L'infirmière Libérale Magazine n° 261 du 01/07/2010

 

Le débat

Depuis le 17 avril, le passage au remboursement à 15 % pour plusieurs centaines de produits* est loin d’attirer l’adhésion des professionnels. Reste à savoir quelle stratégie thérapeutique adopter : continuer comme avant ou opter pour des méthodes ou produits alternatifs ? Les avis divergent.

Laure Lechertier,

responsable du département Politique du médicament à la Mutualité française

Dans quel contexte s’inscrit la création du taux de remboursement à 15 % ?

Aujourd’hui, nous sommes dans un contexte de maîtrise des dépenses de santé. Or, s’il avait été décidé de dérembourser totalement ces médicaments, l’économie pour l’Assurance maladie aurait atteint – non pas 228 millions d’euros – mais 1,2 milliard ! L’économie aurait été bien plus conséquente si l’on avait suivi les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS). Par ailleurs, le Code de la Sécurité stipule depuis dix ans que les médicaments à Service médical rendu (SMR) insuffisant ne devraient pas être inscrits sur les listes de médicaments remboursables !

Que pensez-vous de cette décision ?

Historiquement, la Mutualité française s’était déjà positionnée en 2006 contre l’instauration du taux à 15 % au moment de la création d’un taux transitoire sur les veinotoniques. La création d’un quatrième taux est une mesure conjoncturelle qui brouille complètement l’image de la décision publique. C’est incompréhensible pour les patients. D’autant que ce taux concerne des médicaments qui ne sont pas utiles car ils ont un SMR insuffisant ou faible. La HAS s’est clairement prononcée contre la prise en charge par la collectivité de ces médicaments, pointant des alternatives thérapeutiques bien plus bénéfiques. Voilà pourquoi nous recommandons aux mutuelles de ne pas prendre en charge les médicaments à 15 %. Les fonds de l’Assurance maladie et des complémentaires santé doivent être consacrés aux médicaments efficaces et utiles à la collectivité. Par ailleurs, la création de ce nouveau taux, c’est la porte ouverte à un déremboursement massif et progressif, menant à une profonde inégalité d’accès aux soins.

Quelle position comptez-vous adopter ?

Nous avons mis sur pied un plan d’accompagnement des mutuelles reposant sur notre site Internet, la presse mutualiste et le service téléphonique Priorité Santé Mutualiste. Nous informons nos adhérents sur les alternatives thérapeutiques, qu’il s’agisse de règles hygiéno-diététiques ou d’autres médicaments. Pour tous les médicaments de la liste, la HAS a décliné une stratégie thérapeutique mieux adaptée. Pour les vasodilatateurs, la HAS a estimé que des séances de stimulations de la mémoire étaient plus performantes que le recours à ces médicaments…

Claude Bougé,

directeur général adjoint de la fondation des entreprises du médicament (Leem)

Dans quel contexte s’inscrit la création du taux de remboursement à 15 %?

Cela concerne 153 médicaments qui recouvrent environ 600 présentations pour un chiffre d’affaires de l’ordre d’un peu moins d’un milliard d’euros. Rappelons que pour les patients en affection longue durée pour lesquels l’un de ces produits fait partie du traitement, le médicament demeure remboursé à 100 %. Mais quelle a été l’attitude des complémentaires ? Les assureurs privés et un certain nombre d’institutions de prévoyance privées ont décidé de maintenir le complément. Ils remboursent donc entre 80 et 85 % (contre 65 % auparavant). Cela dit, 60 % des complémentaires est le fait des mutuelles. Ces dernières, pour la très grande majorité d’entre elles, ont décidé de ne pas compléter (ce qui leur permettra de faire près de 600 millions d’euros d’économie). Donc, aujourd’hui, parmi la liste des 153 médicaments, une boîte sur deux donne lieu à une prise en charge inchangée et une autre bénéficie d’un remboursement limité à 15 %.

Que pensez-vous de cette décision ?

À ce stade, on en connaît mal les répercussions sur les habitudes de prescription : c’est un cas de figure que nous ne connaissons pas encore. Il y a quatre ans, les veinotoniques étaient passés de 35 à 15 %. Il s’agissait des premières vignettes orange mais elles existaient pour une période transitoire de deux ans. Ce qui n’est pas le cas ici : la mesure de remboursement à 15 % est prévue pour être durable. Le Leem a publiquement déploré cette décision car il existait des alternatives. Cette mesure porte préjudice à des produits en général plutôt anciens, pas chers, fabriqués en France, auxquels les patients et les médecins sont très habitués et dont l’utilité thérapeutique n’est pas contestée. Nous redoutons des effets report vers des produits plus récents, plus chers mais moins bien indiqués. Les pouvoirs publics ont exprimé leur souhait de faire 150 millions d’économie. Or il y avait d’autres façons d’y parvenir, notamment par des politiques de déremboursement complet, et éventuellement par des baisses de prix…

Quelle position comptez-vous adopter ?

Chaque produit peut plaider sa cause devant la HAS et la Cnam. Du reste, une dizaine de produits a été retirée de la liste. Par ailleurs, nous allons observer l’évolution du marché.

* Liste complète sur www.espaceinfirmier.com et sur www.ameli.fr.