Salles d'injections :
Le débat
L'appel pour l'expérimentation de salles de consommation à moindre risque, paru le 21 janvier dans Le Monde, relance le débat sur la prise en charge des usagers de drogues en France. Soutenue par des professionnels de santé et des politiques, cette initiative soulève de vives réactions parmi les élus de la majorité.
Député UMP du Val d'Oise,
attaché d'administration hospitalière
Que pensez-vous des salles d'injections ?
Ces salles permettent aux toxicomanes de se piquer dans un espace réservé, financé par l'État et géré par des infirmiers et des travailleurs sociaux. Sous prétexte de lutte contre les overdoses et la propagation des maladies infectieuses, les associations militant pour ces structures en appellent à une reconnaissance du statut «d'usager de drogue» plutôt qu'à un sevrage. Après la distribution de seringues, le remboursement de drogues de substitution et les millions d'euros distribués chaque année aux associations d'usagers, nous devons être très vigilants pour éviter de franchir une nouvelle étape.
Ces salles peuvent-elles permettre de réduire les risques liés aux pratiques toxicomanes ?
Toutes les expériences menées ailleurs le démontrent : l'ouverture de «salles de consommation» aggrave le problème. Rassurés par la présence de personnel médical, les «clients» prennent plus de risques. À Melbourne, l'association Drug Free Australia relève que le taux d'overdose est 38 fois supérieur à l'intérieur du site réservé à l'injection qu'à l'extérieur. Ces lieux contribuent au maintien d'une habitude : ils peuvent être interprétés comme une acceptation tacite par la société de l'usage de ces substances illégales. De plus, ils augmentent les troubles à l'ordre public en attirant des usagers et des dealers à proximité des salles.
Comment pourrait-on améliorer la prise en charge des toxicomanes en France ?
Le plan de lutte contre les drogues et les toxicomanies 2008-2011, doté d'un budget de 87,5 millions d'euros, prévoit de diversifier la prise en charge sanitaire des usagers. Le gouvernement entend, en outre, développer la recherche fondamentale et clinique pour que soins et prévention s'améliorent. La politique de réduction des risques conduite en France reste l'un des meilleurs exemples d'une politique de santé publique réussie, avec une quasi-disparition des nouvelles contaminations des toxicomanes par le VIH, une chute des overdoses mortelles, une forte régression de la délinquance chez les usagers de drogues et leur meilleure insertion sociale. Les traitements de substitution aux opiacés ont contribué à ce succès : cet acquis doit toujours être conforté.
Déléguée du Groupe SOS* pour la région Sud
Que pensez-vous des salles d'injections ?
Je suis favorable aux salles d'injections pour des raisons simples. Dans le quartier de la gare Saint-Charles à Marseille, nous croisons des personnes dans la rue en train de se shooter. Lorsque je leur demande d'être plus discrètes, elles me répondent : « Où voulez-vous que nous allions ? » Je ne peux certes pas dire que je suis favorable à ce que les gens se shootent, mais, pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas encore en finir avec l'injection, je me positionne dans une démarche de réduction des risques : autant que cela se passe dans des conditions d'hygiène et de sécurité correctes.
Ces salles peuvent-elles permettre de réduire les risques liés aux pratiques toxicomanes ?
Quand les gens ont un logement, cela se passe chez eux. Et tous les messages de prévention des risques sur le «shoot» propre sont entendus. La preuve : l'épidémie de VIH chez les toxicomanes s'est arrêtée. Mais lorsqu'ils vivent dans des squats, il est impossible de mettre en place les conditions d'hygiène et de sécurité indispensables. Ils en sont conscients et le regrettent. Quant à ceux qui dorment dehors ou en hébergement d'urgence, ils s'injectent sous les porches, dans les jardins publics, sur les marches d'escaliers... Ils sont très conscients du danger qu'ils font courir aux autres. Ils nous ramènent d'ailleurs les seringues usagées car nous disposons de containers spécifiques. De plus, ils n'aiment pas le faire en public... On peut penser ce que l'on veut sur le plan des principes moraux, mais ils demandent des conditions d'injections qui soient normales.
Comment pourrait-on améliorer la prise en charge des toxicomanes en France ?
Il y a tout un mouvement, surtout en région parisienne, issu d'associations d'autosupport d'usagers de drogues, de certains professionnels et de quelques élus, qui appelle de plus en plus vigoureusement à ouvrir ce genre de salles. Évidemment, ce n'est pas compatible avec la politique de sécurité telle que l'envisagent nos dirigeants. Les démarches de réduction des risques ne sont pas toujours bien comprises. Mais lorsque l'on explique de quoi il s'agit, on entraîne en général l'adhésion des personnes auxquelles on s'adresse. Reste une question : quid de la dangerosité des produits utilisés dans ces lieux ?
* Le Groupe SOS comprend l'association SOS Drogue International qui oeuvre dans le domaine de l'aide et du soin aux usagers de drogues et de la lutte contre les toxicomanies. Site Internet : .