L'infirmière Libérale Magazine n° 262 du 01/09/2010

 

JUSTICE

Votre cabinet

Poursuivie en pénal par un patient, exposée à des sanctions disciplinaires, administratives ou pécuniaires, ou encore contrôlée par les caisses de Sécurité sociale, l’infirmière pourra exercer ce que l’on appelle, dans notre système juridique, les droits de la défense. Une expression qui regroupe tous les principes issus de notre arsenal juridique, en vue de faire entendre vos arguments.

Les principes de base

Les droits de la défense recouvrent, d’une part, le droit d’être entendu par un tribunal indépendant et impartial et, d’autre part, un ensemble de principes parmi lesquels figurent le respect du contradictoire et de la loyauté des débats, le droit d’être assisté, ainsi que celui de connaître les motifs de la décision et de la contester par l’exercice d’une voie de recours.

La Convention européenne des droits de l’homme(1)

Le droit à un procès équitable et publique devant une juridiction indépendante et impartiale doit beaucoup à un texte européen, la Convention européenne des droits de l’homme, adoptée en 1953 par les dix États membres de la Communauté européenne, et notamment à son article 6.

Figure également dans cette Convention le droit au respect de la présomption d’innocence, principe très souvent médiatisé, qui implique, rappelons-le une fois encore, que toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

D’autres droits y sont également inscrits comme celui de disposer de temps et de facilités pour préparer sa défense ou bien encore le droit pour une personne d’être informée, dans une langue qu’elle comprend, d’une manière détaillée, de l’accusation portée contre elle : d’où l’obligation de donner une assistance gratuite d’un interprète à un accusé.

L’article 7 de cette même Convention indique que nul ne peut être poursuivi pour une infraction qui n’était pas définie comme telle au moment des faits. Ce qui peut se traduire par : pas de peine sans loi. Notre législation interne reprend l’interdiction des lois rétroactives. Ce même article interdit également que ne soit prononcée une peine plus lourde que celle qui était applicable au moment des faits reprochés à la personne poursuivie. L’application immédiate des peines plus douces aux instances en cours est prévue par notre système juridique.

La garde à vue

Dans de récentes affaires, des infirmières, pour des erreurs de dosages ou de médicaments aux lourdes conséquences, se sont retrouvées placées en garde à vue, sans trop connaître leurs droits.

En effet, si certains sont notifiés dès le tout début de la garde à vue (droit de voir un avocat, un médecin, de faire prévenir une personne de son entourage), d’autres, comme celui de garder le silence, ne le sont que dans les séries américaines, mais très rarement dans nos commissariats français.

De même, n’est pour ainsi dire jamais rappelé le droit de ne pas signer les procès-verbaux d’audition, établis par les officiers de police judiciaire.

Au sujet de notre garde à vue, le Conseil constitutionnel a déclaré, dans une récente décision, que ses modalités n’étaient pas conformes à notre Constitution. Le fait qu’une personne puisse être interrogée en garde à vue sans le concours effectif d’un avocat et que cette interdiction soit générale est apparu excessif au Conseil constitutionnel, dans la mesure où une personne est désormais le plus souvent jugée sur la base des seuls éléments de preuves rassemblés avant l’expiration de sa garde à vue, en particulier sur les aveux qu’elle a pu faire pendant celle-ci. Il a également considéré que le fait de ne pas notifier au gardé à vue le droit de garder le silence est contraire à la Constitution. Il a été demandé au législateur de procéder aux aménagements législatifs imposés par leur décision d’ici le 1er juillet 2011.

Le contrôle des caisses de Sécurité sociale

Les droits évoqués précédemment s’appliquent également aux procédures opposant les infirmières aux caisses de Sécurité sociale. La maîtrise des règles applicables lors de contrôles de l’activité des professionnels libéraux de santé par les organismes d’assurance maladie permet de mieux préparer sa défense pour un contentieux ultérieur avec ces derniers.

Le service médical peut, entre autres, procéder à l’analyse des activités des praticiens qui dispensent des soins aux assurés sociaux, notamment au regard de la Convention. Dans le cadre de sa mission, le médecin conseil peut se faire communiquer l’ensemble des documents, actes, prescriptions et éléments relatifs à l’activité. Il peut entendre et examiner les patients, mais à condition d’informer le praticien de ces auditions (article R.345 du Code de la Sécurité sociale). Durant l’audition des patients, le médecin-conseil doit vérifier l’identité du patient en lui demandant une pièce d’identité, ce qui est loin d’être systématiquement le cas.

C’est la caisse qui notifie les griefs retenus contre le praticien. À compter de cette notification, le professionnel dispose d’un mois pour demander à être entendu, ce qu’il a tout intérêt à faire. Après le rendez-vous, il est fortement conseillé d’adresser à la caisse un compte rendu de cet entretien et de rappeler ses propres observations. En effet, les caisses se contentent de faire signer au praticien un document attestant de la tenue de l’entretien mais sans en retracer le contenu. Ce courrier deviendra très important pour étayer sa défense en cas de procédure contentieuse ultérieure : recouvrement d’indus, section des assurances sociales, procédure conventionnelle…

En matière de contrôle de l’activité libérale, la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) peut également diligenter des enquêtes administratives auprès des assurés sans passer par le service médical. Elles sont généralement réalisées par des agents assermentés de la Caisse et les comptes rendus d’audition des assurés peuvent servir de fondement à une procédure contentieuse sans qu’il y ait eu de contrôle médical. Mais ces procédures sont souvent entachées d’irrégularité pour défaut de nom de l’assuré ou de sa signature sur les procès verbaux…

Par ailleurs, la Convention nationale des infirmières et des infirmiers(2), conclue entre l’Uncam et les syndicats infirmiers – chaque infirmière libérale lors de son installation a attesté en avoir pris connaissance – prévoit la procédure suivie en cas de soupçon de non–respect des engagements conventionnels. Dans un premier temps, la Caisse adresse un avertissement par lettre recommandée avec accusé de réception qui comporte l’ensemble des faits reprochés. L’infirmière dispose d’un mois pour faire ses observations écrites et/ou demander à être entendue par le directeur de la Caisse. Si elle persiste dans ses “errements”, elle encourt une sanction qui peut aller de la suspension – 3, 6, 9 ou 12 mois – de tout ou partie de la participation des caisses au financement de ses cotisations sociales, à la mise hors conventionnement pour la durée d’application de la convention, en passant par le déconventionnement temporaire d’une semaine à douze mois. Au préalable, la Commission paritaire départementale devra avoir rendu son avis, après avoir invité l’infirmière à lui adresser ses observations écrites et à venir s’expliquer devant elle.

L’infirmière ne devra pas hésiter à se rendre à cette convocation assistée d’un avocat : en effet, affronter le regard de plus d’une dizaine de personnes, assises autour de tables disposées en fer à cheval, est particulièrement impressionnant. Seuls des cartons, disposés devant elles, permettent de les identifier comme des représentants syndicaux ou des membres des différentes caisses. Malheureusement, ces cartons sont rarement lisibles de la place assignée à l’infirmière. Dès lors, il ne fait aucun doute que la praticienne, sous extrême tension, ne regrettera pas la présence son avocat, qui l’aidera à formuler des observations qu’elle pourrait ne pas être à même de présenter avec clarté et précision.

(1) Intégralité de la Convention sur http://conventions.coe.int/Treaty/ fr/Treaties/Html/005.htm

(2) Texte publié au Journal officiel du 25/07/2007 téléchargeable sur www.ameli.fr.