Cahier de formation
Savoir faire
Mme A., 78 ans, porteuse d’une prothèse depuis cinq ans suite à une fracture du col du fémur, n’a pas le moral. Elle passe ses journées à grignoter devant sa télévision …
Il faut absolument la convaincre de marcher à l’extérieur au moins une heure par jour. L’absence d’activité physique est mauvaise pour l’évolution de son ostéoporose, et une nouvelle fracture du fémur sur sa prothèse serait très délicate à gérer. Il faut aussi qu’elle marche pour maintenir sa musculature et limiter ainsi le risque de luxation. Enfin, elle peut prendre du poids, ce qui augmentera les sollicitations sur sa prothèse et risque à terme d’accélérer son usure ou son descellement.
→ Les kinésithérapeutes jouent un rôle majeur dans l’éducation thérapeutique des patients au cours de la période à risque des trois premiers mois qui suivent l’intervention. Dès l’hôpital ou la clinique, ils pourront aider le patient à vivre avec sa prothèse, en lui réapprenant les gestes de la vie quotidienne, comme se coucher et se lever d’un lit, s’asseoir, monter les escaliers ou même enfiler des chaussettes.
→ À la sortie, en centre de rééducation, de convalescence ou en cabinet libéral, les kinésithérapeutes interviennent sur la remise en fonction de la hanche : travail musculaire, assouplissements, coordination globale de la marche, etc. Les séances de kinésithérapie ne sont pas indispensables pour une personne active dès sa sortie de l’hôpital. La Sécurité sociale prend en charge quinze séances sans demande d’entente préalable après une pose de PTH.
L’infirmière libérale est rarement sollicitée pour des soins directement liés à la prothèse. En revanche, sur le long terme, elle est un relais de messages d’éducation thérapeutique. Chaque fois que l’occasion se présente, elle peut distiller des conseils de prudence et de prévention. Dans la majorité des cas, le résultat de l’intervention est tellement bon que le patient oublie sa prothèse : il n’est pas inutile de lui rappeler qu’il porte une hanche artificielle, et que la relation avec sa prothèse doit s’envisager sur du très long terme. Demander à un nouveau patient s’il porte une PTH devrait ainsi faire partie des questions à poser à un nouveau patient.
Il est important de savoir qu’une PTH doit faire l’objet d’un contrôle clinique et radiologique tous les deux ans, même si le patient ne présente aucun signe clinique particulier.
Plus question de monter sur une chaise pour changer une ampoule ou pour attraper le sel qui est rangé trop haut. Il faudra réorganiser la maison pour que tout soit à portée de main et se faire aider si nécessaire.
Attention également aux parquets cirés, aux carrelages humides, aux tapis mal fixés, aux escaliers sans rampe ou aux fils électriques qui accrochent les pieds. Car une chute pourra engendrer une fracture du fémur, du bassin ou de la prothèse : dans tous les cas, il sera nécessaire de réopérer, avec un pronostic moins favorable que lors de la première intervention. S’il n’y a pas de fracture, le choc peut néanmoins déstabiliser la prothèse et induire un descellement prématuré.
→ Si elles sont aujourd’hui rares, les infections osseuses sont très difficiles à éradiquer. Le traitement antibiotique est long et parfois lourd à supporter. Si l’infection se localise autour de la prothèse et provoque son descellement, le chirurgien devra la retirer, nettoyer le site et resceller des implants avec un ciment antibiotique.
→ Dans les suites opératoires, il faudra donc être vigilant aux signes suspects au niveau de la cicatrice (rougeur, chaleur, odeur, suintement), ainsi qu’à l’état général du patient (fatigue et fièvre).
→ Par mesure de prévention, il est nécessaire d’éviter les injections intramusculaires dans la fesse du coté de la prothèse. Le patient devra également être sensibilisé aux risques que représente tout type d’infection, même située à distance de sa prothèse. Ainsi une angine, une infection urinaire ou dentaire ne devra pas être négligée. À rebours des conseils généraux, pour les porteurs de prothèses, les antibiotiques doivent être automatiques.
Au bout de deux à trois mois, dans la plupart des cas, la musculature de la hanche aura retrouvé sa force et le patient pourra reprendre des activités quasi normales. Il pourra en particulier conduire une voiture, travailler et avoir des rapports sexuels. Pour information, le porteur d’une prothèse risque de sonner au passage des portiques de sécurité des banques ou des aéroports, car une partie des implants est métallique : cela ne limite en rien ses activités, mais il est préférable qu’il le sache à l’avance et qu’il se munisse d’un certificat médical.
La pratique sportive est recommandée afin de renforcer la musculature et solliciter le squelette. La natation et le cyclisme, sports sans chocs, sont les plus conseillés (à condition de ne pas tomber pour le second, bien entendu). À l’inverse, le ski ou les arts martiaux sont à proscrire, question de bon sens. Pourtant, pour le PrCourpied, orthopédiste à l’hôpital Cochin, « si la prothèse a été bien posée, il n’y a pas d’interdit. Le patient doit pouvoir reprendre toutes les activités qu’il veut, en rapport avec sa capacité physique ». Il est donc important de reprendre un sport pratiqué précédemment. Rappelons également que le rôle de l’activité physique en prévention de l’ostéoporose est bien connu, puisqu’elle permet de favoriser la construction du tissu osseux tout en minimisant les processus de destruction.
En dehors des risques généraux sur la santé, le surpoids est source de contraintes mécaniques importantes sur une articulation. Le porteur d’une prothèse aura tout intérêt à surveiller sa ligne, en ajustant sa prise calorique à ses dépenses et en équilibrant son alimentation. Le risque de descellement de la prothèse constituera une source de motivation supplémentaire pour maigrir, pour peu qu’il soit bien sensibilisé à la question. Dans la même optique, le port de charges lourdes est déconseillé, surtout dans les premiers mois qui suivent l’intervention.
La bonne santé du squelette passe également par une bonne alimentation. En particulier chez les femmes, sujettes à l’ostéoporose autour de la ménopause, il est important que les apports en calcium (produits laitiers, légumes de la famille du chou, eaux minérales) et en vitamineD (poisson) et vitamineK (poisson, légumes verts), ainsi que l’exposition au soleil (qui permet de synthétiser la vitamineD à partir du cholestérol) soient suffisants. Il faut aussi veiller à ce que l’alimentation ne soit pas la cause de pertes calciques trop importantes, comme c’est le cas lorsque l’on mange trop salé et trop protéiné.
En excès, tabac et alcool pénalisent la santé en général, et la santé osseuse en particulier.
→ Les corticoïdes : anti-inflammatoires, prescrits dans des pathologies inflammatoires chroniques.
→ Les glitazones : antidiabétiques oraux, prescrits contre le diabète de type 2.
→ Les IPP (inhibiteurs de la pompe à proton) : prescrits contre le reflux gastro– œsophagien ou l’acidité gastrique.
Par mesure de précaution, la prise sur le long terme de ces médicaments est donc à éviter chez les femmes à risque d’ostéoporose.
Dominique Guillemin, 53 ans, secrétaire générale de l’ALCH (Association pour les luxations congénitales de la hanche)
« De nos jours, la PTH est considérée comme une opération de routine. Du fait de l’amélioration des techniques chirurgicales, mais également dans le but de réduire les dépenses de santé, les patients sont très vite renvoyés chez eux. Trop vite, parfois. Si cela se justifie d’un point de vue strictement chirurgical, c’est moins vrai d’un point de vue humain. Ils ont à peine eu le temps de recevoir, et surtout d’intégrer les conseils de prudence liés à leur prothèse. Si l’opération a bien réussi, ils oublient complètement leur hanche. Or il faut garder en tête que l’on porte une articulation artificielle, que cet état doit se maintenir pendant de longues années, qu’il faut la surveiller… Et si l’opération est suivie de complications, les personnes sont angoissées, frustrées du manque d’information, et déversent leur colère devant les tribunaux. L’éducation thérapeutique pourrait désamorcer beaucoup de conflits et d’inquiétudes, mais elle trouve difficilement sa place dans ce type d’intervention, de plus en plus déshumanisée. C’est bien dommage. »