L'infirmière Libérale Magazine n° 263 du 01/10/2010

 

PROFESSION

Actualité

HPST > Les textes encadrant les programmes d’éducation thérapeutique du patient (ETP) sont parus cet été. L’heure est désormais au dépôt des dossiers auprès des ARS. Quid des libérales ?

Pratiquée en France depuis une vingtaine d’années, l’éducation thérapeutique est inscrite dans le marbre par la loi HPST de juillet 2009. Las, « la plupart des malades chroniques ne bénéficient d’aucun programme d’éducation thérapeutique », déplorait la Société française de santé publique* dans un rapport remis à la ministre de la Santé en juin, regrettant que les programmes proposés soient essentiellement hospitaliers « alors que les patients atteints de pathologies chroniques résident à domicile ».

L’étape franchie cet été avec la parution de trois décrets et deux arrêtés ne semble pas modifier la donne (cf.ci-dessous). Certes, on attend encore les textes d’application sur les actions d’accompagnement… Mais, comme les programmes doivent être validés d’ici le 1er janvier, un tour d’horizon des nouvelles dispositions s’impose.

Quels patients ?

Les programmes d’éducation concerneront des patients atteints d’« affections de longue durée exonérant du ticket modérateur » [ndlr. trente actuellement], « d’asthme et de maladies rares » ou de « problèmes de santé considérés comme prioritaires au niveau régional ». Des exceptions sont prévues, qu’il faudra « expliciter » auprès de l’agence régionale de santé (ARS).

Quels intervenants ?

Les programmes seront coordonnés par un médecin, un autre professionnel de santé ou le représentant d’une association de patients. Ils devront être « mis en œuvre par au moins deux professionnels de santé de profession différente ». L’un d’eux devra forcément être un médecin si le coordinateur n’en est pas un. Des associations œuvrant dans le champ de la promotion de la santé pourront également participer, sous certaines conditions.

Quelles qualifications ?

Les professionnels dispensant l’ETP devront avoir reçu « une formation d’une durée minimale de 40heures d’enseignements théoriques et pratiques, pouvant être sanctionnée, notamment, par un certificat ou un diplôme ». Quinze compétences sont listées par un arrêté. Il s’agira, par exemple, de savoir « identifier les besoins objectifs et subjectifs des patients », de « choisir des outils adaptés » à chacun, ou encore d’« évaluer et améliorer de façon périodique la performance pédagogique des soignants ».

L’autorisation

Chaque demande devra être adressée au directeur général de l’ARS de la région où le programme est mis en œuvre. Si l’agence ne répond pas, l’autorisation est « réputée acquise » au bout de deux mois après une demande complète.

Le cahier des charges

Il permettra de décrire le programme : intervenants impliqués, population cible, outils pédagogiques, critères d’évaluation de l’atteinte des objectifs fixés en commun avec le patient, procédures de coordination entre les intervenants, procédure d’information du patient, de recueil du consentement, garanties de confidentialité… Les promoteurs d’un programme devront fournir « des données disponibles relatives à son efficacité potentielle » : par exemple, une revue de littérature ou une étude clinique. Il faudra définir les objectifs du programme, en décrivant « les critères de jugement de son efficacité », sur les plans clinique (qualité de vie, autonomie), psychosocial, biologique, ou encore en ce qui concerne le recours au système de soins. À prévoir également : les critères permettant une autoévaluation annuelle du programme. Il est envisagé une évaluation quadriennale par un évaluateur externe désigné par l’ARS. Enfin, les sources prévisionnelles de financement devront être détaillées.

* Rapport “pour une politique nationale d’éducation thérapeutique” présenté en juin 2010 à la ministre de la Santé par Christian Saout, président du CISS, Bernard Charbonnel, médecin endocrinologue et Dominique Bertrand, médecin de santé publique.

2 questions à…

Philippe Tisserand, président de la FNI, auteur d’un rapport de “contre-propositions” remis à la mi-septembre à Elisabeth Hubert (cf. page 12)

L’ETP et les libéraux, une affaire ancienne ? Nos infirmiers n’ont pas attendu pour s’impliquer dans les réseaux de santé ambulatoires. Si l’on souhaite limiter les complications liées à un traitement, il est en effet inutile de dissocier l’éducation du suivi de la pathologie ! La Fédération nationale des infirmiers (FNI) ne recommande pas que les 8 ou 9millions de patients en affection longue durée soient éduqués par des infirmiers libéraux, mais suggère que ceux qui nécessitent un suivi personnalisé, soit environ 20 % d’entre eux, puissent être encadrés dans les meilleurs délais.

Votre rapport insiste sur le caractère d’urgence… À quoi bon spéculer sur la formation d’une prochaine génération de médecins à l’ETP alors que l’éducation fait déjà partie des missions dévolues aux infirmiers et est inscrite dans leur décret de compétence ? Le rapport Jacquat, dont l’auteur est médecin, ne dit pas autre chose quand il constate que « les professions paramédicales sont plus en avance que les formations médicales »… Le bon sens et l’efficience en matière de politique de santé publique voudrait que l’on s’appuie sur les professionnels déjà formés, pas d’attendre de créer de nouveaux métiers. C’est la même chose lorsque les maisons de santé sont présentées comme des lieux de référence de l’ETP, alors que ces structures ne sont même pas sorties de terre.

EN SAVOIR +

→ Loi HPST du 21 juillet 2009 (Journal officiel, JO, du 22/07/2009), article 84.

→ Décret n° 2010-906 du 2 août 2010 et arrêté du 2 août 2010 relatifs aux compétences requises pour dispenser l’ETP, JO du 4/08, textes 27 et 30.

→ Décret n° 2010-904 du 2 août 2010 relatif aux conditions d’autorisation des programmes d’ETP ; arrêté du 2 août 2010 relatif au cahier des charges des programmes d’ETP et à la composition du dossier de demande de leur autorisation, JO du 4/08, textes 25 et 31.

→ Décret n° 2010-1031 du 31 août 2010 relatif aux programmes d’apprentissage et pris en application de l’article L. 1161-5 du Code de la Santé publique, JO du 2/09, texte 25.

Et le financement ?

Denis Jacquat, député UMP, a remis débutjuillet à Roselyne Bachelot un rapport* précisant les modalités de l’ETP. 19 propositions parmi lesquelles le développement en ambulatoire, via les maisons de santé, occupe une place de choix. Le rapport plaide pour un renforcement de la formation de tous les professionnels de santé, initiale comme continue. Il plaide aussi pour une rémunération des professionnels au forfait, prélevée sur le budget “risque” de l’Assurance maladie et dispensée par les ARS. Un budget pourtant déjà largement ponctionné… Il encourage également les firmes pharmaceutiques à financer directement les programmes d’éducation, ce qui n’est pas sans soulever des questions d’éthique.

* “Éducation thérapeutique du patient, propositions pour une mise en œuvre rapide et pérenne”, Denis Jacquat, juin 2010.