Les infirmières libérales doivent s’assurer que, pendant leur absence, notamment à l’occasion des grandes vacances, une remplaçante s’occupera des soins. Retour sur les lois régissant le remplacement en tenant compte des apports du futur code de déontologie.
Le remplacement infirmier est régi par les articles R. 4312-43 et suivants du Code de la Santé publique (CSP) et par la convention nationale des infirmières conclue le 22 juin 2007. Cependant, aucun de ces textes n’en donne de définition précise. L’article R. 4312-43 indique seulement : « Le remplacement d’un infirmier ou d’une infirmière est possible pour une durée correspondant à l’indisponibilité de l’infirmier ou l’infirmière remplacé(e). »
Le remplacement est donc une situation au cours de laquelle une infirmière libérale, que l’on dénomme remplaçante, va exercer en lieu et place d’une collègue, pour une période déterminée correspondant à l’indisponibilité de cette dernière, soit pour congés, maladie, formation…
Durant la période effective du remplacement, l’infirmière remplacée doit s’abstenir de toute activité professionnelle infirmière, sauf, bien entendu, en cas d’assistance à personne en péril ou de réquisition des autorités en cas de sinistre. « Une infirmière interdite d’exercice par décision disciplinaire ne peut se faire remplacer pendant la durée de la sanction » (2e alinéa de l’article R. 4312-43 du CSP).
L’infirmière remplaçante ne peut remplacer plus de deux infirmières à la fois, y compris dans une association d’infirmières ou un cabinet de groupe (article R.4312-4 du CPS).
L’article R. 4312-44 précise qu’« un infirmier ou une infirmière d’exercice libéral peut se faire remplacer soit par un confrère d’exercice libéral, soit par un infirmier ou une infirmière n’ayant pas de lieu de résidence professionnelle ».
Coexistent donc deux types d’infirmières remplaçantes : celles qui ont leur propre clientèle, et qui vont assurer la continuité des soins d’une consœur indisponible, et celles qui n’ont pas de cabinet propre. Seul le cas le plus usuel, celui des infirmières remplaçantes n’ayant pas de patientèle, sera évoqué dans le cadre de cet article.
L’infirmière, sans clientèle propre, doit être titulaire d’une autorisation de remplacement délivrée actuellement par la Ddass (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales) de son lieu d’habitation. Pour obtenir cette autorisation, dont la durée est limitée à un an, mais renouvelable, elle devra fournir son diplôme d’État et une attestation sur l’honneur certifiant qu’elle n’a pas de domicile professionnel. L’infirmière remplaçante d’une infirmière sous convention doit justifier d’une activité professionnelle de dix-huit mois, soit un total de 2 400 heures de temps de travail effectif, dans les six années précédant la date de demande de remplacement, réalisée dans un établissement de soins, une structure de soins ou au sein d’un groupement de coopération sanitaire tels que définis à l’article 5.2.2 de la convention. Il appartient à la caisse d’assurance maladie, et non à la Ddass, de vérifier si l’infirmière remplit les conditions pour exercer sous convention. L’infirmière remplaçante est tenue de faire connaître aux caisses son numéro d’inscription à l’Ordre des infirmiers ainsi que l’adresse du cabinet professionnel dans lequel elle assure son activité de remplaçante. L’autorisation de remplacement sera sans nul doute délivrée dans l’avenir par le conseil départemental de l’Ordre.
L’infirmière remplaçante a les mêmes obligations administratives, comptables et fiscales que l’infirmière installée. Elle doit déclarer son activité libérale dans les huit jours qui suivent le début de son activité, auprès de son centre de formalité des entreprises, à savoir l’Urssaf de son secteur, qui se chargera de toutes les déclarations auprès des autres organismes (Insee, Carpimko, Assurance maladie, centre des impôts…). Elle doit souscrire une assurance de responsabilité civile professionnelle.
Il est rappelé qu’elle travaille sous sa propre responsabilité, qu’elle n’est pas “l’employée” de l’infirmière qu’elle remplace et qu’aucun lien de subordination ne doit exister entre les deux parties.
L’article R. 4312-43 dispose qu’« au-delà d’une durée de vingt-quatre heures, ou en cas de remplacement d’une durée inférieure à vingt-quatre heures mais répété, un contrat de remplacement doit être établi entre les deux parties ». Cette obligation est également inscrite à l’article 5.2.3 de la convention.
Outre son caractère obligatoire, le contrat est là pour rappeler les droits et obligations de chaque partie et pour protéger les intérêts de chacune. Rappelons ce qu’il doit principalement contenir : les noms, adresses et numéro d’identification Adeli, numéro d’inscription à l’Ordre infirmier, l’adresse du cabinet, les dates de remplacement, la cause du remplacement (maladie, maternité, congés, formation…), les moyens mis à la disposition de la remplaçante (cabinet, petit matériel, éventuellement véhicule…), les modalités de la rémunération précisées ci-après, les conditions de résiliation du contrat, une éventuelle clause de non-concurrence.
L’infirmière remplaçante doit utiliser les feuilles de soins de l’infirmière remplacée en y ajoutant lisiblement ses nom, prénom et qualité d’infirmière remplaçante. Elle perçoit les honoraires des patients pour le compte de l’infirmière remplacée et les lui remet. En cas de tiers payant ou de télétransmission, l’infirmière libérale remplacée ne pourra pas utiliser sa propre CPS pour signer les feuilles de soins électroniques (FSE). Les télétransmissions devront être effectuées en mode “dégradé” et l’infirmière remplaçante devra signer les feuilles de soins papier.
La remplacée pourra demander à la remplaçante une participation aux frais de fonctionnement du cabinet (loyer des locaux, EDF, assurance des locaux, téléphone, femme de ménage, logiciel de gestion du cabinet, frais de petits matériels à usage unique…). La rétrocession d’honoraires sera déclarée par la remplacée à l’administration fiscale, sur un formulaire DAS2, en début d’année civile, et sera déduite de ses propres honoraires et par la remplaçante en tant qu’honoraires sur sa propre déclaration d’impôts, dans la catégorie bénéfices non commerciaux.
Une clause de non-concurrence est déjà prévue par les règles professionnelles actuelles énoncées à l’article R. 4312-47 du CSP : « Un infirmier ou une infirmière qui a remplacé un autre infirmier ou une autre infirmière pendant une période totale supérieure à trois mois ne doit pas, pendant une période de deux ans, s’installer dans un cabinet où il pourrait entrer en concurrence directe avec l’infirmier ou l’infirmière remplacé, et éventuellement avec les infirmiers ou les infirmières exerçant en association avec celui-ci, à moins que le contrat de remplacement n’en dispose autrement. » Il est toutefois possible que remplaçante et remplacée se mettent d’accord pour que la remplaçante puisse déroger à cette interdiction. Le code de déontologie, en cours d’élaboration, devrait prévoir que toute professionnelle désirant s’installer et qui n’obtiendrait pas l’accord de sa ou ses collègue(s) pourrait soumettre sa demande au conseil départemental de l’Ordre afin qu’il tranche la question.
Rien ne s’oppose toutefois à ce qu’une clause de non-concurrence soit insérée dans le contrat de remplacement. Elle devra être limitée dans l’espace et dans le temps. Les usages en la matière sont de deux à trois ans en ce qui concerne le temps et, pour l’espace, le périmètre géographique couvert habituellement par l’infirmière remplacée. Les contours de la clause de non-concurrence suscitent régulièrement des difficultés.
En cas de litige, les tribunaux vérifient que l’étendue de la clause de non-concurrence est proportionnelle aux intérêts en présence.
Le contrat de remplacement devra certainement être transmis aux conseils départementaux de l’Ordre des infirmiers et sera contrôlé comme tous les contrats professionnels.