L'infirmière Libérale Magazine n° 260 du 01/06/2010

 

Cahier de formation

Savoir faire

Monsieur B., la soixantaine, est actuellement traité pour une leucémie myéloïde chronique, par Glivec® (imatinib). Scrupuleux, il se pèse toutes les semaines. En quinze jours, il a pris plus de 2 kilos et sa femme lui a fait remarquer que son visage est bouffi…

Certains agents anticancéreux peuvent provoquer une rétention hydrique, c’est le cas en particulier de l’imatinib, dont l’un des effets indésirables est la prise de poids, très fréquemment rapportée, ainsi que des œdèmes des membres inférieurs et palpébraux. Il faut signaler cette prise de poids rapide au médecin, car elle peut, après examen, nécessiter une prise en charge diurétique par Lasilix®.

SURVEILLANCE CLINIQUE

Il faut être à l’écoute du patient afin de bien évaluer les effets indésirables, variables d’un sujet à l’autre.

Surveillance du poids

→ À la recherche d’un amaigrissement lié aux nausées, vomissements, aux éventuelles diarrhées, aux difficultés de la prise alimentaire (mucites douloureuses, dysgueusies, troubles olfactifs).

→ À la recherche d’une prise de poids inattendue, expliquée par une rétention hydrique.

Recherche de signes cliniques d’hématotoxicité

→ Surveillance de la température, dont l’élévation constitue un signe d’appel de leucopénie. Une température supérieure à 38,5 °C impose une consultation et une numération formule sanguine (NFS). Devant une neutropénie fébrile, l’hospitalisation peut être envisagée.

→ Recherche de signes d’anémie : dyspnée, fatigue, pâleur.

→ Recherche de pétéchies et de saignements (gingivorragies, épistaxis), corrélés à une éventuelle thrombopénie.

Surveillance du transit

À la recherche de diarrhées ou plus rarement d’une constipation.

Surveillance de l’état buccal

À la recherche de mucites ou d’infections fongiques.

Surveillance de l’état cutané

→ À la recherche d’une manifestation de photosensibilisation, de réactions acnéïformes, d’hypersensibilité cutanée ou d’un syndrome main-pied (cf. photo ci-dessous).

→ Surveillance du point d’injection, pour les formes parentérales.

Surveillance des urines

À la recherche d’une hématurie, qui signe une cystite hémorragique, sous cyclophosphamide.

Recherche de signes de déshydratation

Potentiellement liée aux vomissements, diarrhées, difficultés d’une hydratation per os.

Surveillance de la tension artérielle

Certains inhibiteurs de récepteurs tyrosine-kinases sont susceptibles d’induire une hypertension artérielle, aussi convient-il de surveiller régulièrement la tension des patients notamment traités par Nexavar® et Sutent®.

SURVEILLANCE BIOLOGIQUE

→ NFS, plaquettes à la recherche d’une hématotoxicité.

→ Transaminases (Asat, Alat) dont l’élévation peut alors signer une atteinte hépatique.

→ Bilan rénal à la recherche d’une néphrotoxicité.

→ Ionogramme sanguin, à la recherche, entre autres :

– d’une hypokaliémie (normale de la kaliémie entre 3,5 et 5 mmol/l), potentiellement résultante des pertes hydro-électrolytiques dues aux vomissements et aux diarrhées, et favorisant la survenue de troubles du rythme cardiaque, en particulier sous anthracyclines cardiotoxiques ;

– d’une hypercalcémie (calcémie supérieure à 2,75 mmol/l), pouvant être le signe de métastases osseuses.

Point de vue…
Les 3 points fondamentaux de la surveillance d’un traitement anticancéreux

Catherine Estaque, cadre de santé formateur, responsable de l’hématologie-cancérologie à l’Ifsi de l’Institut hospitalier franco-britannique, dix ans d’expérience en HAD

« Premièrement, la surveillance des effets secondaires de la chimiothérapie : effets généraux (troubles digestifs, cutanéo-muqueux, hématologiques, asthénie…) et spécifiques (comme le syndrome main-pied…). Deuxième point, la surveillance du poids, de l’alimentation, de l’hydratation. Et troisièmement, la surveillance de l’adhésion au traitement et de l’impact de celui-ci dans la vie quotidienne du patient. »