Bruno Burban, éducateur spécialisé dans la Maison des adolescents de Nantes (44)
La vie des autres
Intégré au cœur d’une équipe médicale, Bruno Burban reçoit les jeunes à la Maison des adolescents de Nantes. Éducateur spécialisé, il complète, en étant en première ligne, l’approche des soignants. Un travail pluridisciplinaire qui porte ses fruits.
Située dans une rue passante en plein centre de Nantes, la Maison des adolescents est devenue en trois ans une adresse bien connue des jeunes. Chaque année, plus de 500 jeunes de 11 à 21 ans en poussent la porte pour la première fois. Bruno Burban, éducateur spécialisé, en reçoit plus des trois quarts pour un ou plusieurs entretiens. Ces échanges mettent souvent en lumière des relations conflictuelles avec la famille ou le milieu scolaire. Les conséquences peuvent être lourdes, et parfois peser directement sur la santé. Le rôle de Bruno : aider son interlocuteur à mettre des mots sur ses problèmes, pour ensuite « clarifier tout ça ».
Cheveux bouclés, petite boucle d’oreille, le look de Bruno Burban correspond à l’idée que l’on se fait d’un “éduc’”. Mais, de son propre aveu, la pratique qu’il a de son métier n’est plus vraiment conforme à l’exercice classique de sa profession. « Au cours d’une expérience antérieure, dans un service de protection à l’enfance, je suivais des jeunes, comme le fait traditionnellement un éducateur spécialisé, explique Bruno Burban. Mais, dans une maison des adolescents, ma mission n’est pas de suivre un jeune sur une longue période, mais de l’écouter d’abord et ensuite de lui faire des propositions adaptées à sa situation, soit en interne, soit en l’orientant vers d’autres structures. On cherche à l’accompagner. C’est pour cela qu’on se présente comme accompagnant social et non en tant qu’éducateur. » Accompagner plutôt qu’éduquer en somme. L’innovation de la structure réside dans l’approche du jeune qui se veut ici globale. Priorité à la pluridisciplinarité et au décloisonnement, pour une approche “médico-psycho-éduco-judiciaire” comme il le résume. On veut promouvoir ici une santé globale, « au sens de la définition de l’Organisation mondiale de la santé »
« L’adolescence n’est pas une maladie », répètent les initiateurs de la structure nantaise. Dans cet esprit et contrairement à d’autres maisons des adolescents (il en existe une soixantaine actuellement), celle de Nantes n’est pas dirigée par un médecin, même si la majorité de l’équipe est constituée de professionnels liés aux soins : psychologues, psychiatres, pédiatre, infirmière scolaire (respectivement mis à disposition par le CHU de Nantes, l’École des parents et l’Éducation nationale) et deux éducateurs spécialisés, deux animatrices d’accueil et une animatrice multimédia.
Généralement, le jeune est orienté vers la Maison des adolescents par l’infirmière scolaire, le conseiller principal d’éducation ou un enseignant. En 2009, 40 % des jeunes étaient envoyés par un membre de l’Éducation nationale. Les médecins de famille adressent également de nombreux jeunes, 15 % en 2009.
Diplômé en 1993 de l’Institut régional du travail social à Rennes, Bruno Burban a rejoint la Maison des adolescents dès sa création, en février 2007. En première ligne, c’est lui, et non un médecin ou un psychologue, qui reçoit l’ado lorsque ce dernier n’a pas de demande précise et qu’il ne peut donc pas être dirigé rapidement vers un autre organisme.
Non stigmatisé – car la structure n’est pas étiquetée hôpital ou, “pire”, psychiatrie –, l’adolescent peut alors franchir le pas et pousser la porte du bureau de Bruno Burban. On commence à parler de l’école. « Mais, très souvent, on arrive à évoquer des difficultés familiales, raconte l’éducateur. Je suis toujours étonné par leur capacité à dire les choses. Le cadre proposé, avec la garantie de confidentialité et d’anonymat, favorise cette confiance. Le jeune peut donc se livrer sans risque. » Et si Bruno Burban est inquiet par l’attitude et/ou les propos tenus, la question du suicide est alors posée.
L’éducateur, comme les autres professionnels, a été formé à l’évaluation du potentiel suicidaire. En fonction de l’échange et de l’appréciation portée, Bruno Burban demande le numéro de portable, peut fixer déjà un deuxième rendez-vous, plus ou moins rapidement. Une réunion clinique d’équipe, organisée deux fois par semaine, étudie chaque situation et définit la proposition à faire au jeune et à sa famille. Les solutions sont multiples. Le lien avec le CHU facilite bien sûr la mise en place d’un suivi si besoin. « Un accompagnement par un psychologue ou un psychiatre peut également être proposé au sein de la maison des adolescents si cela est jugé plus pertinent », explique Bruno Burban. Une rencontre avec les parents est fréquemment initiée, avec ou sans le jeune, mais toujours avec son accord. Une manière de le replacer au cœur de son histoire.
*« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité », selon la définition rédigée en 1946 par l’Organisation mondiale de la santé.
« Il m’est déjà arrivé de travailler avec des infirmières libérales qui avaient orienté un jeune vers nous après un échange avec la famille. Mais il est vrai que je côtoie plus souvent les infirmières scolaires. Je demande alors au jeune s’il accepte qu’on entre en relation. Dans la grande majorité des cas, il ne refuse pas notre proposition.
Les infirmières scolaires apprécient d’être averties du suivi de leur patient mais pour cela, elles vont souvent prendre des nouvelles directement auprès du jeune. On comprend très bien que l’infirmière ait envie d’être tenue informée de l’évolution, du parcours. Pour nous, c’est la preuve d’une réelle complémentarité ».
« Le problème qui se pose à nous est le suivi des adolescents, estime le docteur Georges Picherot, pédiatre responsable des urgences pédiatriques au CHU de Nantes et médecin coordinateur de la Maison des adolescents. L’équipe médicale est partie du constat qu’un certain nombre d’ados pourraient être vus en dehors des consultations existantes à l’hôpital. Car certains d’entre eux ne trouvent pas de réponse à leurs besoins et arrivent directement aux urgences médicales ou psychiatriques sans qu’ils aient consulté auparavant. Il nous faut donc trouver des interfaces pour organiser ce suivi. L’accueil dans ce lieu est une interface. Ici, toute demande peut être prétexte à accrocher le jeune. Il faut sortir des structures classiques. »