Vincent Calmejane, masseur-kinésithérapeute à domicile
La vie des autres
Au bout de vingt-cinq ans de carrière, Vincent Calmejane marque ses choix. Sur l’agglomération tarbaise, il exerce à domicile une kinésithérapie enrichie de plusieurs pratiques alternatives, au plus près des besoins des patients.
Depuis un an, Vincent Calmejane se rend chez ses patients sur son scooter rouge. Fort de vingt-cinq ans d’expérience professionnelle, principalement en libéral, il a finalement fait le choix du domicile. Son activité consiste, pour l’essentiel, à proposer un accompagnement à des patients dont la moyenne d’âge est de 70 ans, leur permettant de continuer à vivre chez eux. Pour une bonne part, l’hospitalisation à domicile fait appel à lui. Le manque de kinésithérapeutes exerçant à domicile est tellement criant que lui-même et les deux confrères avec lesquels il partage un local administratif à Tarbes (Hautes-Pyrénées) ont choisi de ne pas mettre de plaque à leur porte. Dans le même temps, par conviction, émancipé de la course au chiffre d’affaires qui pousse les kinésithérapeutes à délaisser le créneau, Vincent Calmejane a privilégié la qualité du soin. Une pratique forgée au fil des ans : « J’ai suivi plusieurs formations après celle de l’école de kinésithérapie initiale. Ma pratique est le résultat de la globalité de mon parcours et de ce que me renvoient les patients. »
À ses débuts, il se sent rapidement démuni pour répondre aux problèmes qu’il doit traiter : « J’ai décidé d’acquérir d’autres méthodes qui peu à peu m’ont fait évoluer d’une conception mécanique du corps à une lecture plus globale : les chaînes musculaires, la thérapie manuelle, le massage chinois, puis la kinésiologie [cf. encadré ci-contre]. Aujourd’hui, j’ai pris conscience de la valeur des acquis de base qui leur sont complémentaires. » Ainsi, en 2000, quitte-t-il le champ conventionné durant trois années où il propose des soins en kinésiologie. « La méthode est souvent décriée, souligne Vincent Calmejane. Il est vrai qu’elle est puissante et exige une prudence particulière. Il faut être parfaitement au clair avec soi-même pour ne pas s’approprier les personnes et rester sur un acte désintéressé, ne pas chercher la réputation par exemple. C’est pourquoi je suis revenu vers la kinésithérapie, alternant entre le libéral et les thermes du secteur, jusqu’en 2009 où le rythme imposé ne m’a plus convenu. » Devenue atypique, sa pratique est à présent mâtinée de diverses approches et guidée par une évidence : « Le corps est parfait. Soit on l’écoute, soit on le contourne », résume-t-il. Laissant derrière lui la logique du résultat technique, il opte, si le patient est réceptif, pour la première solution. C’est-à-dire comprendre ce que le dysfonctionnement révèle.
Lors de la première rencontre, il s’agit de comprendre la situation avant l’accident, l’opération ou la maladie, et de déterminer le besoin. À domicile, les proches sont des acteurs précieux et Vincent Calmejane intervient également sur ce cadre : « Leur faire accepter de basculer de la difficulté vers l’envie, échanger la formule “il faut que…” avec “ça te ferait du bien…”, leur faire admettre les limites. Il ne s’agit pas de mobiliser à tous crins ! » Le but étant de redonner confiance en évitant les situations d’échec. « Quels que soient l’âge ou les conséquences de la maladie, il y a une marge de progression, insiste le professionnel. Je pars du principe que le patient en est capable, qu’il y arrive ou pas ne me regarde pas. »
En s’appuyant sur le principe de l’empathie, il donne ainsi à la communication subtile une place de choix. « Même en fin de vie, la séance n’est jamais inutile. Un patient atteint de la maladie d’Alzheimer, par exemple, dont les retours à la conscience se font rares, reste une personne à part entière. Et ces moments-là donnent du sens à sa vie, dans le rapport aux autres. S’il tend la main pour entrer en contact… je travaille sur ce geste. » Une autre fois, il prendra au mot une dame – ses pieds rentrants se croisent, l’empêchant de marcher correctement – déclarant se mélanger les pinceaux. Un travail sur la gestuelle par des exercices de cross-crowl, sur la vitesse avec un travail respiratoire, mais aussi sur les couleurs et sur la précision de l’expression verbale donneront des résultats notables. La kinésiologie lui a permis de développer une qualité d’écoute et d’observation. « La réponse est contenue dans des éléments auxquels nous ne sommes habituellement pas formés », commente-t-il. Pour une malade en phase terminale du cancer, tétanisée par la douleur, le massage chinois sera une meilleure réponse.
Le dernier point qui lui tient à cœur concerne la non-dépendance à la relation et au type de travail qui peut s’installer. « J’espace rapidement les séances, quitte à diriger les personnes vers un autre collègue ou vers une prise en charge différente comme la piscine. » Au final, Vincent Calmejane prône un retour à une approche humaine et dégagée d’idées préconçues.
« D’une façon générale, nous évitons de nous retrouver ensemble, mais l’échange se fait par le cahier ou par téléphone. Toutefois, leur travail est précieux car les infirmières libérales exercent un rôle de surveillance qui permet de développer la prévention. Comme elles sont présentes plus souvent, elles doivent faire preuve d’une vigilance accrue face à la routine. Mais elles peuvent dans certains cas m’orienter sur un besoin, me signaler une perte d’autonomie, une douleur… De plus, elles sont en lien avec tous les intervenants et apportent aussi un conseil pour l’accompagnant. De plus, elles sont une source d’économie importante par rapport à une prise en charge hospitalière. Malheureusement, je pense que la logique économique les aliène souvent dans leur travail. »
Chaînes musculaires : le concept est né dans les années 1950 grâce à la kinésithérapeute française Françoise Mézières, et a été développé par l’ostéopathe Léopold Busquet. Il est basé sur un étirement de muscles poly-articulaires, les chaînes courant d’un bout à l’autre du corps.
Kinésiologie : la méthode, interdisciplinaire, est fondée notamment sur des éléments de médecine chinoise. Elle offre une approche globale de la santé en tant que révélateur de potentiel qu’elle permet de rééquilibrer. Elle utilise le test musculaire qui évalue la réponse énergétique du muscle et non sa force.
Massage chinois : pratiqué depuis 4 000 ans, il agit sur le mode de circulation de l’énergie vitale à travers le corps. Il utilise des pressions exercées le long des méridiens avec des effets aussi bien physiques que psychiques.
Thérapie manuelle : elle envisage l’organisme comme formant un tout. Elle établit un lien biomécanique et (neuro)physiologique entre les différentes parties du corps grâce à des tests de stimulation et des tests fonctionnels. Il s’agit d’une méthode douce. «