Alain-Michel Ceretti, conseiller santé auprès du médiateur de la République
La vie des autres
Après avoir fait les frais, dans sa vie personnelle, des difficultés d'accès au dossier médical et de problèmes liés à des défauts de soins, Alain-Michel Ceretti, militant associatif, occupe depuis un an la très jeune fonction de conseiller santé auprès du médiateur de la République.
Rien ne prédestinait Alain-Michel Ceretti à devenir conseiller santé auprès du médiateur de la République. Lui, le citoyen engagé dans le monde de la santé plus par nécessité que par choix. Lui, « l'iconoclaste », comme il se définit lui-même, puisque n'appartenant ni au sérail, ni aux hautes administrations, mais étant chef d'entreprise (à mi-temps) dans le secteur des cartes électroniques. « Le monde de la santé est venu à moi par la mauvaise porte », raconte d'emblée Alain-Michel Ceretti.
Une porte entrouverte en 1991 lorsque son épouse subit une intervention à la désormais fameuse clinique du Sport à Paris. Six ans plus tard, à force d'examens et de persévérance pour connaître la raison d'une douleur insupportable, il s'avère qu'elle a contracté la bactérie xenopi, un germe infectieux dû à une stérilisation insuffisante des instruments chirurgicaux, un sort partagé avec plusieurs centaines d'autres patients(1). « C'est cette délinquance médicale qui est à l'origine de mon engagement », explique le conseiller santé. Et sa nomination en janvier 2009 est assurément l'aboutissement d'une démarche initiée à cette époque pour faire entendre la voix des victimes d'infections nosocomiales d'abord puis, d'une manière plus large, d'accidents médicaux. Pour mener le combat - puisqu'il s'agit bien de cela avec ce qui est la première grande affaire en matière d'infections nosocomiales - Alain-Michel Ceretti crée l'association des victimes du xenopi. Mais, face à l'afflux de demandes d'aide de la part de personnes ayant elles aussi été touchées par une infection liée à une hospitalisation, cette première association s'élargit très rapidement pour aborder l'ensemble des infections nosocomiales : elle devient en mars 1998 le Lien, association de Lutte, d'information et d'étude des infections nosocomiales, qu'Alain-Michel Ceretti présidera jusqu'en 2006. « En 1997, il n'existait pas d'outils en santé publique pour informer convenablement les patients touchés par ce type de problème, souligne ce dernier. Pourtant, suite à la médiatisation de cette histoire, des dizaines de milliers de personnes se sont manifestées par le biais du numéro vert mis en place par le ministère. »
Deux lois votées en 2002 marquent une étape importante dans son combat. La première, la loi du 4 mars 2002, donne un réel statut au patient et lui octroie des droits. La seconde, du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale, institue un dispositif d'indemnisation à travers la création de l'Office national d'indemnisation des victimes des accidents médicaux, des affections iatrogènes (provoquées par le médecin ou le traitement médical) et des infections nosocomiales (Oniam). Alain-Michel Ceretti va justement devenir administrateur de cet office. Figure du monde associatif, il joue même le rôle de porte-parole du Ciss, le Collectif inter-associatif sur la santé, et rédige un rapport à la demande de Jean-François Mattéi, alors ministre de la Santé, sur la structuration du monde associatif. Sa connaissance des problématiques qui émergent alors et sa position de «citoyen» et non de médecin lui donnent une liberté de ton et une légitimité pour revendiquer une plus grande attention aux patients. Le chef d'entreprise milite alors pour un dispositif complémentaire qui aiderait les familles en quête de vérité lorsqu'un parent est victime d'un problème médical. Avec l'idée sous-jacente que, derrière l'accident médical grave, infectieux ou non, la démarche des patients peut entraîner une réflexion d'amélioration des pratiques. Après un dispositif expérimental qui a fonctionné au sein de la Haute Autorité de santé, décision est prise de créer le pôle Santé et Sécurité des soins et de le rattacher au médiateur de la République.
Si la conviction d'Alain-Michel Ceretti est forte et sûrement à la hauteur du désespoir causé par l'accident de son épouse, il tient à défendre une approche rationnelle des situations dont il est témoin par le biais du numéro Azur, du site Internet ou encore du courrier adressé au pôle(2). « Nous cherchons à comprendre ce qui s'est passé, même quand ce n'est pas ce que les familles veulent entendre, précise le conseiller. Nous ne sommes ni les avocats des patients, ni des procureurs contre les professionnels de santé. Nous sommes dans un règlement rationnel et non passionnel. » Le but final étant d'amener les professionnels à prendre des mesures correctives.
(1) Le 17 mars, le Tribunal correctionnel de Paris a finalement prononcé des condamnations à des peines de prison ferme pour deux des médecins impliqués dans l'affaire de la clinique du Sport (cf. Actualités p. 16), suite au procès qui s'est tenu en octobre 2009.
(2) N° Azur : 0 810 455 455 ou site Internet : .
« 2009 ne sera pas significatif en ce qui concerne les infirmières libérales : nous n'avons enregistré aucune plainte contre elles et moins de dix requêtes ont été déposées par ces professionnelles. Les requêtes concernaient des problèmes en hospitalisation à domicile, pour des soucis de prise en charge. Dans un cas, un conflit avec la famille a éclaté suite à cette difficulté. Dans un autre, l'infirmière avait dressé le constat d'un dysfonctionnement qui mettait en péril la prise en charge. « Le pôle est très catalogué hospitalier, ce qui peut expliquer ce faible chiffre. Il faut aussi préciser que les soins de ville sont moins invasifs. Mais nous pensons que ce type de soins va tout de même engendrer des dysfonctionnements en augmentation puisque la population vieillit et sera davantage fragilisée. Les soins seront de plus en plus effectués à domicile. »
En 2009, première année de fonctionnement du pôle Santé et Sécurité des soins du médiateur de la République, 4 795 requêtes ont été enregistrées. 15 % provenaient de professionnels de santé. Six saisies sur 10 sont liées à un événement indésirable médical ou chirurgical ; 17 % concernaient une infection liée aux soins ; 10 % des violences ; 8 % un non-respect des droits des patients et 5 %un événement lié à un produit de santé. Pour Alain-Michel Ceretti, le fait le plus marquant de ce bilan est l'importance des situations de maltraitance, notamment celle exercée sur les personnes âgées. Près de 8 % des requêtes faisaient directement état d'une réclamation à propos d'un fait de maltraitance «ordinaire» : déficit en matière d'hygiène, d'une prise en compte insuffisante de la douleur ou des caractéristiques du patient.