nous nous adaptons ». Il s'agit à ce stade d'observer et d'analyser la situation afin de mettre en mots les dysfonctionnements qui placent la famille en difficulté. L'annonce du handicap, lorsqu'il y a lieu, constitue un premier pas vers une prise en charge adéquate. « Dans un premier temps, j'observe l'enfant. Je joue avec lui sur le tapis avec différents jouets pour évaluer ses réactions et ses aptitudes. En général, la puéricultrice est présente à la consultation et me relaie dans l'accueil du bébé afin que je puisse m'entretenir avec les parents. Il s'agit d'une consultation médicale où l'écoute est très importante. Elle dure au minimum une heure pendant laquelle je réalise aussi un examen clinique. »
À l'étape suivante, les nouvelles situations sont présentées et la suite à donner est décidée au cours des réunions hebdomadaires du service : proposition d'évaluation, orientation directe, accompagnement uniquement médical... De plus, pour les enfants déjà suivis, des synthèses post-évaluation sont réalisées ; et les points d'évolution communiqués. « J'essaie à chaque fois de revoir les familles pour leur transmettre les conclusions et les propositions de prise en charge pour leur enfant. L'implication des parents est essentielle pour la réussite du projet. »Une fois tous les deux mois, avec l'aide d'une psychologue extérieure, une analyse des pratiques est réalisée. Régulièrement, l'équipe de direction - le directeur administratif et la directrice technique - anime un point institutionnel au cours duquel s'écrivent et se développent les projets du service.
Finalement, lorsque l'accompagnement prend fin au centre, les partenaires - CMPP (Centre médico-psycho-pédagogique), Sessad (Services d'éducation spéciale et de soins à domicile), pédopsychiatrie (Centres d'accueil thérapeutique à temps partiel, CATTP, hôpital de jour)... - s'emparent du relais pour s'engager sur du plus long terme. « Nous nous efforçons, moi ou le professionnel référent, de rencontrer les équipes des services concernés afin de leur présenter les dossiers et faire le lien, facilitant ainsi les changements de structures avec les familles. » Une passerelle, en somme.
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« Je n'ai pas de relations avec les infirmières libérales, car je ne fais pas de prescription de soins à domicile, excepté pour des séances de kinésithérapie. Mais, effectivement, elles me paraissent bien placées pour observer des situations quotidiennes. Elles pourraient de ce fait être des interlocutrices précieuses et servir de relais en orientant les personnes fragilisées vers nous. Toutefois, prudence : nous pourrions aussi souffrir de notre succès. Actuellement, nous atteignons notre capacité maximale d'accueil et le délai d'attente est de l'ordre d'un mois et nous souhaitons le conserver. Ce qui ne nous empêche pas de continuer à mener des actions pour diffuser les objectifs du service auprès des médecins libéraux ou par exemple des crèches qui nous connaissent souvent assez mal. »
Les Centres d'action médico-sociale précoce sont nés en 1976 afin d'assurer, selon le décret, « le dépistage, la cure ambulatoire et la rééducation des enfants de moins de six ans qui présentent des déficits sensoriels, moteurs ou mentaux, en vue d'une adaptation sociale et éducative dans leur milieu naturel et avec la participation de celui-ci ». À Tarbes, le CAMSP existe depuis 2003 et s'occupe des enfants de moins de trois ans, ce qui répond à un besoin du département. Il est géré par un Gip (Groupement d'intérêt public) composé des hôpitaux de Tarbes et de Lannemezan et des associations Arseaa (Association régionale pour la sauvegarde de l'enfant, l'adolescent et l'adulte), ASEI (Association pour la sauvegarde des enfants invalides) et Adapei (Association départementale des amis et parents de personnes handicapées mentales) des Hautes-Pyrénées. Les formalités pour les familles sont minimales, sans entente préalable et sans conditions.