L'Infirmière Libérale Magazine n° 257 du 01/03/2010

 

ACCIDENT DE TRAVAIL

Votre cabinet

Pendant les déplacements, au chevet du patient ou au cabinet, des accidents aux conséquences plus ou moins grave peuvent survenir. Comment les éviter et, surtout, que faire en cas de coup dur ?

Monique est infirmière libérale en Normandie depuis quelques années quand, au détour d'un soin chez un patient, elle se blesse à la main : « Je retirais des fils à une patiente qui avait subi une phlébectomie par stripping quelques jours auparavant : inattention ou fatigue, toujours est-il que je me suis coupé la main assez fortement avec le scalpel, à tel point que j'ai eu les tendons sectionnés. Évidemment, c'était très handicapant et il m'était difficile de réaliser des gestes simples comme une prise de sang. J'ai dû être arrêtée en attendant de retrouver toutes mes sensations au niveau de la main. » Des exemples comme celui de Monique sont légion et beaucoup peuvent être des motifs d'accident du travail quand on est infirmière libérale, avec, en première ligne, les accidents liés aux transports et les accidents d'exposition au sang (AES). Et si certains accidents ne mènent pas forcément à un arrêt du travail, d'autres y conduisent, pour une durée plus ou moins longue : la question de l'indemnité journalière se pose alors, avec plus ou moins de facilité pour l'obtenir.

Est-il néanmoins possible de passer au travers des accidents du travail ? Si l'on en juge par les résultats d'une enquête* menée auprès des auxiliaires médicaux et publiée en janvier 2008 par la Carpimko, les risques d'accidents du travail y sont plus élevés que dans la population générale. Mais, surtout, c'est parmi les infirmières que le risque reste le plus prégnant : 89 % des interrogées estiment en effet que le risque d'accident du travail est important ou réel (47 % pour l'ensemble des actifs), avec près de la moitié qui jugent ce risque important.

Davantage de risques pour les Idel

Rappelons-le, l'infirmière libérale peut être sujette à différents types d'accidents, lors de ses déplacements ou au chevet du patient, où, dans ce cas, les AES sont les plus nombreux. Mais certains accidents du travail sont parfois de nature extérieure aux soins : Marie-Claude, infirmière en Haute-Garonne en a fait les frais : « J'ai été mordue par un chien il y a quelques années lors de ma tournée et, entre deux visites chez mes patients, j'ai dû aller chez le médecin pour bénéficier de points et mettre à jour le vaccin contre le tétanos. Mais comme je n'étais pas assurée, je n'ai pas déclaré cet accident du travail et n'ai donc pas eu d'arrêt. En revanche, j'ai fait une déclaration auprès de ma responsabilité civile professionnelle qui m'a soutenue d'un point de vue juridique et, après expertise, j'ai obtenu, grâce au juriste, un pretium doloris [ndlr : indemnisation compensatoire suite à un accident du travail, proportionnelle au dommage subi]. Tous les accidents du travail ne conduisent donc pas forcément à l'arrêt », modère cette infirmière.

Quand la tuile est là...

Mais comment faire quand il s'agit, comme pour Monique, d'une interruption de l'activité du fait d'une incapacité temporaire à exercer ? Deux cas de figure se présentent : soit l'accident de travail entraîne un arrêt de moins de trois mois, soit il est beaucoup plus sérieux et engage une immobilité supérieure dans le temps.

Premier réflexe, en tant que libérale, vous devez vous assurer que la continuité des soins sera respectée pour vos patients et donc trouver très rapidement une remplaçante. Ensuite, il faut savoir que le statut de libérale ne vous donne pas droit aux indemnités journalières de la part de l'Assurance maladie, comme c'est le cas dans le régime général pour les salariées. De deux choses l'une : soit vous avez souscrit volontairement à une assurance complémentaire (auprès d'une mutuelle) qui peut prendre le relais rapidement, soit vous n'avez pas d'autre choix que de patienter jusqu'à votre retour en conditions d'exercice sauf au-delà de trois mois où la Carpimko prendra le relais. Paméla, infirmière à Vallauris, a préféré miser sur la sécurité : « J'ai 26 ans et j'exerce en libéral depuis un peu plus d'un an. Avant cela, j'exerçais en centre de rééducation fonctionnelle où j'ai été confrontée à un accident du travail pour lequel je suis restée six mois en arrêt, avec fracture et luxation d'épaule. C'est ce qui m'a motivée à prendre une complémentaire efficace quand je me suis installée en tant que libérale, explique cette jeune infirmière. J'avais entendu dire qu'avec ce statut, on avait une couverture santé minuscule et qu'il fallait prévoir. Je me suis simplement renseignée chez l'assureur où j'ai souscrit ma responsabilité civile : il y avait plusieurs formules avec des délais de carences variables mais, étant donné que j'avais eu mon problème d'épaule en étant salariée, j'ai préféré prendre les devants et choisir un délai de carence assez court - 7 jours - même si c'était plus cher. La santé n'a pas de prix ! », conclut-elle.

Compenser le manque à gagner

Généralement, en cas d'hospitalisation, les assurances privées qui proposent des complémentaires maladie-accident prennent en charge dès le premier jour d'arrêt, mais ce délai peut être plus long dans le cas d'un arrêt dû à un accident du travail : tout dépend du montant de la cotisation et des options ! Pour bien choisir, faites une mini-étude de marché en fonction de la balance bénéfice-risque que vous estimez être la plus juste dans votre situation et n'oubliez pas que ces cotisations peuvent être déduites des impôts. À noter également qu'en termes légaux, vous ne pouvez pas percevoir une indemnisation journalière supérieure à votre chiffre d'affaires quotidien : gare aux contrats qui vous promettent des indemnités pharaoniques !

Dans le cas où vous avez commis l'imprudence de ne pas prendre d'assurance complémentaire, il vous faudra patienter pour espérer toucher un pécule compensatoire : en effet, c'est seulement à partir du 91e jour d'arrêt que la Carpimko prend le relais et règle une indemnisation forfaitaire qui peut représenter jusqu'à un an d'arrêt de travail. « On raisonne en termes d'incapacité totale d'exercice. Pour cela, un dossier médical préalable doit être déposé et, si l'infirmière est à jour de ses cotisations, on peut lui verser une allocation forfaitaire appelée allocation journalière d'inaptitude. Au-delà d'un an, c'est une rente qui prend le relais », résume Catherine Gentil, responsable du service prestations invalidité décès à la Carpimko. En ce qui concerne les montants, ils sont forfaitaires : « 45,21 euros par jour versé au mois avec une majoration pour enfant ou conjoint de 8,22 euros par jour ou de 16,44 euros par jour pour une tierce personne, dans le cas où l'infirmière arrêtée a besoin d'une personne pour se faire aider, sans possibilité de cumuler les deux majorations », précise Catherine Gentil. Quant au montant total de la rente, il n'excède pas les 3 082,50 euros par trimestre dans le cas d'une invalidité totale ou 1 541,25 euros trimestriels pour l'invalidité partielle. Quant à savoir si les infirmières libérales concernées par les accidents du travail et arrêtées sont nombreuses, c'est le flou intégral : aucun chiffre officiel ne circule et ne pourra donc vous aiguiller dans votre choix final pour le choix de votre cotisation. Dans le doute, soyez prudente !

* 1 500 professionnels de santé dont 640 infirmières libérales ont été interrogés sur la pénibilité ressentie de leur profession.

ORGANISMES Vos interlocuteurs

Votre complémentaire santé : c'est elle qui vous indemnise en attendant la reprise du travail ou avant l'intervention de la Carpimko. Faites attention aux délais de carence et n'hésitez pas à comparer les contrats.

La Carpimko (Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes) prend en charge l'arrêt de travail à partir du 91e jour. Le montant de la cotisation - obligatoire - est de 654 euros par an, à régler en deux fois (mars et septembre).

L'Urssaf et la CPAM dont vous dépendez : ces deux organismes gèrent les prestations déployées dans le cadre de l'assurance volontaire «accidents du travail et maladies professionnelles» qui permet la couverture des frais engagés lors d'un accident du travail. En effet, la législation accorde aux infirmières libérales (non assujetties à la législation des accidents du travail) la faculté de s'assurer volontairement en souscrivant une assurance. Pour en bénéficier, il faut vous adresser à la Caisse primaire d'Assurance maladie. La demande doit être accompagnée d'un extrait d'acte de naissance et doit indiquer votre salaire annuel qui servira de base au calcul des cotisations et des prestations.

EN SAVOIR +

- Dans le cadre de la loi Madelin du 11 février 1994, vous avez la possibilité de passer vos cotisations relatives à la santé, retraite ou prévoyance au titre de frais professionnels. Revers de la médaille, les prestations que vous percevrez en retour en cas d'accident du travail, par exemple, deviendront imposables. Vous devrez donc réintégrer les indemnités journalières et rente d'invalidité dans votre revenu imposable.