L'Infirmière Libérale Magazine n° 256 du 01/02/2010

 

Cahier de formation

Savoir faire

Charlotte, 17 ans, a eu un rapport sexuel non protégé la veille. Elle ne veut pas acheter la pilule du lendemain car ses parents connaissent le pharmacien... Elle a entendu dire qu'une infirmière peut aussi lui en donner.

Le pharmacien est soumis au secret médical, il doit même lui délivrer gratuitement la pilule du lendemain sur simple déclaration orale de son âge puisqu'elle est mineure. Seules les infirmières scolaires ou un centre de planification familiale peuvent la lui délivrer. Elle doit opter pour la solution la plus rapide car plus la pilule du lendemain est prise tôt, plus elle est efficace.

LES RAPPORTS À RISQUE DE GROSSESSE

Ce sont les rapports :

→ sans aucune protection ou avec une protection mécanique défaillante (préservatif qui glisse, mauvaise mise en place du diaphragme...), quel que soit le moment du cycle ;

→ protégés par une contraception hormonale défaillante : oubli de pilule plus de 12 heures, patch décollé, anneau expulsé, etc., peuvent réveiller un cycle endormi et laisser place à une ovulation ;

→ avec un dispositif intra-utérin qui s'est déplacé.

QUELLE MÉTHODE CHOISIR ?

La date du rapport sexuel

Le délai maximal prévu par l'AMM entre le rapport et la prise de lévonorgestrel est de 72 heures. Il est de 5 jours pour EllaOne® et le DIU au cuivre.

L'efficacité

La prise d'une contraception d'urgence hormonale est d'autant plus efficace qu'elle est utilisée tôt après le rapport sexuel. Pour le lévonorgestrel : 95 % des grossesses prévenues à 24 heures, 85 % entre 24 et 48 heures, 58 % entre 48 et 72 heures. Pour EllaOne®, les fabricants annoncent une activité supérieure mais on manque de recul et d'études. Pour le DIU, 99,9 % d'efficacité dans les délais de pose requis.

L'accessibilité

La pilule du lendemain peut être délivrée avec ou sans ordonnance dans les pharmacies, les centres de planification familiale et par les infirmières scolaires. EllaOne® est un médicament inscrit sur la liste I qui nécessite une prescription médicale et une délivrance à la pharmacie. Les DIU au cuivre sont prescrits et mis en place par un médecin.

Le prix

La pilule du lendemain coûte entre 7,58 euros (Norlevo®) et 6,18 euros (Lévonorgestrel Biogaran®). Elle est prise en charge par la Sécurité sociale à 65 % quand elle est prescrite.

Le décret 2002-39 paru au Journal officiel en janvier 2002 a instauré la délivrance gratuite et anonyme du lévonorgestrel pour les mineures sans prescription médicale obligatoire. EllaOne® a un prix indicatif fixé à 30 euros, non remboursé. Les DIU au cuivre ont le statut de dispositif médical et bénéficient à ce titre d'une prise en charge LPPR.

Le choix de la contraception régulière

Le DIU peut être laissé en place comme contraceptif après sa pose et pour des années.

MODE D'EMPLOI

Méthodes hormonales

La prise

Prendre le comprimé, de préférence avec une collation, le plus tôt possible après le rapport. Si la prise fait suite à un oubli de pilule, continuer la plaquette normalement (en plus de la prise de la contraception d'urgence) tout en utilisant une contraception locale pendant 7 jours. Il est possible de prendre plusieurs fois Lévonorgestrel dans un même cycle, même si ce n'est pas recommandé.

Prendre un comprimé par voie orale le plus tôt possible, et au plus tard 120 heures (5 jours) après le rapport. Protéger les rapports sexuels ultérieurs par une autre méthode jusqu'au début des règles suivantes : comme EllaOne® se lie fortement aux récepteurs de la progestérone, il peut affecter l'efficacité des contraceptifs réguliers. Il n'est pas recommandé de prendre deux fois EllaOne® au cours du même cycle.

Surveillance

En cas de vomissements dans les trois heures suivant la prise, reprendre un autre comprimé le plus rapidement possible.

Les effets indésirables disparaissent en général dans les 48 heures : nausées et plus rarement vomissements, douleurs abdominales, tension mammaire, céphalées. Des saignements peuvent apparaître dans les 5 à 10 jours : ils ne doivent pas être confondus avec les règles (attendre la date prévue). S'ils persistent, consulter un médecin.

Si les règles ne surviennent pas à l'arrêt de la plaquette ou en cas de retard de règles de plus de 5 jours, faire un test de grossesse.

Interactions

Comme pour les contraceptifs réguliers hormonaux, la prise concomitante d'inducteurs enzymatiques peut réduire l'efficacité du médicament (anticonvulsivants, rifampicine, griséofulvine, ritonavir, millepertuis...).

Lévonorgestrel et ulipristal ne doivent pas être pris de façon concomitante (modes d'action antagonistes).

Allaitement

Le lévonorgestrel étant sécrété dans le lait, il est recommandé d'allaiter juste avant la prise du comprimé puis d'attendre au moins 8 heures.

Faute de données, on conseille d'attendre au moins 36 heures pour allaiter son enfant en cas de prise d'ulipristal.

DIU au cuivre

La pose

Le DIU est inséré dans l'utérus, quel que soit le moment du cycle, en environ 2 minutes.

S'il n'est pas conservé comme méthode contraceptive, il peut être retiré pendant ou après les règles suivant la pose.

Surveillance

Dans les jours suivant la pose, des contractions utérines, saignements et une pesanteur pelvienne peuvent apparaître. Si la personne conserve le DIU en contraceptif, consulter en cas de douleurs pelviennes, de pertes malodorantes, de fièvre (risque d'infection).

CONTRACEPTION D'URGENCE IMPOSSIBLE

Les signes

Le premier signe objectif d'une grossesse en cours est l'absence de règles. Des règles anormalement courtes ou abondantes doivent aussi inquiéter. Au moindre doute, faire un test de grossesse.

Le recours à l'IVG

Il existe en France deux méthodes d'IVG encadrées par des procédures strictes. Depuis 2001, les mineures ne sont plus tenues d'obtenir un accord parental mais doivent être accompagnées d'une personne majeure qui les soutient.

La méthode médicamenteuse

Elle est pratiquée dans un centre agrée de façon idéale avant 7 semaines d'aménorrhée ( SA), possible jusqu'à 9 SA. Elle peut être pratiquée à domicile, (IVG en ville), après prise en charge par un médecin formé pour des grossesses de moins de 7 semaines d'aménorrhée. Elle consiste à administrer lors des consultations de la mifépristone (RU-486) suivie 48 heures plus tard par une prostaglandine (Cytotec®, Gymiso®).

L'IVG en ville n'est pas autorisée pour les mineures qui doivent obligatoirement la réaliser dans le centre agrée.

L'IVG par aspiration

L'interruption volontaire de grossesse peut être pratiquée jusqu'à 14 SA en milieu hospitalier sous anesthésie générale ou locale.

Question de patiente

Peut-on se faire prescrire une pilule du lendemain d'avance ?

Oui. Et même il est recommandé d'en avoir à la maison car plus elle est prise tôt, plus elle est efficace.

Un homme peut-il acheter la pilule du lendemain en pharmacie ?

Oui, mais s'il est mineur, elle ne lui sera pas délivrée gratuitement.

L'IVG, en chiffres

q 13 380 IVG en 2007 en France métropole.

q 4 IVG sur 5 concernent des femmes de 20 à 40 ans (83 %). Les mineures représentent 6 % des femmes ayant eu une IVG en 2007.

Source : Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, décembre 2009.

3 questions à « La contraception d'urgence n'est pas banalisée par les jeunes »

Sandy Cariat, infirmière scolaire au collège de Clermont-L'Hérault, secrétaire académique du syndicat Snics-FSU, Syndicat national des infirmiers(ères) conseillers(ères) de santé

Quel plus apporte la délivrance de la contraception d'urgence en collège et en lycée ?

La délivrance dans les établissements scolaires lève plusieurs barrières : délai de prise, justification de son absence, horaires d'ouverture des centres de planification ou des pharmacies... On offre un entretien de qualité de 20 à 30 minutes pendant lequel s'établit une relation de confiance. Un deuxième entretien quinze jours à un mois plus tard permet d'assurer un suivi, de vérifier le retour des règles, de parler contraception régulière. On peut aussi intercaler un entretien 48 heures après la prise pour vérifier les éventuels vomissements et effets indésirables.

Le nombre de demandes est-il en progression dans les établissements scolaires ?

Oui. En six ans de pratique en milieu scolaire, j'ai noté une augmentation des délivrances. En moyenne, on délivre 5 à 10 boîtes par an en collège et 10 à 20 au lycée. La contraception d'urgence rentre peu à peu dans les moeurs mais elle n'est pas banalisée pour autant : si la demande est plus facile, c'est toujours aussi angoissant pour les jeunes filles de l'assumer, et à quelques exceptions près, elles arrivent dans un état de panique. Il existe sans doute quelques filles qui l'utilisent comme contraception «régulière» mais elles restent une exception.

Que pensez-vous des «Pass contraception»(1) proposés par Ségolène Royale ?

La position de notre syndicat est de demander une généralisation du Pass contraception à l'ensemble des régions(2). Mais nous ne distribuerons rien sans l'accord de notre ministère. On oeuvre en ce moment pour réexpliquer le bien-fondé de la mesure : ces chèques contraceptions ne se substituent pas au rôle du planning familial, où ils existent déjà, mais ils améliorent la réponse aux demandes. La consultation du planning familial le plus proche de mon établissement scolaire n'a qu'une permanence le lundi soir... Les professionnels de ce planning travaillent déjà avec nous sur des actions d'information et ils sont tout à fait favorables à ce que nous puissions délivrer les Pass.

(1) Ces «Pass contraception», sous forme de carnet de chèques, comprennent des tickets pour une visite chez un médecin, chez un gynécologue, pour des analyses biologiques et un bon d'échange en pharmacie pour un moyen contraceptif.

(2) Actuellement, seule la région Poitou-Charentes dont Ségolène Royal est la présidente, est concernée.