Une pathologie
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Le point sur
L’intolérance au gluten est une maladie méconnue qui touche pourtant une personne sur cent en Europe. Le seul traitement reste l’éviction à vie du gluten alimentaire. Mais avant de commencer un régime aussi astreignant, il faut avoir établi un diagnostic fiable.
La maladie cœliaque est une maladie auto-immune liée à une intolérance à certaines protéines contenues dans le gluten et responsable de lésions inflammatoires chroniques de l’intestin grêle et de malabsorption de nutriments. La maladie se développe chez des personnes présentant une susceptibilité génétique et se déclare à tout âge. L’intolérance au gluten n’entre pas dans le cadre des allergies alimentaires, dont les phénomènes immunologiques diffèrent.
→ Les grains de céréales sont constitués d’amidon et d’un mélange complexe de protéines. Le gluten est la masse protéique restante après extraction de l’amidon du blé, du seigle, de l’orge et de l’avoine.
→ Le mécanisme de l’intolérance au gluten est complexe. Dans le blé, la fraction toxique du gluten pour les personnes intolérantes est l’alpha-gliadine. Schématiquement, la gliadine pénétrerait de façon anormale dans la muqueuse de l’intestin grêle : il en résulterait une réaction inflammatoire de la muqueuse, une hyperplasie des lymphocytes épithéliaux ainsi qu’une production d’anticorps.
→ Ceux-ci sont de deux types : des anticorps anti-gliadine, et des auto-anticorps (antitransglutaminase et anti-endomysium). L’action conjointe de l’inflammation et des auto-anticorps entraîne une destruction de l’épithélium de l’intestin grêle et une atrophie qui empêche l’absorption du calcium, du fer, des vitamines et des protéines. Des atteintes extra-intestinales peuvent survenir. Elles sont liées à la malabsorption et à des mécanismes auto-immuns.
→ Chez le nourrisson et le jeune enfant, la maladie se manifeste souvent par une diarrhée chronique. L’enfant est fatigué, anorexique et triste. Son abdomen est ballonné et ses membres graciles, et il existe le plus souvent un ralentissement de la croissance en poids et en taille.
→ Chez l’adulte, elle peut se révéler par une diarrhée chronique associée à un amaigrissement, une dénutrition, une asthénie et des douleurs abdominales, une anémie par carence en fer, folates et vitamine B12, une hypocalcémie et une hypoalbuminémie.
D’autres symptômes peuvent cependant être au premier plan. Ce sont : une hépatite, une aphtose buccale récidivante, une anémie, des arthralgies et une ostéopénie, voire une ostéoporose, des troubles neurologiques (épilepsie, migraine, neuropathie, ataxie) et des troubles de la reproduction (aménorrhée, infertilité, hypotrophie fœtale, fausses couches à répétition).
Les formes frustes sont fréquentes. Leurs symptômes ne font pas forcément consulter.
Chez l’enfant, la maladie peut s’exprimer par une petite taille, un retard d’apparition de la puberté, une fatigue, des anomalies de l’émail dentaire, des douleurs articulaires qui peuvent passer inaperçus. Les signes digestifs peuvent se résumer à quelques douleurs abdominales, un ballonnement, quelques troubles du transit faisant évoquer chez l’adulte des troubles fonctionnels intestinaux. Une surcharge pondérale n’est pas rare.
« Méconnaître cette maladie présente des risques, souligne le Pr Christophe Cellier. Celui de laisser évoluer une ostéopénie, puis une ostéoporose (troubles de la croissance, fractures), développer d’autres atteintes auto-immunes (thyroïdie, hépatite, diabète insulino-dépendant, psoriasis…) et enfin un risque beaucoup plus faible mais bien plus grave, celui de développer des cancers de l’intestin, les lymphomes. »
Le diagnostic va reposer sur trois critères : la sérologie, les biopsies duodénales et l’évolution sous régime sans gluten.
« En pratique, un seul anticorps est demandé, c’est l’anticorps IgA antitransglutaminase, indique le Pr Christophe Cellier, avec éventuellement un dosage pondéral des IgA, puisque 3 % environ des malades cœliaques ont un déficit en IgA susceptible de négativer faussement la sérologie. » Si l’anticorps est positif, ou bien négatif mais avec de forts arguments en faveur d’une maladie cœliaque, des biopsies du duodénum sont réalisées pour confirmer le diagnostic.
Elles sont réalisées au cours d’une endoscopie digestive haute et mettent en évidence une atrophie des villosités totale ou partielle, une augmentation du nombre des lymphocytes intra-épithéliaux et une hyperplasie des cryptes.
L’amélioration des symptômes sous régime confirme le diagnostic.
« Je recommande chez l’adulte de faire une biopsie de contrôle après un à deux ans de régime sans gluten bien suivi, pour être certain que l’intestin s’est normalisé. En effet, chez l’adulte, il y a des formes qu’on dit réfractaires et qui peuvent évoluer vers les lymphomes », ajoute le Pr Christophe Cellier.
Attention : un régime sans gluten auto-prescrit ou même simplement très pauvre en gluten pendant quelques semaines ou quelques mois peut négativer les anticorps et/ou diminuer l’atrophie villositaire ; pour être fiables, les examens doivent être réalisés sous régime normal.
Le seul traitement est l’éviction totale du gluten de l’alimentation. Il repose sur l’éviction stricte et complète des céréales “toxiques” (blé – froment, épeautre, kamut –, seigle et orge), c’est-à-dire tous les aliments ou médicaments contenant leurs farines ou leurs dérivés. Si l’avoine en lui-même n’est pas dangereux, il est cependant déconseillé par certains, parce qu’il est contaminé (en France) par les autres céréales. L’explication du régime par une diététicienne qui connaît bien la maladie se fait en contact direct sur plusieurs consultations, pour évaluer les habitudes alimentaires, ce que l’on peut faire et ne pas faire, et proposer un régime équilibré et convivial qui convienne au mode de vie de la personne. L’adhésion auprès d’associations de malades, comme l’Association française des intolérants au gluten (Afdiag), est d’une aide précieuse et peut être conseillée. Celle-ci fournit, entre autres, la liste actualisée des aliments et médicaments sans gluten.
S’il faut exclure les aliments de base tels que le pain, les pâtes, pâtisseries, etc., d’autres produits auxquels on ne pense pas sont également à proscrire, comme la sauce soja, les veloutés, certaines viandes hachées, les sauces, liants, etc.
« Ce n’est pas un régime facile à suivre, souligne Brigitte Jolivet, présidente de l’Afdiag, notamment pour les enfants à la cantine, aux goûters d’anniversaire, etc., mais pour les adultes non plus. Dans les dîners d’affaire, les déplacements, au restaurant, il faut poser des questions, demander comment les produits sont préparés. Il y en a qui le font, d’autres qui n’osent pas. En fait, 50 % des adultes n’observent pas leur régime. »
→ L’Association française des malades cœliaques, ou Afdiag, est joignable par téléphone (01 56 08 08 22), par mail (afdiag@yahoo.fr) ou sur son site Internet www.afdiag.fr.