L'Infirmière Libérale Magazine n° 257 du 01/03/2010

 

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JUSTICE > Le tribunal de grande instance de Toulon condamne en référé la Compagnie du soin à domicile© pour ses procédés publicitaires. L'affaire fera-t-elle jurisprudence ?

Satisfaction pour les uns, grise mine pour les autres. Fin janvier, la Compagnie du soin à domicile© (CSD) basée à Toulon-La Valette* a dû ôter toute forme de publicité de ses véhicules et autres supports.

Véhicules estampillés

Suite à la plainte en référé d'infirmiers libéraux du secteur, regroupés en association (Ilibval), le tribunal de grande instance de Toulon a estimé que « les logos et la mention «La compagnie du soin à domicile» figurant sur [un véhicule et différentes plaquettes] constituent manifestement des procédés directs de publicité ». S'appuyant sur l'article R.413-7 du décret du 29 juillet 2004 interdisant les procédés directs de réclame ou de publicité aux infirmiers, la cour réunie en audience le 26 janvier a donc condamné la CSD à retirer tous ses supports publicitaires dans un délai de huit jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. D'après les premiers témoignages recueillis, la CSD s'est d'ores et déjà exécutée.

Interrogé par L'Infirmière libérale magazine, son gérant refuse néanmoins de commenter cette décision de justice. Difficile pour l'heure de savoir s'il fera appel. Il préfère renvoyer la presse vers « la compagnie mère » située à Aix. « Il s'agit seulement d'un référé, insiste Loïc Baillé, co-fondateur de la Compagnie du soin sur le plan national. Ce n'est pas un jugement sur le fond. » À ses yeux, rien n'est encore joué. A contrario, pour maître Scognamiglio, avocat de l'association Ilibval, cette «affaire de concurrence déloyale» pourrait faire jurisprudence...

Pour sûr, l'imbroglio judiciaire n'en est qu'à ses débuts. À Toulon d'une part, Me Scognamiglio « ne compte pas en rester là » : il prévoit une action au pénal et a, par ailleurs, « saisi le ministère de la Santé par courrier ». D'autre part, un nouveau rebondissement semble s'annoncer du côté de Nîmes.

Une affaire à suivre

« Trois syndicats nous ont assignés. Ce sont la Fédération nationale des infirmiers (FNI) du Gard, ainsi que l'Organisation nationale des syndicats d'infirmiers libéraux (Onsil) et le Syndicat national des infirmiers et infirmières libérales (Sniil), lâche Yves Colombani, co-fondateur de la CSD au niveau national. Cette fois, ce sera sur le fond : on va pouvoir s'expliquer. »

Contrairement au référé qui demeure une procédure d'urgence, cette action pourrait en effet éclairer la lanterne de nombreuses libérales, y compris celles du Conseil de l'Ordre qui, pour le moment, ne s'est toujours pas prononcé.

Pour leur part, les deux initiateurs de la CSD se réservent la possiblité de réagir face à ce qu'ils considèrent comme de « l'acharnement ». Ils n'écartent pas l'éventualité d'une action en justice. « On ne servira pas de bouc émissaire de notre plein gré », assène Loïc Baillé qui s'étonne de n'avoir reçu aucune réponse de la part des instances de tutelle. « On nous maltraite alors que notre ambition est de faire avancer le métier. » La justice tranchera.

Créée en 2004, la CSD suscite une large polémique parmi les infirmières libérales. Elle fonctionne comme un groupe de franchise, par le biais de SELARL essaimées sur l'ensemble du territoire. De plus, elle s'appuie sur sa marque déposée à l'Institut national des propriétés intellectuelles qu'elle déploie sur ses véhicules ainsi que sur toute sa documentation. Il s'agit en l'occurrence de son nom mais aussi d'un logo semblable à l'étoile à six branches des ambulanciers. Comme indiqué dans notre dossier de décembre (ILM n°254) intitulé Des soins de marque et consacré en grande partie à la CSD, cette démarche soulève un débat concernant l'avenir du métier d'infirmière libérale. Dans un contexte où se développent de plus en plus de services de soin à domicile comme les Services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ou les hospitalisations à domicile (HAD) qui viennent concurrencer les Idel, la question reste d'actualité.

*Il s'agit de son nom d'enseigne. Sur la documentation officielle, ce cabinet s'intitule la SELARL Aloha.